Ernest Cabo a fait partie de plusieurs jeunes Guadeloupéens qui, touchés par l'exemple de celui que tout le monde appelle déjà Monseigneur Magloire, vont intégrer le Petit Séminaire qu'il ouvre, après bien des difficultés, à Blanchet Gourbeyre, ceci, pour susciter des vocations en Guadeloupe. Ernest Cabo y rencontre ceux qui seront ensuite ses compagnons de route et de mission : Paul Sanner, Claude Blain, Serge Plaucoste, Jean Hamot et bien d'autres qui les rejoindront ensuite.
Puis, c'est le grand départ. Ernest Cabo entre alors au Grand séminaire de La Croix-Valmer dans le Var, puis à celui de Toulouse.
Il est ordonné prêtre le 4 octobre 1964 pour le diocèse de Basse-Terre. Le travail ne l'effraie pas et en ce temps de mission, il est tout d'abord nommé vicaire à Capesterre-Belle-Eau, et parallèlement, il est aumônier successivement du Mouvement rural de la jeunesse chrétienne (MRJC), du mouvement de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) et du mouvement chrétien des PTT.
En 1972, le nouvel évêque de Guadeloupe, Mgr Siméon Oualli, premier évêque Guadeloupéen, le nomme curé de la paroisse du Sacré-Cœur à Pointe-à-Pitre.
11 ans plus tard, il est choisi pour devenir l'évêque auxiliaire de la Guadeloupe, le 2 juillet 1983 et il est consacré le 6 novembre suivant. Et lorsque Mgr Siméon Oualli démissionne pour des raisons de santé l'année suivante, Ernest Cabo devient évêque de Basse-Terre et de Pointe-à-Pitre le 2 juillet 1984.
Evêque de l'inculturation
Lorsqu'il devient prêtre, l'Eglise Catholique est en pleine mutation. La fin de Vatican 2 est l'occasion pour de nombreux courants spirituels au sein de l'Eglise de l'inciter à prendre de nouvelles orientations. Si Siméon Oualli essuie les plâtres puisqu'il doit particulièrement imposer l'idée d'un épiscopat local, une nouveauté pour les Guadeloupéens, qui suscite autant de fierté chez les uns que de méfiance chez les autres, Ernest Cabo bénéficiera de ses prémices pour amorcer une réforme en profondeur de l'Eglise en Guadeloupe
Son épiscopat correspond aux années où la théologie de la Libération fait ses chemins en Amérique latine. Et l'on parle de plus en plus d'inculturation de l'Evangile, inscrire l'Evangile dans la culture du pays où il est proclamé. Cette volonté se traduit par l'instauration des TKL, "Ti Kominoté Légliz", qu'il veut voir devenir de véritables Eglises de proximité, dans un esprit d'entraide et de partage.
En 1990, il veut aller plus loin pour interroger les Guadeloupéens sur le sens qu'ils veulent donner à leur Eglise à la veille du 21ème siècle. En avril 1991, un synode diocésain est convoqué en ce sens. Quatre chapitres importants l'articulent : chrétien en famille, dans la société, entre nous dans l'Eglise, et en formation permanente. Les travaux vont durer quatre ans et le 28 novembre 1995, devant près de quinze mille personnes, et en présence des évêques de Martinique et de Guyane, ainsi que tous les prêtres de l'Archipel guadeloupéen, les conclusions du synode sont présentées. Le chapitre « Chrétien dans la société » invite à « s'interroger sur notre responsabilité dans les injustices, favoriser la dignité personnelle et la solidarité, reconnaître à la langue créole sa place dans l'Eglise ». Par ailleurs, l'option des TKL« petites communautés chrétiennes » est confirmée pour inciter les catholiques d'un même quartier à se réunir « pour voir ensemble les besoins du quartier et répondre aux besoins de la vie chrétienne ». Enfin des « relais médias » et « vocations » doivent être mis en place dans chaque paroisse.
Un homme humble et profondément humain, un évêque enflammé
De lui, beaucoup retiendront les grandes célébrations qu'il affectionnait particulièrement, il aura même fait du vélodrome, qui n'avait pas encore ses gallons d'enceinte sportive homologuée, la plus grande cathédrale de la Guadeloupe. Et on ne manquera pas de se souvenir de ses chants qu'il n'avait de cesse de reprendre et de répéter tout au long des messes qu'il présidait.
Mgr Ernest Cabo choisit d'ailleurs d'assumer son épiscopat dans la collégialité. Ses proches collaborateurs tels que Jean Hamot, alternativement vicaire épiscopal et vicaire général, mais aussi Albert Chalder ou Serge Plaucoste, ont autant d'influence que lui sur ce que l'Eglise vit durant son épiscopat.
Atteint par la limite d'âge en 2007, il se retire le 15 mai 2008. Dans un premier temps, il retourne vivre dans sa famille à Sainte Rose. Puis il intègre le nouvel EHPAD ouvert par le diocèse au-dessus de la cathédrale de Basse-Terre. C'est donc là où il a rendu son dernier souffle ce jeudi.
Comme pour appuyer cette inculturation qu'il a mise en oeuvre durant 24 ans dans le diocèse, les derniers jeunes qu'il a confirmés lui ont chanté alors :
Un refrain qui sera probablement celui que tous les Catholiques Guadeloupéens auront envie d'entonner désormais." Bondyé ké ba'w, fos é kouraj pou'w pé sa rivé an bout a chimen a'w, mé nou ka di'w, jôdi la, mèsi anpil pou tou sa'w ban nou ! "(*)
Les funérailles auront lieu le jeudi 5 décembre à la Cathédrale de Basse-Terre
Les réactions
Pour Josette BOREL-LINCERTIN Présidente du Conseil Départemental :Déplorant les faits de violences qui secouent la société guadeloupéenne, il considérait
que l’une des solutions était dans un dialogue et échanges permanents dans la famille.
Il invitait au respect des préceptes de l’Evangile dans une Guadeloupe empreinte de
solidarité.
La députée Justine Bénin exprime :Il avait les deux pieds, le coeur et l'âme bien ancrés dans cette terre de Guadeloupe qu'il aimait tant
Le Sénateur Dominique Théophile salue :une peine immense qui raisonne en nous pour ce grand homme, attaché à la transmission de valeurs universelles, d’amour de son prochain et de tolérance. Il s’est employé à diffuser son attachement à sa terre natale avec un optimisme lucide et un appel constant à la responsabilité.
Passionné de la vie et de notre archipel, engagé auprès de la jeunesse, il a su donner vie à l’Eglise de Guadeloupe en Guadeloupe et s’est entièrement consacré à partager sa foi avec l’ensemble des Guadeloupéens de tous bords… »
Eric Jalton, Président de Cap Excellence et maire des Abymes saluela mémoire de cet homme qui a oeuvré pour une réforme en profondeur de l’Église de Guadeloupe.
Joël Beaugendre Président de Grand Sud Caraïbe et maire de Capesterre Belle Eau reconnaît en luila mémoire de ce grand homme d’église, grand ecclésiaste dont la spiritualité emmenait la Guadeloupe vers plus de verticalité. Son amour du pays et des autres nous laisseront un souvenir intarissable.
Un homme de foi et de conviction, il était également un fervent défenseur de la culture antillaise et n'a pas manqué de promouvoir le créole au sein de nos paroisses. Ainsi nous lui devons l'introduction des chants religieux en créole accompagnés des rythme du ka dans nos églises.
En hommage à Mgr Ernest Cabo, diffusion ce dimanche 1er décembre à 17h40 de l’émission « Portrait » présenté par Henri Néron (1989)