Les petits États insulaires de la Caraïbe saluent une victoire "historique" dans une affaire de justice climatique aux Nations Unies

(g-d) Gaston Browne (g), Premier ministre d'Antigua-et-Barbuda, Kausea Natano, Premier ministre de Tuvalu et Arnold Loughman, procureur général du Vanuatu, au Tribunal maritime de l'ONU, le 11 septembre 2023 à Hambourg, en Allemagne.
La Cour maritime de l'ONU a statué, le 21 mai 2024, en faveur d'un collectif de petits États insulaires, dont Antigua et Barbuda, Saint-Vincent et les Grenadines, Saint Kitts et Nevis et Sainte-Lucie. Ils avaient intenté une action en justice pour obtenir une protection accrue des océans de la planète face aux changements climatiques catastrophiques. Estimant que les émissions de carbone peuvent être considérées comme un polluant marin, la Cour a déclaré que les pays pollueurs avaient l'obligation de prendre des mesures pour atténuer leurs effets sur les océans.

Les pays qui ont porté l'affaire devant la Cour ont qualifié cette décision d"historique", et les experts ont déclaré qu'elle pourrait avoir une influence sur la portée des futurs litiges climatiques concernant les émissions de gaz à effet de serre (GES).

"Les émissions anthropiques de gaz à effet de serre dans l'atmosphère constituent une pollution du milieu marin" au sens du traité international UNCLOS a estimé le Tribunal du Droit de la mer (TIDM) dans une expertise.

Les pays pollueurs ont donc "l'obligation spécifique de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que les émissions relevant de leur juridiction ou de leur contrôle ne causent pas de dommages par pollution à d'autres États et à leur environnement", a déclaré la Cour.

L'action en justice des petits pays insulaires

L'affaire a été introduite en septembre par neuf petits pays touchés de manière disproportionnée par le changement climatique, dont Antigua-et-Barbuda, Saint-Vincent et les Grenadines, Saint Kitts et Nevis et Sainte-Lucie pour la Caraïbe. Les autres sont les Bahamas, Niu, le Vanuatu et Tuvalu. Ils ont demandé à la Cour de Hambourg d'émettre un avis sur la question de savoir si les émissions de dioxyde de carbone absorbées par les océans peuvent être considérées comme de la pollution et, dans l'affirmative, quelles sont les obligations des pays pour remédier à ce problème.

Le traité UNCLOS oblige les pays à prévenir la pollution des océans, en définissant la pollution comme l'introduction de "substances ou d'énergie dans le milieu marin" qui nuit à la vie marine. Mais il ne définit pas les émissions de carbone comme un polluant spécifique, qui, selon les plaignants, devrait être pris en compte.

La lutte pour leur survie

L'avis de la Cour est consultatif et non contraignant, mais il influencera la manière dont le traité des Nations unies sera interprété dans le monde entier.

"Il s'agit de la toute première décision d'un tribunal international sur le changement climatique et les océans, qui clarifie les obligations juridiquement contraignantes de 169 pays parties au traité (UNCLOS)", ont déclaré les neuf pays plaignants dans un communiqué.

Les petites nations insulaires luttent pour leur survie. Certains deviendront inhabitables dans un avenir proche parce que les émissions de gaz à effet de serre n'ont pas été réduites. Nous exigeons que les principaux pollueurs respectent le droit international et mettent fin aux dommages catastrophiques dont nous sommes victimes avant qu'il ne soit trop tard.

Gaston Browne, Premier ministre d'Antigua-et-Barbuda

Cette affaire est considérée comme la première grande affaire de justice climatique internationale impliquant les océans de la planète, et les experts estiment qu'elle pourrait avoir des répercussions considérables sur les obligations futures des pays en matière de changement climatique.

La Cour internationale de justice (CIJ) examine elle aussi actuellement une demande du Vanuatu pour clarifier les "obligations" des États en matière de changement climatique. En janvier 2023, la Colombie et le Chili ont sollicité un avis de la Cour interaméricaine des droits de l'Homme sur les obligations étatiques en matière de lutte contre l'urgence climatique, au regard du droit international des droits humains. Les décisions sont attendues dans les mois à venir.

Des records de température pour l'eau de mer

Cet avis du Tribunal International du Droit de la mer constitue un repère important sur la responsabilité juridique des effets du changement climatique, qui aura sans aucun doute une influence sur la portée et l'orientation des futurs litiges en matière de climat.

Tom Mitchell, directeur exécutif de l'Institut international pour l'environnement et le développement

Les écosystèmes océaniques créent la moitié de l'oxygène que l'homme respire et limitent le réchauffement de la planète en absorbant une grande partie du dioxyde de carbone émis par les activités humaines. Mais l'augmentation des émissions peut réchauffer et acidifier les eaux de mer, nuisant ainsi à la vie marine et aux écosystèmes.

L'augmentation des températures de la mer au niveau mondial accélère également la fonte des calottes polaires et la hausse du niveau des mers, ce qui constitue une menace existentielle pour les petites nations insulaires.

Les températures de surface de la mer ont atteint un record mensuel en avril pour le 13ème mois consécutif, selon le programme Copernicus de l'UE.

Températures à la surface de la mer en Avril 2024