Face aux interrogations de certains planteurs de la Basse-Terre sur le niveau de la richesse saccharine dans ce bassin cannier, malgré la sécheresse, le Centre technique de la canne à sucre, chargé de mesurer ces taux de richesse, fournit les chiffres et les explications ; et répond aux accusations.
Après sa mobilisation d’une semaine, fin mai, le Collectif des planteurs de canne de la Basse-Terre a obtenu plusieurs réponses et engagements face à ses inquiétudes sur les taux de richesse saccharine particulièrement bas enregistrés sur certaines livraisons, alors que la sécheresse, constatée depuis la fin mars, était favorable à une bonne teneur en saccharose des cannes récoltées.
Les partenaires de la filière ont acté le principe d’une compensation financière pour toutes les cannes mesurées à des valeurs saccharimétriques inférieures à 8. Cela ne signifie pas que ces cannes seront payées à 8 de richesse. Le montant et les modalités de cette indemnisation seront décidés en fin de campagne au sein de l’Iguacanne, l’Interprofession de la filière canne à sucre, qui représente à la fois les producteurs et les transformateurs (sucreries). Car la compensation sera financée sur le reliquat de l’enveloppe annuelle de 20 millions d’euros versée par l’Etat à destination des planteurs de Guadeloupe, au titre de l’ « aide à la garantie de prix ».
Enfin, il a été décidé, lors de la réunion du 28 mai, à l’initiative de l’Iguacanne, la mise en place d’un comité technique, composé d’experts, afin d’analyser tous les paramètres qui peuvent expliquer la baisse de la richesse saccharine dans ce bassin cannier, mais aussi la chute des tonnages à l’hectare.
Le Collectif des planteurs de la Basse-Terre a mis en doute la fiabilité des analyses effectuées à Béron, et décidé, pendant sa mobilisation, de ne plus lui confier ses cannes, en demandant que la mesure saccharine soit effectuée à Gardel. « Les modes opératoires sont les mêmes », répond le directeur du CTCS. « Le matériel, calibré, est certifié chaque année par des organismes spécialisés, et fait l’objet d’analyses croisées, identiques entre tous les laboratoires », explique Jean-Pierre Mauranyapin, qui tient à renouveler toute sa confiance à son personnel, « ébranlé par cette remise en cause ». Un personnel « formé et qualifié », et qui « depuis toujours œuvre en respect des règles et protocole édictés par la profession cannière pour le bien de la filière canne ». Créé en 1953, le centre technique, rappelle aussi son directeur, est « une structure indépendante et interprofessionnelle, qui représente à la fois les producteurs et les transformateurs ».
Deux explications : avant la sécheresse qui a démarré fin mars, la saison du carême n’a pas été très marquée, et les nuits pas assez fraîches. « La canne fait ses réserves en sucre lorsqu’elle est stressée par un manque d’eau, mais aussi par une différence importante des températures entre le jour et la nuit. Cela se produit généralement en début de carême. Or cette année, cette amplitude thermique n’a pas été très forte », explique Jean-Pierre Mauranyapin.
« Concernant la Basse-Terre, nous ne constatons pas de situation anormale », affirme le directeur du CTCS. Dans ce bassin, où la pluviométrie est généralement plus élevée qu’ailleurs, la richesse moyenne cumulée au 31 mai 2020 était de 7,8, soit un taux nettement supérieur à la moyenne des dix dernières années. Selon les relevés du CTCS, c’est la deuxième meilleure moyenne enregistrée sur la période. Ecoutez les précisions de Jean-Pierre Mauranyapin :
Outre le climat, de nombreux facteurs peuvent impacter la richesse saccharine des cannes : l’entretien des parcelles par le planteur (contrôle des « mauvaises herbes », apport d’engrais…), mais aussi les conditions de récolte. Les opérateurs de coupe doivent à ce titre respecter un cahier des charges bien précis : réglages des récolteuses, pour couper la partie de la tige la plus riche en sucre, respect du délai entre la coupe et la livraison… « Les cannes doivent être coupées et analysées dans la même journée, surtout en coupe mécanique », explique le directeur du CTCS. « Si le délai est trop long, le saccharose contenu dans la canne se dégrade, et la RS est moins bonne ».
Catherine Aubéry est à la tête d’une plantation de canne de 13 hectares dans le bassin du Comté de Lohéac à Sainte-Rose, et également chargée de mission à la SARL Kalicanne, entreprise de travaux agricoles qui assure la récolte sur 140 hectares dans cette zone. Elle suit de près la teneur en sucre des cannes, en mesurant, à l’aide d’un réfractomètre leur taux de saccharose (Brix) et en le comparant à la richesse saccharine calculée à Béron. Les éventuels écarts s’expliquent forcément par les conditions de coupe. Ecoutez Catherine Aubéry :
Si les recettes des planteurs de la Basse-Terre diminuent d’année en année, et pour beaucoup ne suffisent plus à couvrir les coûts de production, cela est dû aussi, et peut-être surtout à une baisse des rendements à l’hectare. « Sur les quinze à vingt dernières années, nous avons une tendance fortement baissière du rendement de production sur ce bassin (300 000 tonnes à moins de 150 000 tonnes) et une RS qui diminue très légèrement : cela se traduit par un rendement sucre/hectare qui décroît significativement, mais surtout en raison de la baisse de rendement en canne, pas de la baisse de la RS », constate le directeur du CTCS.
Là aussi, les causes peuvent être multiples. Parmi les pistes : la qualité des sols. « Plus de 60% des sols en nord Basse-Terre sont acides, déficients en potassium et en matière organique », indique le directeur du CTCS. Une carence qui joue à la fois sur les rendements et sur la richesse saccharine. Le comité technique qui va se pencher sur le bassin cannier de la Basse-Terre va donc mener toutes les études nécessaires. Jean-Pierre Mauranyapin :
Les partenaires de la filière ont acté le principe d’une compensation financière pour toutes les cannes mesurées à des valeurs saccharimétriques inférieures à 8. Cela ne signifie pas que ces cannes seront payées à 8 de richesse. Le montant et les modalités de cette indemnisation seront décidés en fin de campagne au sein de l’Iguacanne, l’Interprofession de la filière canne à sucre, qui représente à la fois les producteurs et les transformateurs (sucreries). Car la compensation sera financée sur le reliquat de l’enveloppe annuelle de 20 millions d’euros versée par l’Etat à destination des planteurs de Guadeloupe, au titre de l’ « aide à la garantie de prix ».
Un comité technique pour étudier le cas de la Basse-Terre
Outre cette compensation des basses richesses, une aide exceptionnelle pour la campagne 2020 pourrait être accordée aux producteurs de la Basse-Terre (à l’instar de celle versée chaque année à ceux de Marie-Galante).Enfin, il a été décidé, lors de la réunion du 28 mai, à l’initiative de l’Iguacanne, la mise en place d’un comité technique, composé d’experts, afin d’analyser tous les paramètres qui peuvent expliquer la baisse de la richesse saccharine dans ce bassin cannier, mais aussi la chute des tonnages à l’hectare.
Le CTCS en ligne de mire
La mesure de la richesse saccharine est une étape déterminante pour le revenu des planteurs, puisque le prix de la tonne de cannes est fixé sur la base de leur teneur en sucre. Cette mesure est assurée par le Centre technique de la canne à sucre (CTCS), équipé de trois laboratoires d’analyses : l’un au centre de transfert de Béron à Sainte-Rose (pour les cannes récoltées en Basse-Terre) ; un autre à la sucrerie Gardel au Moule (pour les cannes de la Grande-Terre) et le troisième à celle de Marie-Galante.Le Collectif des planteurs de la Basse-Terre a mis en doute la fiabilité des analyses effectuées à Béron, et décidé, pendant sa mobilisation, de ne plus lui confier ses cannes, en demandant que la mesure saccharine soit effectuée à Gardel. « Les modes opératoires sont les mêmes », répond le directeur du CTCS. « Le matériel, calibré, est certifié chaque année par des organismes spécialisés, et fait l’objet d’analyses croisées, identiques entre tous les laboratoires », explique Jean-Pierre Mauranyapin, qui tient à renouveler toute sa confiance à son personnel, « ébranlé par cette remise en cause ». Un personnel « formé et qualifié », et qui « depuis toujours œuvre en respect des règles et protocole édictés par la profession cannière pour le bien de la filière canne ». Créé en 1953, le centre technique, rappelle aussi son directeur, est « une structure indépendante et interprofessionnelle, qui représente à la fois les producteurs et les transformateurs ».
Une courbe des richesses atypique
Malgré les conditions climatiques sèches de cette campagne sucrière 2020, la richesse saccharine (RS) moyenne observée dans les différents bassins canniers est un peu inférieure à celle de l’an dernier ; 2019 étant une année exceptionnelle. La courbe des RS est atypique cette année : au lieu de former une cloche, elle n’a cessé de grimper, avec des valeurs plus faibles qu'habituellement en début de campagne et des taux plus hauts en fin de campagne.Deux explications : avant la sécheresse qui a démarré fin mars, la saison du carême n’a pas été très marquée, et les nuits pas assez fraîches. « La canne fait ses réserves en sucre lorsqu’elle est stressée par un manque d’eau, mais aussi par une différence importante des températures entre le jour et la nuit. Cela se produit généralement en début de carême. Or cette année, cette amplitude thermique n’a pas été très forte », explique Jean-Pierre Mauranyapin.
« Concernant la Basse-Terre, nous ne constatons pas de situation anormale », affirme le directeur du CTCS. Dans ce bassin, où la pluviométrie est généralement plus élevée qu’ailleurs, la richesse moyenne cumulée au 31 mai 2020 était de 7,8, soit un taux nettement supérieur à la moyenne des dix dernières années. Selon les relevés du CTCS, c’est la deuxième meilleure moyenne enregistrée sur la période. Ecoutez les précisions de Jean-Pierre Mauranyapin :
Jean-Pierre Mauranyapin : une campagne atypique
"Après un carême vert, qui s'est traduit par de faibles richesses, les taux de RS aujourd'hui sont supérieurs à la moyenne des dix dernières années. Donc nous ne sommes pas dans une situation catastrophique en Basse-Terre"
Richesse saccharine en Basse-Terre sur les dix dernières années
Aucun taux de richesse à zéro
Certains chargements de canne livrés au centre de transfert de Béron affichent pourtant des taux de RS très faibles. Mais selon le CTCS, ces taux entre 1 et 3 ne représentent que 1,5% des analyses totales. Et aucune richesse à zéro n’a été enregistrée, affirme Jean-Pierre Mauranyapin, qui rappelle comment les conditions de coupe peuvent influer sur la qualité de la canne livrée :J-P Mauranyapin
Evolution des taux de RS journalières enregistrées à Béron en 2020
Des règles à respecter pour la coupe
Outre le climat, de nombreux facteurs peuvent impacter la richesse saccharine des cannes : l’entretien des parcelles par le planteur (contrôle des « mauvaises herbes », apport d’engrais…), mais aussi les conditions de récolte. Les opérateurs de coupe doivent à ce titre respecter un cahier des charges bien précis : réglages des récolteuses, pour couper la partie de la tige la plus riche en sucre, respect du délai entre la coupe et la livraison… « Les cannes doivent être coupées et analysées dans la même journée, surtout en coupe mécanique », explique le directeur du CTCS. « Si le délai est trop long, le saccharose contenu dans la canne se dégrade, et la RS est moins bonne ».
Catherine Aubéry est à la tête d’une plantation de canne de 13 hectares dans le bassin du Comté de Lohéac à Sainte-Rose, et également chargée de mission à la SARL Kalicanne, entreprise de travaux agricoles qui assure la récolte sur 140 hectares dans cette zone. Elle suit de près la teneur en sucre des cannes, en mesurant, à l’aide d’un réfractomètre leur taux de saccharose (Brix) et en le comparant à la richesse saccharine calculée à Béron. Les éventuels écarts s’expliquent forcément par les conditions de coupe. Ecoutez Catherine Aubéry :
Catherine Aubéry
"Nous sommes très attachés au respect du cahier des charges. Car ce que nous faisons, en tant qu'opérateur de coupe, peut influer beaucoup sur la richesse des cannes"
Des rendements en chute libre en Basse-Terre
Si les recettes des planteurs de la Basse-Terre diminuent d’année en année, et pour beaucoup ne suffisent plus à couvrir les coûts de production, cela est dû aussi, et peut-être surtout à une baisse des rendements à l’hectare. « Sur les quinze à vingt dernières années, nous avons une tendance fortement baissière du rendement de production sur ce bassin (300 000 tonnes à moins de 150 000 tonnes) et une RS qui diminue très légèrement : cela se traduit par un rendement sucre/hectare qui décroît significativement, mais surtout en raison de la baisse de rendement en canne, pas de la baisse de la RS », constate le directeur du CTCS. Là aussi, les causes peuvent être multiples. Parmi les pistes : la qualité des sols. « Plus de 60% des sols en nord Basse-Terre sont acides, déficients en potassium et en matière organique », indique le directeur du CTCS. Une carence qui joue à la fois sur les rendements et sur la richesse saccharine. Le comité technique qui va se pencher sur le bassin cannier de la Basse-Terre va donc mener toutes les études nécessaires. Jean-Pierre Mauranyapin :
JP Mauranyapin