Un mercredi des cendres 2024 marqué par la disparition de Rudy Benjamin. Il nous avait confié son dernier regard sur son inlassable quête culturelle

Rudy Benjamin, 25 janvier 2024
Comme un point d'exclamation pour refermer le carnaval, l'un des évènements culturels de la Guadeloupe qu'il se sera attaché à défendre de toutes les manières possibles et selon ses inspirations, Rudy Benjamin s'en est allé ce mercredi 14 février 2024, victime d'un œdème pulmonaire. Celui qui était toujours en quête d'un son nouveau n'a jamais craint d'être en dissonance avec les autres, même si ses derniers mots auront été pour susciter l'Amour en Guadeloupe.

La nouvelle est tombée aux premières heures du jour. Alors que la Guadeloupe s'apprête à vivre l'ultime étape du Carnaval 2024, celui des défilés en noir et blanc, Rudy Benjamin qui n'avait pas peur de déroger à la couleur d'ambiance générale pour arborer avec son groupe VIM de tous autres atours, ne sera pas là pour y mettre son accent aigu. 

L'homme le disait lui-même, victime déjà de deux AVC successifs, il se montrait prudent et veillait à ne pas trop en faire même si, la veille, lors du défilé du mardi-gras à Basse-Terre, il énonçait un programme sans fin qui devait le conduire jusqu'au bout de la nuit. Et ce mercredi il comptait bien porter des couleurs madras et des plumes pour proclamer : " nou sé on métisaj damour ". Comme un message qu'il laisse à tous ceux qui se réclameront de lui.

Rudy Benjamin, 25 janvier 2024

Pourtant, dans les oreilles et dans les cœurs, sa "Symphonie porcelaine", considérée sur les réseaux sociaux comme "la plus belle musique du Carnaval" résonne déjà un peu partout. 

Voir : VIDEOS. Carnaval de Guadeloupe 2024 : VIM innove avec sa "Symphonie porcelaine"

Une riche histoire culturelle

Restreindre la personnalité de Rudy Benjamin à la création et l'animation du Groupe VIM serait ne pas lui donner toute sa dimension. Une dimension qu'il acquiert dans sa culture de la différence. Elle le conduira de Akiyo au Point d'Interrogation et du Point à VIM parce qu'il lui fallait toujours chercher quelque chose d'autre.

Cette chose qui l'avait conduit un jour à fonder le groupe Dissonance à la fin des années 80, au sein duquel, il s'était lancé, avec d'autres, dans cette quête sans fin d'un son nouveau, d'une voix nouvelle. Peut-être pour cela que c'est à José Caraîbe, disparu en mars 2021, que le groupe avait confié la mission d'être cette voix.

En décembre 2014, répondant aux questions de TV Filao, il avait expliqué ce qu'il avait voulu faire en créant Dissonance.

Mais Rudy Benjamin se concevait aussi comme un passeur. Ce qu'il a reçu des autres, de tous les autres, il en a fait ce qui lui semblait juste et pourtant, temporaire. A son tour il a voulu transmettre. 
Ces dernières années, ces derniers mois, ces derniers jours, il s'est attaché à accompagner cette transmission. 

Rudy Benjamin, 25 janvier 2024

En soi, la "Symphonie porcelaine" aura été une apothéose de cette pédagogie. Fatigué, l'homme avait déjà transmis à son fils Axel le soin de continuer son œuvre. Mais ce sont tous les musiciens du groupe VIM qui portent en eux son ADN.

©Guadeloupe
 

Le 25 janvier dernier, il recevait une équipe de Guadeloupe La 1ère pour expliquer la composition de cette symphonie et derrière, c'est toute la philosophie de l'homme, son ambition et surtout, sa passion qu'il voulait transmettre qui s'exprime dans cet ultime entretien. Presque un testament.

Nous avons choisi de publier ici l'intégralité de l'entretien.

©Guadeloupe

Il n'avait peut-être pas imaginé que la "Symphonie porcelaine" serait son point final mais c'est sûr, elle donne à elle seule une toute une autre vision de ce décès. 

Et le combat de Rudy Benjamin, son inlassable quête musicale, n'aura pas été vain. Ses fruits sont désormais une part vivante du patrimoine guadeloupéen.

Rudy Benjamin