Les statistiques de l'INSEE ne sont pas passées inaperçues. Et pour cause, elles annoncent un inexorable effondrement de la démographie guadeloupéenne.
Au 1er janvier 2020 on comptabilisait 383 600 personnes vivent en Guadeloupe. Depuis 2014, la population de l’archipel diminue de 0,7 % par an en moyenne, soit près de 2 800 habitants de moins tous les ans. Cette baisse de la population s’explique par un plus grand nombre de départs que d’arrivées sur le territoire et par un faible excédent naturel.
En France métropolitaine, la situation serait différente. La population ne commencerait à décroître qu’à partir de 2044, avec un solde migratoire ne compensant pas le déficit naturel qui apparaîtrait à partir de 2035 (pour en savoir plus). Sur l’ensemble de la période 2018-2070, la Guadeloupe, avec la Martinique connaîtraient les deux plus importantes baisses de population des régions françaises
Pour l'INSEE, il faut d'abord y voir la conséquence d'un solde naturel déficitaire en raison de la baisse du nombre de naissances (- 1,8 % en moyenne par an entre 2018 et 2042, puis - 1,3 % entre 2042 et 2070), alors que les décès augmenteraient entre 2018 et 2052 (+ 1,2 % en moyenne par an), avant de diminuer jusqu’en 2070 (- 0,9 % en moyenne par an) faisant suite à la baisse du nombre des plus de 65 ans.
Il faut ensuite souligner les effets d'un solde migratoire négatif pour l’ensemble de la période (- 0,3 point) malgré une réduction du déficit au fil du temps. Le ralentissement du départ des jeunes actuellement très fort sera surtout dû à leur absence de plus en plus criante au sein de la population désormais composée de personnes âgées.
Quelles réactions face à cette catastrophe démographique
Les chiffres annoncés ont suscité de nombreuses réactions. La population autant que les élus accusent le coup. Chacun tente de l'expliquer à sa manière.
Il y a ceux qui estiment qu'il est urgent de faire revenir les jeunes ou, en tout cas, de tout faire pour qu'ils ne s'en aillent pas. Mais ce vœu encore très pieu ne s'accompagne d'aucune véritable décision capable de réaliser cet objectif.
D'abord parce qu'il vient contrer une tendance propre aux générations concernées qui ne cherchent guère à s'enraciner dans le tissu social mais à s'épanouir dans une activité qui peut changer au gré de leurs envies.
Difficile donc de les capter par des politiques, même volontaristes, qui restent toujours ponctuelles et ne tiennent pas compte de ce facteur d'épanouissement qui ne correspond en rien à la philosophie des décideurs politiques au pouvoir.
Ainsi, la Collectivité de Martinique a annoncé qu'elle allait verser une prime de naissance à toutes les parturientes. Problème, c'est qu'une telle prime ne serait que ponctuelle. Elle ne peut donc être attractive que si elle est accompagnée de plusieurs autres mesures qui favoriseraient l'embauche et la créativité des jeunes, mais aussi, des facilités pour l'inscription en crèche et autres infrastructures du même genre, avantageuses pour les parents.
Tout pour que les jeunes familles installées ailleurs qu'aux Antilles soient suffisamment tentées pour y revenir.
Voir aussi : Enrayer le déclin démographique de la Martinique : un ambitieux projet
En Guadeloupe, la Collectivité Régionale l'affirme dans toutes ses interventions sur le sujet. Elle a fait de la formation professionnelle tout autant que de l'apprentissage, ses priorités absolues parce qu'elles sont pour elle des armes incontournables contre le chômage de masse.
Cependant, consciente de ne pas pouvoir retenir les milliers de jeunes qui, chaque année, vont chercher ailleurs formations, emplois et vies, elle met en place des dispositifs d'emploi jeunes qui ne sont malgré tout pas convaincants puisqu'ils proposent une faible rémunération, plus faible en tout cas que ce qu'un emploi à l'étranger ou dans l'Hexagone pourrait leur offrir.
La Collectivité s'emploie aussi à soutenir le rôle des associations qui militent pour le retour au pays. Au nombre de celles-ci, l'association Alé vini qui a lancé une véritable croisade en ce sens.
La nécessaire prise de conscience de la société guadeloupéenne
En fait, bien plus que les efforts de politiques publiques, c'est toute la société guadeloupéenne qui doit aujourd'hui se sentir interpellée par cette question. Elle doit en effet s'interroger sur sa manière de laisser aux jeunes leur place et accepter de leur confier la modernisation du tissus social et économique de la Guadeloupe.
Ainsi, si tout le monde plaide pour un théorique retour au pays des jeunes, concrètement, le fait de confier à un jeune la direction d'un service, continue d'effrayer certains et est plus souvent freiné qu'encouragé. Trop souvent, diplômés, formés et expérimentés, le retour au pays est souvent conditionné à l'acceptation d'un poste sous-dimensionné par rapport à leurs compétences. Parce qu'ils doivent accepter que les anciens fassent "leur tour" d'abord. Ce faisant, les entreprises guadeloupéennes prennent du retard et ne peuvent offrir à ces jeunes l'élan professionnel qu'on leur offre ailleurs.
Pourtant, ce sont des jeunes sortis quelques années plus tôt des lycées de Guadeloupe, dont les parents ont financé la formation pendant plusieurs années, mais qui, sans réseaux efficaces, auront du mal à revenir travailler dans l'Archipel.
Or, ce sont bien ces mêmes jeunes qui seront en âge de fonder une famille, d'élever des enfants, et de générer une démographie croissante en Guadeloupe.
Mais, rien pour l'heure, malgré des efforts ici et là et, pas assez globaux et convergents, ne leur permet de croire qu'ils sont vraiment les bienvenus chez eux.
Tout reste donc à faire si l'on veut infirmer les statistiques de l'INSEE.