"Les transformations de la monnaie et des moyens de paiement – Guadeloupe" est l’intitulé d’une étude, dont le compte rendu est paru le 19 avril 2024 et signée de l’Institut d’émission des départements d’Outre-mer (IEDOM) ; cette société filiale de la Banque de France a notamment pour mission d’observer l’économie de ses territoires d’intervention.
Premier constat de ses experts : sur 100€ dépensés, seuls 5€ l’ont été en monnaie fiduciaire (pièce et billets) ; ainsi, 95€ sont de la monnaie scripturale (carte bancaire, mobile, chèque, virement, etc.).
Par ailleurs, plus d’un achat sur deux est réalisé avec la carte bancaire en Guadeloupe.
Pour autant, "il n’est pas question de disparition du cash" à ce stade, précise Ivan Odonnat.
Le président de l’IEDOM et directeur général de l’IEOM était l’invité de Christelle Théophile, dans le journal « Guadeloupe Soir » du mercredi 17 avril 2024.
Peu à peu, trois courants d’innovation se développent, en matière de monnaie et de paiement : la numérisation des paiements, la prolifération de crypto-actifs et l’émergence des monnaies numériques.
La numérisation des paiements
L’utilisation des espèces diminue au profit de la carte bancaire.
En Guadeloupe, la dite "carte bleue" est préférée par les consommateurs dans 51% des cas selon (enquête Space-AG 2023), contre 43% dans l’Hexagone (enquête Space 2022). Les espèces sont utilisées tout de même dans 45% des dépenses localement, contre 50% en France hexagonale. Les rapports sont donc inversés de part et d’autre de l’Atlantique.
Plus la somme est importante, plus la carte bancaire est privilégiée, dès 10€. En dessous, la monnaie fiduciaire est le moyen de paiement majoritaire.
Un achat CB sur deux est fait en "sans contact", pour des montants inférieurs.
Les foyers aux revenus les plus élevés (dès 1501€/mois) utilisent la CB plus souvent
C’est un mouvement qu’on voit partout. Il y a plusieurs facteurs à la clé : les espèces sont plafonnées (c’est un facteur réglementaire) à 1000€ sauf exception, il est de plus en plus facile d’utiliser la carte pour de petits montants par ergonomie technologique (le paiement sans contact) et puis les paiements par carte sont devenus extrêmement sûrs. En particulier, la Guadeloupe se distingue : le taux de fraude sur la carte est deux fois moins élevé que ce que l’on observe dans l’Hexagone.
Ivan Odonnat, président de l’IEDOM
Quoi qu’il en soit, l'argent liquide n’amorce pas sa disparition. S’il est moins utilisé pour les paiements, il reste l’objet d’un bas de laine précieusement gardé par les consommateurs.
Précisons : quand on dit en perte de vitesse, c’est pour payer. Mais, du cash, il en circule. L’an dernier, 2 milliards d’euros ont été émis, ici, en Guadeloupe et circulent. La question, c’est : qu’en font les gens ? 15% servent à payer. Une autre fraction est thésaurisée, épargnée (c’est l’image de la liasse de billets sous le matelas). Et puis, il y a une partie de ces billets qui sortent du territoire, via des gens qui circulent, qui vont et viennent.
Ivan Odonnat, président de l’IEDOM
Les autres moyens de paiement restent à la traîne : 1% pour les applications mobiles et 3% pour les chèques, tickets-restaurants, virement, etc.
Le paiement mobile, c’est une façon plus ergonomique d’utiliser la carte. Derrière, vous avez une carte, vous avez un compte bancaire et, en fait, le paiement mobile, c’est une application qui vous permet d’utiliser votre smartphone pour payer plus facilement que vous le feriez avec une carte. C’est encore assez peu utilisé en Guadeloupe mais, en Asie, c’est le principal moyen de paiement.
Ivan Odonnat, président de l’IEDOM
La prolifération de crypto-actifs
Les crypto-monnaies, véritables produits de spéculation, sont en plein boom à l’échelle internationale, pour la solution de rapidité qu’elles représentent. Il en existe 24.000, pour un capital astronomique de 2400G€. Le plus célèbre crypto-actif est le bitcoin ; celui-ci représente plus de 54,81% du marché.
Mais leur circulation, singulièrement en Guadeloupe, reste limitée, en raison de risques particuliers comme l’absence de garantie quant à sa stabilité et la fraude.
Là, on n’est plus dans le monde bancaire. On est dans le monde de l’internet. On est sur des réseaux d’Internautes, qui décident de se mettre d’accord entre eux, en utilisant des technologies du type cryptographique, pour émettre des crypto-actifs. Ce sont des espèces de jetons numériques, des fichiers nominatifs qui contiennent des informations. Et les Internautes décident que cela a une certaine valeur. Ils vont les utiliser pour effectuer des opérations. Pour le moment, on est sur des instruments qui sont extrêmement volatils, qui peuvent être utilisés pour de la fraude, pour des activités criminelles (de blanchiment, par exemple) et qui sont extrêmement risqués.
Ivan Odonnat, président de l’IEDOM
D’où l’alternative envisagée par la Banque centrale européenne.
L’émergence des monnaies numériques
À l’avenir, l’euro numérique (version numérique des billets), est censé apporter plus de sécurité et une facilité d’utilisation, au bénéfice des consommateurs, au sein de la zone euro.
Ce moyen de paiement pourrait fonctionner anonymement, hors ligne, gratuitement (pas de frais de tenue de compte...), serait exempt de compte bancaire, pour ne citer que ces avantages.
L’idée est d’avoir une sorte de billet de banque numérique, l’équivalent d’un billet de banque, sauf que ce serait un portefeuille numérique enregistré dans une banque, à votre nom, contenant des euros, que vous pourriez utiliser à l’aide votre téléphone mobile, par exemple.
Ivan Odonnat, président de l’IEDOM
Mais les travaux visant à leur création, commencés en janvier 2020, sont toujours en cours. Après une consultation publique et des expérimentations, il a fallu définir le concept, fixer des règles de fonctionnement. Viendront ensuite les phases de développement et de déploiement, d’ici novembre 2025. La mise en circulation n’interviendrait pas avant 2027.