Obésité : la Guadeloupe prend des mesures, pour lutter contre une maladie qui s’étend

Les parcours sportif de santé sécurisé (P3S) ont été mis en place dans des lieux publics, pour inciter la population à pratiquer une activité physique régulière.
En Guadeloupe, comme à l’échelle mondiale, l’obésité est une maladie qui gangrène. Un adulte sur deux est en surpoids. Un enfant sur quatre est en situation d’obésité. De tels taux donnent le tournis. D’où la mobilisation d’acteurs de santé, associatifs et publics, pour renforcer les moyens de lutte contre ce fléau. Il s’avère notamment nécessaire de sensibiliser la population aux bienfaits de l’activité physique et d’une alimentation équilibrée.

Ce lundi 4 mars 2024 est la Journée mondiale de lutte contre l’obésité et les préjugés.
En Guadeloupe, où la maladie gagne du terrain, les initiatives de lutte sont nombreuses. Elles émanent d'associations, de professionnels de santé et des pouvoirs publics.

L’obésité en Guadeloupe et dans le monde

Le surpoids et l'obésité sont définis comme une accumulation anormale ou excessive de graisse, qui nuit à la santé. On considère qu'une personne est en surpoids lorsque son indice de masse corporelle (IMC) est supérieur à 25 ; elle est obèse lorsque cet IMC est supérieur à 30.

En 32 ans, entre 1990 et 2022, la part des personnes obèses a atteint plus d’un milliard de personnes, sur le globe.
La maladie est en train de conquérir certaines parties du monde, y compris la Caraïbe et l’Amérique du Sud. Vendredi dernier (1er mars 2024), des chiffres du journal médical britannique Le Lancet, en collaboration avec l’organisation mondiale de la santé (OMS), a sorti des chiffres qui démontrent une véritable explosion du phénomène.

On est à 1,038 milliard de personnes en situation d’obésité aujourd’hui ; 879 millions d’adultes et 159 millions d’enfants. Chez les femmes ça a plus que doublé, parce qu’on est passé de 8,8% à plus 18,5%. Chez les hommes, ç a plus que triplé : on est passé de 4,8% à 14%. Chez les enfants, ça a été multiplié par 5, parce qu’on est passés de 31 millions à 159 millions d’enfants.

Pauline Mainguy, diététicienne, coordinatrice de l’AGOSSE, à Basse-Terre

Une étude a permis d’évaluer la place qu’occupe la maladie dans l’archipel guadeloupéen. Il s’agit de l’enquête Podium, à laquelle le cardiologue Dr André Atallah a largement contribué, avec d’autres collègues.

On a pratiquement un adulte sur deux qui se retrouve en surpoids, en Guadeloupe. Et on a un taux d’obésité qui est de 23% chez la femme et de 17% chez l’homme ; des taux bien plus importants que dans l’Hexagone, qui enregistre à peu près 15% d’obésité. On a également mené une étude chez l’enfant : le taux de surpoids atteint pratiquement de 25% déjà et l’obésité, 9% ; c’est deux fois plus et demi plus important que dans l’Hexagone.

Dr André Atallah, cardiologue, contributeur de l’enquête Podium

Mais celle étude remonte à 2007 et les données collectées à l’époque risquent fort d’avoir évolué.

L’obésité a augmenté sur les 40 dernières années, dans toutes les tranches d’âge, chez la femme, chez l’homme, chez l’enfant. Deux facteurs : la mauvaise alimentation (on mange de plus en plus gras, de plus en plus sucré) et, surtout, le manque d’activité physique.

Dr André Atallah, cardiologue, contributeur de l’enquête Podium

Pour rappel, les personnes qui souffrent d’obésité sont davantage exposées au risque de maladies cardiovasculaires ou d’autres pathologies comme le diabète, l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie et certains cancers. La maladie impacte également la santé mentale des personnes atteintes, parfois sujettes à la dépression, à des troubles anxieux, à une baisse de l’estime de soi, ou encore à des troubles du comportement alimentaire.

La nécessité de pratiquer une activité physique

Le Dr André Atallah s’est engagé dans l’installation de parcours sportif de santé sécurisé (P3S), des équipements installés dans des lieux publics, disponibles à toute heure gratuitement. Il peut s’agir de rameurs, ou encore de vélos à bras.

Le cardiologue, également maire de Basse-Terre, tire un bilan positif de ce projet, qui a été réévalué récemment. Les P3S de l’archipel ne connaissent pas le même succès. Quelques nouvelles dispositions pourraient peut-être changer cela...

Ça marche très bien et, cerise sur le gâteau, les parcours ont été remis à neuf, avec le Conseil régional ; l’ARS nous a financé des éducateurs sportifs et des professeurs d’activité physique, qui sont là deux à trois fois par semaine. Ça met en confiance les personnes. Il y a des communes où ça marche beaucoup (Pointe-Noire, Deshaies, Le Moule, Les Abymes, Gourbeyre...) et il y a des sites pas si bien placés que ça. Dans la mise à jour réalisée par la Région Guadeloupe, il y a des sites qui ont été repositionnés, comme à Terre-de-Haut.

Dr André Atallah, cardiologue

Le fait est qu’il n’est pas toujours facile de sensibiliser sur ces initiatives, qui visent pourtant à apporter une solution à un problème de plus en plus prégnant localement.

118 enfants pris en charge par l’AGOSSE

Une structure (parmi d’autres) est très active dans la prise en charge des enfants souffrant d’obésité et de leurs familles, depuis 6 ans, en Guadeloupe : l’association Antilles Guyane de lutte contre l'obésité, le surpoids et la sédentarité chez l'enfant (AGOSSE). C’est aujourd’hui qu’elle inaugure ses bureaux, dans un bâtiment mis à sa disposition par le Conseil départemental, à la rue Alexandre Buffon, dans le quartier Circonvalation (Basse-Terre). Jusqu’ici, l’AGOSSE n’avait pas de locaux ; elle dispose désormais d’une salle de sport, d’un réfectoire et, bientôt, d’une cuisine, sur une surface de plus 140 m2. Le but était d’en faire un lieu où les familles se sentent bien.

Ses membres encadrent 118 enfants dans tout l’archipel. Des femmes et des hommes qui se réjouissent à chaque fois qu’ils réussissent à en aider un :

Ça a pris de l’ampleur partout, l’augmentation de l’obésité chez les enfants. Ça nous pousse à évoluer et nous développer encore plus (...).

Marie-Elise Sextius, présidente de l’AGOSSE

Parmi les bénéficiaires de l’AGOSSE, on peut citer le cas de Jérémie, 14 ans, suivi durant un an. Également soutenu par sa famille, l’adolescent a perdu plus de 32 kg. De quoi faire la fierté de toute l’équipe.

Le gamin, il est bien dans sa tête, on le sent heureux, il sourit aujourd’hui ! Il sourit !

Marie-Elise Sextius, présidente de l’AGOSSE

Les jeunes encadrés apprécient cet accompagnement et se réjouissent des résultats obtenus. Leur motivation et leur ténacité jouent pour beaucoup dans leur parcours de soins.

La motivation c’est que j’en avais marre d’être en retard physiquement ; je m’essoufflais beaucoup, quand je faisais du basket. Au niveau corpulence, je dominais les autres, mais ce n’est pas la question. J’étais motivé. On m’avait déjà inscrit une première fois, mais je n’avais pas adhéré ; j’étais encore jeune. L’obésité, ça entraîne plein de maladies et je voulais améliorer ma santé, pour ne pas avoir de problème dans 10 ans.

Thomas, lycéen en surpoids

Quatre salariés gèrent la prise en charge des enfants par cinq diététiciennes prestataires, cinq prestataires enseignants d’activités physiques adaptées et trois psychologues.

Le CHMS prône une autre approche de la maladie

Depuis 2015, l’unité Agwanani du Centre hospitalier Maurice Selbonne (CHMS), situé à Bouillante, prend en charge les adultes en situation de surpoids et d’obésité ; 12 lits sont dédiés à ces pathologies.

Cet établissement, à l’occasion de la Journée mondiale contre l’obésité, lance une campagne de sensibilisation, dans le cadre du projet Interreg "CARES" (Coopération, accessibilité aux soins, référencement des établissements, e-santé et systèmes d’information). "Obésité Caraïbes" (c’est le nom du projet) vise à faire connaître, aux patients et à leur entourage, le parcours de soins du service de rééducation thérapeutique, ainsi que la qualité de l’offre de soins et d’accompagnement au sein du CHMS.
Il s’agit de changer le regard de tous, y compris des personnes concernées elles-mêmes, et d’adopter une nouvelle approche pour lutter contre l’obésité.

80 à 90% des régimes conduisent à un échec et peut être dangereux pour la santé. Il est important pour le patient d'apprendre à mieux manger, mieux bouger, mieux faire face à ses émotions, mieux dormir... pour mieux vivre sa maladie et apprendre à perdre du poids de manière durable et sans privation.

CHMS

Dans le cadre de cette campagne de sensibilisation, un documentaire a été réalisé. Plusieurs témoignages sont prévus ce lundi.