Thierry Ericher, chef d’une entreprise spécialisée dans le secteur de l’hygiène en Guadeloupe, tire la sonnette d’alarme : rats, moustiques et autres nuisibles pullulent dans l’archipel, avec tous les risques sanitaires que cela implique pour l’Homme ; ces animaux et insectes sont souvent vecteurs de maladies. Ce professionnel met en garde les élus locaux, qui sont en première ligne, contre une situation qu’il juge alarmante.
Il pointe aussi du doigt les chauves-souris qui, par contre, sont des espèces protégées, bénéfiques pour la nature.
Des nuisibles vecteurs de maladies
Thierry Ericher tente d’impulser une prise de conscience.
Les moustiques, les rats, il y en a toujours eu et il y en aura toujours. Mais, cependant, les moyens humains et financiers ont nettement diminué. Lors de l’épidémie de Covid, la directrice de l’ARS [NDLR : Agence régionale de santé] a fermé le service de démoustication de la Guadeloupe, en 2021. C’était le dernier rempart, pour protéger les habitants des virus du Zika, du chikungunya et de la dengue, qui sont toujours actifs (...). Il ne faut pas oublier que le rat a créé la peste bubonique et la peste noire, qui ont tué des millions de personnes en Europe.
Thierry Ericher, professionnel dans le secteur de l’hygiène
L’entrepreneur rappelle que l’éradication des moustiques et les rats, " deux nuisibles majeurs" qui ont un impact sur la santé, devrait être gérée par le règlement sanitaire départemental (RSD) de la Guadeloupe et l’Etat.
Sauf que l’Etat a décentralisé ses fonds. Il m’a été dit que les fonds nécessaires n’ont pas été obtenus. Mais je pense qu’avec des fonds que la Guadeloupe a, notamment des fonds européens, on peut régler des situations. Sauf que, pour l’instant, les élus considèrent cela comme un investissement inutile et, souvent, renvoient à l’Etat.
Thierry Ericher, professionnel dans le secteur de l’hygiène
Thierry Ericher dit avoir écrit aux collectivités de Guadeloupe. L’une d’elles a répondu qu’il faut se rapprocher de l’Agence régionale de santé. Mais l’ARS, comme dit précédemment, n’opère plus ni démoustication, ni dératisation, selon le chef d’entreprise.
Au final, "rien ne bouge", déplore-t-il.
Les chauves-souris, espèces protégées, aussi pointées du doigt
Une nouvelle maladie, transmise par les excréments des chauves-souris, ne fait pas encore de vague localement : l'histoplasmose. Selon le chef d’entreprise, aucun cas n’a été recensé dans l’archipel "officiellement", mais cette pathologie menace.
Comme vous le savez, il y a des interdictions qui ont été posées sur cette chiroptères, cet animal utile. Là-dessus, nous avons de grosses inquiétudes, puisque nous recevons beaucoup d’appels de gens qui ont des problèmes de chauves-souris. Même les loueurs sont dépassés par la situation. Nous n’avons aucun moyen réel pour faire face, nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir mais, pour l’instant, on ne voit pas le bout du chemin.
Thierry Ericher, professionnel dans le secteur de l’hygiène
Mais attention ! Les chauves-souris sont des espèces protégées.
Elles sont peu connues pour cela, mais elles jouent un rôle essentiel et bénéfique, en faveur de l’équilibre de la biodiversité locale. Les scientifiques rappellent que ces chiroptères pollinisent plus de 300 espèces de plantes. Elles éliminent aussi de nombreux insectes, comme les moustiques.
Depuis 2018, toutes les chauves-souris de l’archipel sont protégées par une réglementation stricte.
L'arrêté ministériel correspondant protège l’animal, mais aussi son habitat. L’élimination de l’animal, sa capture, son transport ou son commerce sont formellement interdits. Le code de l’environnement prévoit trois ans d’emprisonnement et 150.000 euros d’amende, à l'encontre des contrevenants.
Il y en a 14 espèces au total, 10 sont endémiques des Antilles, 3 ne vivent que dans notre archipel et une espèce est propre à chez nous, "l’Eptesicus guadeloupéensis". L'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a classé, depuis 2016, cette espèce locale sur la liste rouge des espèces en danger d’extinction.
La nécessité de former des personnels qualifiés
Pour faire face à cette problématique de prolifération des nuisibles, il faut du personnel bien formé ; celui-ci serait en nombre insuffisant, chez nous, estime le professionnel.
Pour faire ce métier, l’Etat a mis en place un Certiphyto [NDLR : Certificat individuel de produits phytopharmaceutiques] qui nous dit simplement ce qu’il faut faire, en termes d’utilisation de produit à l’achat. Mais on n’explique pas comment faire en zone tropicale. Donc, nous avons rédigé un cahier des charges énorme, qui nous a coûté un investissement énorme aussi. Nous l’avons offert, pour permettre à toutes les entreprises de Guadeloupe de travailler sur leur territoire, afin de prendre la place de l’Etat ; qui n’est pas là !
Thierry Ericher, professionnel dans le secteur de l’hygiène
Thierry Ericher précise que, par son intervention, il ne cherche pas à obtenir des marchés publics. C’est en tant que témoin, professionnel confronté au problème et père de famille qu’il tient à signaler qu’une catastrophe sanitaire se profile.