Les Haïtiens exigent protection après qu'un chef de gang ait massacré des dizaines de personnes pour venger la mort de son fils

Des passants se mettant à l'abri de l'échange de coups de feu entre les gangs et la police à Port-au-Prince, en Haïti, 11 novembre 2024.
Un chef de gang qui contrôle un port clé de la capitale haïtienne est accusé d’avoir massacré des personnes âgées et des chefs religieux vaudous de sa communauté pour venger la mort de son fils, selon le gouvernement et les organisations de défense des droits humains

Un chef de gang accusé d’avoir tué plus de 100 personnes dans la capitale haïtienne pour venger la mort de son fils persécutait toujours les habitants mardi, selon des témoignages relatet l'Associated press.

Mackenson Cangé, dont le père figurait parmi les victimes, a affirmé à la radio Magik9 que les habitants de la zone contrôlée par les gangs expliquaient que les hommes armés poursuivaient toujours les personnes âgées et tuaient également les plus jeunes.

"Je crois en la justice de mon pays. Mais j’en ai marre que le gouvernement condamne (seulement) ces massacres. Nous devons agir", a-t-il confié.

Peu d'informations sur cette tuerie et sur le nombre exact de victimes

Peu de détails sur la tuerie qui a duré deux jours dans la communauté de Cité Soleil vendredi et samedi (6 et 7 décembre) ont été rendus publics. Les habitants n’ont pas été autorisés à quitter la zone et aucune image des meurtres n’a été partagée sur les réseaux sociaux comme cela a souvent été le cas lors d’incidents précédents.

Ni la Police nationale d’Haïti, ni le chef de la mission internationale soutenue par l'ONU n'ont fait de déclarations suite à cette tuerie. 

Pendant des années, la police n'a pas pu pénétrer dans la zone contrôlée par les gangs, et même les groupes de défense des droits humains n'ont pas pu y accéder cette fois-ci, s'appuyant sur des témoins qui y vivent et refusent souvent de parler de peur d'être tués.

Deux groupes locaux de défense des droits de l'homme affirment que plus de 100 personnes ont été tuées, tandis que Volker Türk, haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a lui déclaré qu'il y avait au moins 184 victimes.

Le responsable désigné, Micanor Altès, chef de gang

Les meurtres ont été imputés au chef de gang Micanor Altès, également connu sous les noms de Monel Felix et Wa Mikanò. Son fils serait décédé de maladie selon le Réseau national de défense des droits humains et la Coopérative pour la paix et le développement.
Les deux groupes de défense des droits ont déclaré qu'Altès accusait les chefs religieux vaudous et les personnes âgées de la communauté de pratiquer la sorcellerie et d'avoir nui à son fils.

Mardi (10 décembre), le Bureau de la protection du citoyen d'Haïti a dénoncé ces meurtres, soulignant que les victimes étaient âgées de 60 à 80 ans. Il a appelé les autorités policières et judiciaires à réagir rapidement et à identifier tous les responsables.

La "Haitian Bridge Alliance", une organisation à but non lucratif basée aux États-Unis, a également appelé mardi à une enquête approfondie.
"Ce massacre est une profonde tragédie qui souligne l’escalade de la crise de la violence des gangs et de l’anarchie en Haïti", s'est exprimée Guerline Jozef, directrice exécutive de l’alliance.

Micanor Altès contrôle les communautés côtières du quai Jérémie, de La Saline et de Fort Dimanche et est connu pour ses vols, extorsions et détournements de marchandises et de camions, selon un rapport de l'ONU. Les experts affirment qu’il n’était pas connu pour être aussi brutal que les autres chefs de gangs haïtiens.

Des victimes tuées puis brûlées

Mackenson Cangé a déclaré que les habitants du quai Jérémie lui ont dit que des hommes armés traquaient toujours les personnes âgées et tuaient également des plus jeunes. Il a raconté que son père, avait été tué après que trois hommes se soient présentés à son domicile vendredi soir et lui aient demandé de les accompagner. "Je n'aurais jamais cru que quelque chose comme ça arriverait à mon père", a dit Mackenson Cangé, soulignant qu'il vivait dans cette communauté depuis 29 ans. "Mon père a été assassiné. Poignardé puis brûlé".
Il a avoué connaître personnellement une trentaine d'autres personnes qui ont été tuées. Sa mère et sa sœur, qui vivaient avec son père, ont survécu. "J'ai perdu mon meilleur ami, quelqu'un qui m'a soutenu toute ma vie".

La condamnation du gouvernement

La zone contrôlée par les gangs, comme beaucoup d’autres, reste inaccessible à la police et aux autres autorités. Même si le gouvernement s’est engagé à traduire les responsables en justice, la manière dont il compte le faire n’est pas clairement définie.
"Une ligne rouge a été franchie et l'Etat mobilisera toutes ses forces pour traquer et détruire ces criminels", a indiqué lundi le gouvernement dans un communiqué.

Plus de 4 500 personnes auraient été tuées cette année en Haïti.