S’assurer : du bon sens, en territoire menacé

Bâtiments détruits par Irma, à Saint-Martin, en septembre 2017.
Prévenir les risques c'est organiser son quotidien en fonction des menaces... mais aussi prévoir les conséquences des catastrophes qui, tout Guadeloupéen le sait, peuvent s’avérer dévastatrices. Or, ne pas s’assurer c’est prendre le risque de tout perdre, en cas de sinistre.
 

QUI DOIT S’ASSURER ?


Les locataires ont obligation d’assurer le bien immobilier qu’ils occupent.
Idem, celui qui possède une maison en copropriété, un appartement et/ou un bien loué doit assurer ces bâtis.
En revanche, l’assurance n’est pas obligatoire pour les propriétaires qui logent dans leur maison individuelle.
 

LE CONTEXTE


Entre 2016 et 2017, le coût des catastrophes naturelles a doublé, au niveau mondial.
Or, si un bien n’est pas couvert par un contrat d’assurance, le montant des dégâts occasionnés sera entièrement assumé par son propriétaire.
Une information qui devrait inciter chacun – y compris les entreprises, potentiellement victimes de cessation d’activité – à se rapprocher d’une compagnie d’assurance, en particulier sur un territoire comme la Guadeloupe, exposé à tant de risques, potentiellement dévastateurs (ouragans, séismes, inondations, mouvements de terrain, éruptions volcaniques et tsunamis).
Des professionnels à qui il faut poser les bonnes questions, pour savoir ce que couvre précisément chaque garantie proposée.
 

INTERVIEW


Entretien « Alerte Guadeloupe », avec Loup DE FREMINVILLE, président du Comité des assureurs Antilles Guyane (CAAG) :

Alerte Guadeloupe : La tempête Irma a été une piqûre de rappel pour toute une population, pour les autorités, mais aussi pour vous assureurs ?

Loup de FREMINVILLE :
Cette tempête a surtout été un détonateur. Et on a coutume de dire qu’il y a un avant et un après Irma. Là, on est dans l’après et il ne faut pas oublier que cela peut se reproduire.
Le CAAG, par le passé, a beaucoup communiqué sur le risque automobile. Mais les évènements de 2017 ont porté notre attention sur les dangers auxquels nous sommes confrontés, sur lesquels il ne faut pas se relâcher et surtout qu’il ne faut pas banaliser parce que malheureusement ce qui arrive en Asie peut nous arriver un jour.
Pour revenir à Irma, côté constat, on n’était pas si mal préparés que cela. On a géré un évènement majeur, localisé sur Saint-Martin et Saint-Barthélemy, avec la chance de pouvoir le faire depuis les sièges sociaux, basés en Guadeloupe et en Martinique. C’aurait pu être beaucoup plus grave si Irma avait touché nos centres opérationnels.
D’un point de vue financier, le bilan est très important : on approche les 2 milliards de dollars de dommages. Les deux collectivités territoriales du Nord ont été atteintes de manières différentes : Saint-Martin a été davantage impactée en nombre de sinistres, tandis que Saint-Barthélemy a été beaucoup plus impactée en montant des dégâts.

A.G. : Quand on parle de lourde facture, en termes d’indemnisations, c’est la votre ?

L. de F. :
C’est la notre et c’est celle de la mutualité des assurés. Ce qu’il faut savoir, c’est que pour pouvoir payer des centaines de millions d’euros, il y a des mécanismes de réassurance*, par ailleurs on fait appel à nos réserves, en tant qu’assureurs. Il s’agit de l’ensemble des cotisations de nos assurés, qui vont permettre de payer les sinistres des gens affectés.

A.G. : Travaillez-vous en collaboration avec les autres acteurs de la prévention des risques et de la gestion de crise ?

L. de F. :
Le rôle principal du Comité des assureurs Antilles-Guyane est de faire de la prévention. Bien sûr, après la catastrophe, on va aider les sinistrés à retrouver la situation qui était la leur avant le phénomène. Mais tout ce qui pourra être fait pour éviter le sinistre, les mesures que chacun doit prendre, il faut les faire connaître, via les médias, notamment. Des messages qui s’adressent autant aux particuliers qu’aux entreprises.
Lorsqu’il y a une crise, comme celle d’Irma, la chose la plus importante est la sauvegarde des vies humaines. Donc, dans un premier temps, les assureurs ont peu d’interventions à faire. Mais très vite, il faut pouvoir faire des constats. Des opérations menées avec l’aide de nos experts… encore faut-il qu’ils puissent travailler ! On s’est rendu compte que, notamment à Saint-Martin, lorsqu’il n’y a plus de moyen de locomotion, ni d’hébergement, il est très difficile de remplir cette mission. Or, c’est à partir des rapports établis que l’on procède aux indemnisations. Cette expérience, malheureuse et triste, doit nous servir demain à aller plus vite, à anticiper, à mieux informer les populations, par exemple sur les modalités de déclaration de sinistre (sous quelle forme, auprès de qui, etc.).

« On dit souvent que l’assurance coûte très cher avant et jamais assez cher après (SOURIRE). »


A.G. : Revenons aux messages de prévention : à quoi doit-on penser quand on vit sur un territoire particulièrement menacé par les risques naturels ?

L. de F. :
Une des premières choses est de s’interroger sur le terrain sur lequel on envisage de construire :
Est-il constructible (si ce n’est pas le cas, vous pouvez avoir du mal à assurer votre construction) ?
Est-il en zone à risque, par exemple inondable (dans ce cas, il y a des précautions à prendre) ?
Bien entendu, en cas d’habitat précaire, construit sans permit, impossible de bénéficier d’une assurance.
Et puis, aux Antilles, ne construisez pas en bord de mer ! C’est forcément une zone à risque ; vous serez exposés. Et même si vous pouvez être assurés (si une compagnie accepte de vous couvrir), cela vous coûtera beaucoup plus cher.
Ensuite, si vous avez pu vous assurer, le moment venu (après le sinistre) vous aurez à fournir des justificatifs. A l’ère du numérique, vous devez numériser tous vos documents importants, dont vos titres de propriété, les factures des biens acquis, votre permit de conduire et vos pièces d’identité.
C’est l’assurance avec la garantie « dommage » qui va permettre d’être indemnisé, en cas de cyclone**, tant pour une habitation qu’un véhicule. Sinon, en fonction de son intensité, ce type de phénomène peut être classé en état de catastrophe naturelle par arrêté interministériel, à l’échelle d’une commune, d’un départements ; ce qui ouvre le droit, là aussi, à indemnisation***.

A.G. : Des conseils valables pour les particuliers et les entreprises ?

L. de F. :
Pour les entreprises, le risque est d’être victime d’une période d’arrêt de fonctionnement, parce qu’il faut du temps pour la reconstruction et la relance de l’activité. C’est la garantie « perte d’exploitation » qui va permettre au chef d’entreprise  d’obtenir la prise en charge de ses frais fixes, par son assureur, le temps que son entreprise soit en état de marche.

A.G. : On a parlé des garanties « cyclone » et « catastrophe naturelle », mais qu’en est-il des risques Inondation, séismes, etc. ?

L. de F. :
Eh bien la garantie « cyclone » n’entre plus du tout en vigueur. On est uniquement dépendant de la garantie « catastrophe naturelle ». Il faut donc obligatoirement un arrêté interministériel. Il n’existe pas, à ma connaissance, de garantie spécifique « Séisme », par exemple.
La raison est simple : en cas de conséquent tsunami, ou de violent séisme, les assurés ne peuvent pas demander à un assureur d’intervenir à hauteur de plusieurs millions, voire de milliard d’euros. Ces phénomènes hors normes font appel à des mécanismes de réassurance*, liés à l’Etat.
POUR ALLER PLUS LOIN/
*  La réassurance pourrait être définie comme « l’assurance des assureurs ». Un réassureur prend en charge une partie des risques souscrits par un assureur, auprès de ses clients. Ainsi les compagnies d’assurance limitent l’exposition de leurs fonds et évitent la ruine, en cas de sinistre d’envergure.

** Au regard des nombreux phénomènes susceptibles d’impacter les territoires de l’espace caribéen, les contrats d'assurance de dommages aux biens doivent contenir une garantie « tempête » (ou « cyclone », liée à la vitesse du vent) et une garantie « catastrophes naturelles » ; cette dernière n’est activée qu’en cas de publication d’un arrêté interministériel classant l’événement en catastrophe naturelle.
Quand le sinistre arrive, l’assureur doit indiquer à son client si sa demande d’indemnisation entre dans le cadre des garanties de son contrat d’assurance habitation. Si oui, l’indemnisation interviendra, après le passage d’un expert. En cas de refus de prise en charge, il est nécessaire que les pouvoirs publics prennent un arrêté de catastrophe naturelle pour prétendre à une indemnité.
Nota Bene : ce qui va varier, d’un assureur à l’autre, ce sont les grilles tarifaires, ou encore les franchises.

*** En cas d’arrêté de catastrophe naturelle, les sinistres indemnisés sont ceux des biens assurés, dans le cadre d’un contrat assurance habitation, intégrant une garantie « catastrophe naturelle ».
Les constructions que les propriétaires n’ont pas couvert restent dépendantes de l’activation d’un Fonds de solidarité pour l’Outre-mer (non systématique), qui concerne les particuliers, sous condition de ressources, mais aussi les petites entreprises et les exploitations agricoles.

A consulter cet article de l’Institut national de la consommation (INC), établissement public à caractère industriel et commercial au service des consommateurs et de leurs associations : inc-conso.fr