Un mal qui révèle (réveille) bien des maux de la société guadeloupéenne

L’histoire de l’engagisme fait suite à celle de l’esclavage.
L'affaire du vote de Maxette Pirbakas continue de susciter de nombreuses réactions en Guadeloupe et à l'extérieur. Dans l'Archipel, il dépasse le simple cadre du vote de la député européenne pour relancer les vieux débats originels d'une société qui digèrent encore mal ses origines multiples
Il aura du mal à passer ce vote ou ce non-vote de la député européenne Maxette Pirbakas. Et ses tentatives d'explications n'y feront rien : Le mal est fait. Maxette Pirbakas peut encore essayer de sauver sa face en mêlangeant les thèses du Rassemblement National à ses convictions, il restera toujours que, le jour où le parlement européen déclare que l'esclavage est un crime contre l'Humanité, une député guadeloupéenne n'a pas donné à cette déclaration le poids que tous les Guadeloupéens auraient souhaité qu'elle lui donne.
Maxette Pirbakas-Grisoni
Mais les conséquences de ce "vote-non vote" dépassent aujourd'hui la simple sphère politique autour d'une personne pour s'élargir, dans certains commentaires, à la considération que certains, aujourd'hui encore, ont des Guadeloupéens d'origine indienne. Un vieux débat que l'on croit toujours dépassé, et qui ressort chaque fois qu'on lui en donne l'occasion.
En l'occurence, certains n'ont voulu voir dans ce manque de pertinence politique de la part de Maxette Pirbakas, que la traduction de l'état d'esprit des indiens de Guadeloupe. Un amalgame qui leur permet alors de différencier les intérêts des Guadeloupéens selon leurs origines ancestrales.

Une tentative dénoncée par de nombreuses voix dont celle exprimée communément dans une lettre ouverte par Frantz Gobaly de l'Association Saravanam, Olivier Mounsamy, Elie Shitalou de Sanatan Dharma Samaj, Cheddi Sidambarom et Eliézère Sitcharn du Comité du Premier Jour. 
Dans cette lettre, ils dénoncent tout d'abord l'attitude politique de Maxette Pirbakas :

Qu’importe le vote ! Ce qu’il convient de constater, c’est qu’elle n’a pas voté en faveur de la résolution. Et tout comme l’ensemble des guadeloupéens, nous sommes indignés ! C’est une véritable insulte aux Guadeloupéens, à tous les Guadeloupéens, directement issus de l’esclavage ou non. C’est une insulte à l’Humanité !...
Ne pas voter en faveur de l’initiative de Younous OMARJEE, revient à nier l’Histoire notamment celle de la Guadeloupe ; l’Histoire des peuples arrachés, des peuples déracinés, des peuples transplantés !


Ce qui les emmène ensuite à dénoncer l'extension donnée par certains à ce vote :

En tant que guadeloupéens d’origine indienne, nous sommes tout aussi indignés par la malhonnêteté de certains de nos compatriotes, voulant laisser entendre que tous les « indo-descendants » guadeloupéens partageraient les idées et positions de Mme PIRBAKAS, parce que ne se sentant pas concernés par l’esclavage. Tous les guadeloupéens ne sont pas d’extrême droite et donc, il en est de même pour les personnes d’origine indienne.

Un débat qui fait renaître les relents de la société guadeloupéenne et le patchwork à partir duquel elle s'est constituée. Un vieux souvenir qui ramène à l'arrivée des premiers travailleurs engagés Indiens sur cette terre de Guadeloupe. L'esclavage ayant été aboli, les anciens esclaves voient souvent d'un très mauvais oeil ces nouveaux arrivants qui, six ans après l'abolition, prennent le seul travail qu'ils auraient pu exercer pour gagner leur vie.
24 décembre 1854, les premiers travailleurs Indiens arrivent en Guadeloupe à bord du bateau Aurélie
Pendant longtemps, les quolibets et autres petites chansons de mauvais goûts viendront illustrer ce ressentiment. Et les Guadeloupéens d'origine indienne seront souvent bien seuls à revendiquer leurs droits civiques.
Henri Sidambarom, défenseur des droits civiques des Guadeloupéens d'origine indienne

A cela, les auteurs de la lettre rappellent à qui ne le sait toujours pas que :

Nous, Guadeloupéens, ne nous exprimons pas en tant que personnes d’origine indienne, mais en tant qu’êtres humains. L’histoire de l’engagisme fait suite à celle de l’esclavage. Cette histoire commune a comme responsable la colonisation et la société de plantation pour la production de richesses


Pourtant, l'eau, la culture et même l'Amour ont coulé sous les ponts jusqu'à effriter les murs. Les unions entre Guadeloupéens d'origines différentes ont fait qu'aujourd'hui, la plupart des Guadeloupéens ont des ascendents de toutes origines.
Une situation que le visage de celle qui est devenue aussi bien Miss Guadeloupe que Miss France, rappelle aisément.

Une réalité concrète même si certains n'ont pas su prendre le train en marche et en reviennent toujours aux gares désaffectées.
Et la lettre se conclut par un appel à une concorde définitive entre tous les Guadeloupéens pour bâtir un avenir indubitablement commun :

Nous devons poursuivre ensemble la construction de notre pays, du péyi Gwadloup, ne l’oublions jamais ! Ensemble, nous sommes plus forts !


Pour voir l'intégralité de la lettre:

A propos du vote de Maxette Pirbakas