PRÉVENTION DES RISQUES/ Bâtir dans le respect de la réglementation : le B.A.BA !

Bâtiments endommagés par la tempête Irma, à Saint-Martin, en septembre 2017.
Les normes de constructions existent pour que les bâtisses soient à l'épreuve des risques auxquels la Guadeloupe est exposée. Aucun intérêt à ne pas les respecter ! Pourtant...
Nos maisons sont nos refuges, en cas de phénomène naturel majeur.
C’est à l’intérieur que les familles se confinent, pendant le passage d’un cyclone. En leur sein, rien de ne doit se transformer en arme, si la terre se met à trembler. Bien placée, elles ne craignent pas les inondations, ni les mouvements de terrain.
Du moins, en principe.
Car cela n’est vrai, que si les constructions sont pensées, en accord avec les risques qui pèsent sur le territoire et la connaissance des évènements antérieurs. Les normes intègrent ces paramètres... mais ne sont pas toujours respectées.

Entretien « Alerte Guadeloupe », avec Jack SAINSILY, directeur du CAUE (Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement) de la Guadeloupe :
 

Extrait de cette interview réalisée par Nadine FADEL :

Alerte Guadeloupe : Quelle est la contribution du CAUE, dans le vaste dispositif, pluriel, de prévention et de gestion des risques majeur, en Guadeloupe ?

Jack SAINSILY :
Le CAUE est un organisme de conseil, d’accompagnement... et qui fédère les acteurs du territoire,
pour aborder les grandes questions qui se posent, localement. Principalement, pour la prévention des risques majeurs, nous formons les professionnels (architectes, urbanistes, ingénieurs) et nous sensibilisons le tout public.
Pour le parasismique, le CAUE a mis en place, en partenariat avec la faculté « Marseille-Luminy », le diplôme pédagogique parasismique de 3ème cycle ; diplôme que détient bon nombre des architectes locaux.
Sur la question cyclonique, nous avons beaucoup fait, jadis, avec Jacques BERTHELOT*, pour améliorer les méthodes de construction, les confortements, etc. Nous avons produit de nombreux fascicules, qui ont été largement distribués dans les communes, avec à l’époque la DDE (Direction départementale de l’équipement) ou encore l’Etat. Nous participons, aussi, au plan ORSEC**.  

A.G. : Les architectes locaux sont, donc, formés pour prendre en compte les risques. Vous vous battez, d’ailleurs, pour que les Guadeloupéens fassent davantage appel à ce corps de métier ?

J.S. :
Absolument ! On a tendance à croire que le CAUE serait contre les « coups de mains »... mais pas du tout ! Ce que nous disons, c’est que la construction est un acte responsable. Lorsque nous avons des ouragans comme Hugo ou Irma, il est évident que, ne pas protéger sa famille devient un acte délictuel. De ce fait, il faut s’assurer, en bon père de famille, que les siens sont en sécurité. Cela nécessite que la construction soit durable, solide et résiste aux évènements auxquels elle est soumise.

A.G. : Vous parlez autant de l’emplacement de cette construction, que de sa qualité ?

J.S. :
Emplacement, orientation, ancrage au sol (ses fondations), sa forme (qui peut se révéler vulnérable, ou pas). Tout cela compte. C’est de la conception architecturale ! Ensuite, vient la conception technique, la résistance aux aléas éventuels ; et, là, il faut faire appel à de bons artisans ou entrepreneurs... et non à des « jobeurs », qui mélangent n’importe comment les aciers au ciment, utilisent n’importe quel type de bois, ou positionnent de manière aléatoire les fixations. Il faut des professionnels !

« Construire est un acte responsable. Trop de personnes prennent cela à la légère. »


A.G. : Qui est responsable de la malfaçon ? Le donneur d’ordre ou le constructeur ?

J.S. :
Tous ! Dans la chaîne de la construction, le code civil dit bien que toute personne qui prend part à la construction d’un ouvrage est responsable et doit s’assurer, pour cette responsabilité.
Le client doit avoir une « dommage-ouvrage » (assurance obligatoire, qui permet de recourir et d’avoir une indemnisation, dans les 90 jours, lui permettant de procéder à la réparation de son bien) ; ne pas la prendre revient à s’exposer à des pénalités, dont la première est de ne pas pouvoir vendre sa maison. Une maison qui n’est pas assurée en « dommage-ouvrage » est invendable.
Par ailleurs, doivent être également assurés, le concepteur*** (celui qui imagine le bien) et l’ingénieur (celui qui fait les calculs). Ce dernier va s’adapter à l’architecture voulue et aux spécificités du terrain ; si bien que le calcul peut ne pas être le même, pour deux maisons identiques, à 100 mètres l’une de l’autre. Si l’une est sur un terrain argileux et l’autre, sur un terrain calcaire, il faut envisager deux fondations, deux structures différentes. Tout cela est très complexe.
Je suis toujours époustouflé de voir que les gens prennent cela à la légère.

A.G. : On a tendance à croire que le paracyclonique et la parasismique sont antagonistes. Béton à privilégier pour l’un et bois pour l’autre. Qu’en est-il ?

J.S. :
Le paracyclonique ou le parasismique ne dépendent pas des matériaux. On peut mixer. On peut n’en prendre qu’un. C’est la mise en œuvre et la technicité qui comptent, en fonction des sols, etc. Les normes que nous avons, ne sont peut-être pas suffisantes, au regard de phénomènes exceptionnels comme Irma, mais on ne pourra pas éternellement augmenter les normes, parce que le coût de la construction deviendra exorbitant et, en définitif, peu de personnes pourront être à l’abri.

A.G. : Le risque zéro n’existera jamais, en Guadeloupe ?

J.S. :
Eh ben non ! C’est évident. On a un aléa sismique certain, cependant connu pour être imprévisible, en termes de dates et de puissance. Mais on sait que l’on est dans une période de récurrence. Par conséquent, un jour ou l’autre, là, pendant que nous parlons, un évènement majeur peut survenir.
Mais on peut limiter les dégâts ! Faire en sorte que sa maison fasse l’objet d’une bonne conception. Si ce n’est pas le cas, prévoir un confortement. Et, par ailleurs, bien assurer son bien sinon, après la catastrophe, on n’a plus que ses yeux pour pleurer. Il faut aussi veiller à ce que l’entretien soit fait, de la maison elle-même, mais aussi des plantations autour (des arbres potentiellement devenus une menace), des annexes... sans compter ce qui traine chez le voisin et qui pourrait se transformer en projectile.
POUR ALLER PLUS LOIN /
www.caue971.org/

*Jacques BERTHELOT, célèbre architecte Guadeloupéen, mort en 1984.

** A lire l’article : « Les autorités organisent / La population s’informe ».

***Le concepteur est obligatoirement un architecte dès lors que la construction fait plus de 150 m2. Si le bien est voué à la location – à un autre usage que l’habitation principale – l’intervention d’un architecte est aussi obligatoire.

Autre article à consulter, sur le "Blog des experts" : "TUTORIEL : le calendrier de la construction en terre guadeloupéenne".