La santé mentale a été élevée au rang de Grand cause nationale en 2025 par le gouvernement. Lors de ce choix de thématique, en octobre dernier, le premier ministre de l’époque, Michel Barnier, avait souligné que cette question touche presque un Français sur cinq. L’exécutif avait alors arrêté quatre objectifs, autour desquels articuler les politiques publiques : la déstigmatisation, la prévention et le repérage précoce, l’amélioration de l’accès aux soins et l’accompagnement des patients.
La nécessité d’un projet répondant aux besoins
À ce jour, la psychiatrie, cette spécialité de la médecine qui prend en charge la santé mentale, est le parent pauvre du secteur de la santé. C’est donc l’occasion, en ce début d’année, de se pencher sur la prise en charge de la santé mentale en Guadeloupe.
Pour en parler, nous sommes allés à la rencontre de Fred Armougon, un ancien professionnel de santé en psychiatrie. Aujourd’hui à la retraite, mais encore très actif, il a travaillé de nombreuses années en hôpital psychiatrique, en tant qu’infirmier, puis comme cadre.
Une Grande cause nationale, c’est une bonne chose, comme c’est un peu le parent pauvre. Mais nous, ici, en Guadeloupe, il va falloir qu’on puisse exploiter ça à des fins louables, pour la population, pour tout le monde, pour les personnels... qu’on puisse avoir des projets et mettre en place des moyens, des réflexions pour avancer. Il faut sauter sur l’occasion (...). Il y a du potentiel, en Guadeloupe, mais le projet c’est le projet.
Fred Armougon, cadre à la retraite du secteur psychiatrique, auteur
Le retraité reste très attentif aux idées qui pourraient émaner, après s’être tant battu pour la prise en charge adéquate des maladies mentales.
On parle beaucoup, en Guadeloupe, mais on n’écrit pas. Quel projet de santé on a pour la Guadeloupe ? Quelle vision ? J’étais dans un syndicat, on réfléchissait à des moments, on produisait des documents, sur la santé, sur la formation... il y avait toujours des documents. Quel projet avons-nous pour la psychiatrie en Guadeloupe ? C’est un point d’interrogation !
Fred Armougon, cadre à la retraite du secteur psychiatrique, auteur
Récit de 42 ans de carrière, en Guadeloupe et dans l’Hexagone
Il y a quelques mois, ce Moulien a publié un ouvrage intitulé "J’ai connu l’asile d’aliénés et l’exil" (Editions Nèg Mawon - août 2024), consacré à son expérience dans l’archipel, mais aussi dans l’Hexagone où il a exercé ; 42 années de service dans ce monde à part. Cet ouvrage retrace la carrière, commencée à la fin des années 1960, et les combats de Fred Armougon. L’homme a fait ses premiers pas au Centre hospitalier de Montéran, à Saint-Claude, en début de carrière, puis il est parti se former outre-Atlantique, pour devenir un cadre dans sa spécialité. De retour en Guadeloupe, il va se mobiliser pour obtenir un projet d’établissement.
À son arrivée dans l’archipel, il raconte dans son livre avoir connu "l’enfer".
C’était l’enfer. Le premier jour, quand je suis arrivé dans ce fameux service, là... les enfants, les adultes, tout le monde était mélangé. Des fois, certains sont nus, baveux et ils s’approchaient de moi pour me serrer la main, etc. Il y a un vieux monsieur, ça faisait 20 ans qu’il était là (...). Il y avait les agités hommes, les agités femmes... à poil ! Je me suis dit : non... un service de soins ! Et puis, il n’y avait pas de médicament non plus ; c’était la douche froide, l’enfermement.
Fred Armougon, cadre à la retraite du secteur psychiatrique, auteur
Pour écouter le podcast complet "Rencontre 1ère" consacré à Fred Armougon, il suffit de > cliquer ici !