MEMOIRE : le cyclone de 1928, un mal pour un bien ?

Pointe-à-Pitre dévastée par le cyclone de 1928.
90 ans après le passage, sur la Guadeloupe, du dévastateur et meurtrier « cyclone de 1928 », l’association CORECA (Contacts recherches Caraïbes) et la ville de Pointe-à-Pitre ont commémoré, non pas le phénomène, mais l’électrochoc qu’il a provoqué au sein de la population.
 

POURQUOI UNE COMMEMORATION ?


Fo nou sonjé sa ki fèt an 1928, pou nou konprann ka pou nou fè, ou pa fè, jodila*.

C’est après le passage de l’ouragan de 1928, que les habitants de l’archipel ont pris conscience de leur vulnérabilité.
Il n’était plus question de vivre un tel désastre.
La population a dû s’organiser et vivre différemment : reconstruire en tenant compte du risque cyclonique et développer la solidarité.
Des conséquences bénéfiques, pour la Guadeloupe, malgré le drame, mises en lumière, le mercredi 19 septembre 2018, par l’association CORECA (Contacts recherches Caraïbes) et la ville de Pointe-à-Pitre, lors d’un évènement pluriel, intitulé  « L'impact du cyclone de 1928 sur la Guadeloupe d'hier à aujourd'hui » ; un rendez-vous qui a rassemblé une centaine de convives, toutes générations confondues.
Salle Comble au Pavillon de la ville de Pointe-à-Pitre.
Salle comble au Pavillon de la ville de Pointe-à-Pitre
Les frères HUC, spécialistes de l'histoire des cyclones, membres de l'Amicale des Ouragans.
 

LE LOURD BILAN


L’incertitude subsiste, quant au nombre réel de victimes, en Guadeloupe, lors du passage de l’ouragan de 1928.
Il y en a eu beaucoup. Entre 1 500 et 2 000, dont la moitié à Pointe-à-Pitre.
Des corps, transportés dans des brouettes, ont été jetés dans des fosses communes, en périphérie de la ville de Pointe-à-Pitre, pour éviter toute épidémie.
Des témoignages font référence à des membres sectionnés, par les tôles qui couvraient malement la plupart des cases en bois.

Quand aux infrastructures, peu ont résisté à l’assaut des vents de l’ouragan de catégorie 4. Les maisons ont été arrachées de leurs fondations et/ou renversées. Après le phénomène, les zones habitées semblaient avoir implosé.

La végétation n’était plus.
Les îles avaient totalement changé de visage.

90 ans après, une guide-conférencière a proposé une promenade, sur les « traces du cyclone de 1928 », entre le cimetière de la ville et la « Place de la Victoire ».

Au pavillon de la ville de Pointe-à-Pitre, après les discours d’introduction de Julien MERION, président du CORECA et de Jacques BANGOU, maire de la ville de Pointe-à-Pitre, Monique MERION a interprété un extrait de la pièce « Mémoires d’îles », de la dramaturge Ina CESAIRE, fille d’Aimé CESAIRE ; un monologue qui a plongé le public en l’an 1928, alors même que le cyclone sévissait.
 

L’HERITAGE

 
  • « Dès qu’il y a destruction, il y a reconstruction ! ».
La Guadeloupe, détruite, a dû être reconstruite. Mais pas à l’identique.
C’est après 1928, que le risque cyclonique a été pris en compte, dans la manière de bâtir, notamment avec le concours d’un architecte moderne, pionnier en la matière : Ali TUR.
Le Parisien, mandaté dans l’archipel, a érigé plus de 120 édifices publics, en sept ans, à partir des contraintes climatiques et géologiques du territoire. A la base de son travail : l’idée que l’architecture est « vivante ».
On peut citer, par exemple, les palais de justice de Pointe-à-Pitre et de Basse-Terre, le palais du conseil départemental, ainsi que nombre d’écoles, de mairies et d’églises de l’archipel.
               
L’avocat et membre du CORECA, Hubert JABOT, revient sur la nécessité, pour les Guadeloupéens de tirer des leçons des évènements cycloniques passés
  • L’action sociale
Après le passage du cyclone de 1928, les sinistrés se comptaient par milliers.
Des personnes démunies, qui ont pu compter sur une solidarité spontanée qui, très vite, s’est organisée en système pionnier (là encore) de ce qu’est aujourd’hui, l’action sociale.
Des centaines d’enfants, surtout, ont eu besoin d’être épaulés. Beaucoup se sont retrouvés sans parents, livrés à eux-mêmes. Un personnage emblématique leur est venu en aide : Merry ELYSEE (24 avril 1886 – 14 mai 1971).
Cette femme de cœur a pris sous son aile les plus démunis, en particulier les jeunes enfants auxquels elle a offert un foyer, le sien, avant de bâtir en 1939 la crèche « La goutte de lait », l’ancêtre de la Protection Maternelle et Infantile.
Sa fille, Monique, a grandi au milieu de ces enfants en difficulté sociale. Des souvenirs qui font, aujourd’hui, sa fierté :
  •  Les systèmes de prévisions
Les systèmes d'alerte étaient moins que rudimentaires, en 1928. Ils étaient quasi-inexistants.
C'est par un télégramme, envoyé depuis une île voisine de la Caraïbe, que les autorités, en Guadeloupe, ont su qu'un phénomène cyclonique était en approche, le 11 septembre, veille de son passage sur l'archipel.
La population, quant à elle, a été informée, au son d'un tambour.
Mais si les choses on évolué, en matière de prévisions et d'alertes, c'est aussi grâce aux outils technologiques et numériques qui se sont développés et démocratisés depuis.
 
  • Entretenir la mémoire
Maintenant, reste à transmettre les enseignements tirés des évènements malheureux, pour en faire une force pour toute une population.
Une transmission, d’abord, intrafamiliale. De simples échanges, des sensibilisations, des sorties pédagogiques, de loin en loin, sont autant de piqûres de rappel possibles, de ce qu’est la réalité du territoire Guadeloupe. De quoi faire en sorte que les réflexes, face aux risques, restent prégnants, d’une génération à l’autre.
Ainsi font les parents de Nour :
Traduction du créole :

* « Fo nou sonjé sa ki fèt an 1928, pou nou konprann ka pou nou fè, ou pa fè, jodila » : la mémoire des évènements du 12 septembre 1928, nous aide à ne pas reproduire les erreurs du passé.