Le 2 avril 2024, le Sénat a donné son feu vert à la réforme constitutionnelle portant sur le dégel du corps électoral en Nouvelle Calédonie. Le texte correspondant prévoit d'élargir le corps électoral pour les élections provinciales de Nouvelle-Calédonie, limité depuis les accords de paix de Nouméa signés en 1998. Le pouvoir voulait alors préserver le poids politique des Kanaks, en infériorité numérique sur le territoire.
Mais, depuis, les listes électorales pour le scrutin local n'ont pas évolué et près de 42.500 personnes sont dans l'incapacité de voter, soit un électeur sur cinq. Avec la réforme du gouvernement, 25.000 personnes supplémentaires auraient le droit de voter, dès les prochaines élections locales.
Le bras de fer se poursuit entre indépendantistes et non-indépendantistes
Cette réforme amplifie les oppositions entre Indépendantistes et non-Indépendantistes calédoniens.
Les Indépendantistes estiment que le projet de loi vise à "faire disparaître toute perspective d’indépendance" de la Kanaky (nom qu’ils donnent à la Nouvelle-Calédonie), il "ne ferait que diluer la citoyenneté calédonienne dans la citoyenneté française".
Les Loyalistes et le Rassemblement (partis politiques affiliés à la majorité présidentielle), quant à eux, sont partisans de l’élargissement du corps électoral, qui profiterait aux personnes nouvellement arrivées dans l’île, principalement des originaires de l’Hexagone.
Hier matin (samedi 13 avril 2024), les partisans des deux camps ont manifesté à Nouméa. De part et d’autre, les cortèges ont rassemblé près de 20.000 personnes, selon la police. D’un côté, les drapeaux bleu-blanc-rouge flottaient, tandis que de l’autre les étendards bleu-rouge-vert-jaune étaient brandis.
L’Alyans Nasyonal Gwadloup soutient le peuple Kanak
L’Alyans Nasyonal Gwadloup (ANG), parti politique nationaliste de la Guadeloupe, apporte son soutien au peuple Kanak, "qui fait face à la remise en cause du processus de décolonisation". Ses membres considèrent que l’Etat, par le texte de loi soumis aux Parlementaires, "retire sa parole et plonge la Nouvelle Calédonie dans un avenir incertain".
Pour l’ANG, pour des raisons géostratégiques et/ou un besoin de ressources, la France a opéré un retour en arrière et rompu la confiance.
Pour nous c’est clair : la Kanaki, c’est une colonie française. Cela avait été reconnu déjà, même par la France, lors de la signature des accords de Matignon, puis de Nouméa. À cette époque-là, c’est vrai, après des moments un peu compliqués pour la Kanaki (parce qu’il y a eu des morts, il faut qu’on se rappelle que de nombreux Kanaks ont perdu la vie dans leur combat ; alors qu’ils luttent pour leurs propres terres), on avait le sentiment que la France allait commencer enfin une décolonisation pacifique. Malheureusement, 40 ans après, ce n’est pas le cas. On voit bien que la France a changé son fusil d’épaule.
Nathalie Minatchy, porte-parole de l’ANG
Au diapason, Laurence Maquiaba, autre porte-parole de l’ANG, a posté une vidéo sur les réseaux sociaux, pour dire sa solidarité au "peuple kanak colonisé".
Dégeler le corps électoral, c’est dire que le processus de colonisation au lieu de s’arrêter, doit continuer. Dégeler le corps électoral, c’est considérer que le peuple kanak n’a rien à dire sur le devenir de son pays. Dégeler le corps électoral, c’est intensifier une colonie de peuplement. Dégeler le corps électoral, c’est quitter la prudence pour la négligence, c’est même quitter la prudence, pour l’aventure, car rien ne se fera en Kanaki sans le peuple Kanak. Le colonialisme français est persuadé qu’avec la force des armes, avec la brutalité de ses forces de l’ordre, sa présence en terre kanak est immuable ; c’est méconnaître la force d’un peuple debout. En voulant reculer les élections provinciales, l’Etat français compte remettre le pouvoir de la collectivité aux mains de ses soutiens et espère ainsi continuer à régner sur un territoire qui ne lui appartient pas. Ces manœuvres n’honorent pas la France. Ces manœuvres ont déjà été dénoncées à l’ONU. Elles ne passeront pas.
Laurence Maquiaba, porte-parole de l’ANG
Le projet de loi constitutionnelle doit être examiné par l'Assemblée nationale au mois de mai. Si les deux chambres du Parlement l'adoptent dans les mêmes termes, les parlementaires seront ensuite réunis en Congrès à Versailles, pour donner leur accord final à la révision constitutionnelle. Il faudra alors 3/5ᵉ des voix pour que le texte soit définitivement approuvé.