Elle s'attache à décripter tous nos comportements durant ce confinement Covid-19, cela donne des billets d'humeur remplis d'humour. L'artiste Emmelyne Octavie a ainsi passé au laser une victime d'hypocondrie. Découvrons!
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Ça y est. Je l’ai. Je suis sûre que je l’ai. Depuis trois minutes, je sens que ça rentre en moi. Je n’ai plus faim. J’ai la tête qui tourne. Ma gorge me chatouille. Le thermomètre affiche 37, mais je suis sûre que j’ai de la fièvre. Je savais que je l’aurais eu. J’ai jamais de chance avec ça. Dès qu’il y a une nouvelle maladie, c’est pour ma poire. Je me connais. D’ici quarante cinq minutes, j’aurai des courbatures puis des douleurs au ventre. C’est tout le temps comme ça. Je vais devoir retourner à l’hôpital comme la semaine dernière et celle d’avant lors de ma quatrième fausse alerte. J’étais persuadée de l’avoir eu. Puis finalement le docteur m’a regardée à l’œil nu et il m’a dit non. Que je n’ai rien. Que ça doit être la peur. De rentrer chez moi. Qu’on ne peut pas me garder. Y a trop de gens et pas assez de lits. Y a plus de formule chambres mais qu'une formule tente. Qu’il faut arrêter de paniquer. Qu’il suffit de laver mes mains. De ne pas cracher sur les gens. De faire un thé à la citronnelle pour me calmer. Je suis quand même passée à la pharmacie par mesure de précautions. J’ai acheté et des flacons de gel et des compresses pour fabriquer mes masques et du Microlax et du Tramadol, du Paracétamol, du Doliprane codéiné, du vicks en baume et en inhaler. J’ai aussi pris du Fervex et des pastilles pour la gorge. J’ai jeûné, comme le Brésil a dit. J’ai prié à ne plus savoir parler. Je me suis tenue loin des fenêtres. Mais apparemment, ce n’était pas suffisant. Mes gestes barrières se sont avérés vains.
— Regarde, regarde, on dirait que je ne respire même pas ! Tu entends ? Y’a rien. Je suis en train d’épuiser mon dernier souffle. Sur tous les humains qu’il y a sur terre, il a fallu que ça tombe encore sur moi. Je crois que je vais raccrocher pour les appeler et leur dire que ça y est, c’est là. C’est revenu ! Qu’il faut faire vite parce que ce virus-là ne joue pas. Il a trouvé ma nouvelle adresse. Il est rentré chez moi et maintenant je risque d’y passer. J’espère juste ne pas tomber sur la folle de l’autre fois qui m’a dit d’arrêter de les appeler parce que j’engorge la ligne pour rien. C’est du gros n’importe quoi. Je fais toujours attention à ne pas trop solliciter le corps médical. Tous les soirs je suis la seule de mon quartier à applaudir sur mon balcon de 20h à 20h. Je suis une patiente régulière et exemplaire, mais là, je ne peux pas faire comme si je ne l’avais pas alors qu’au plus profond de moi je sens que ça « covide ». Je vais téléphoner en masqué, au cas où ils reconnaîtraient mon numéro. Ça sonne. Ça sonne. Ça sonne. Je suis en train de mourir et personne ne décroche…
— Les urgences bonjour !
— C’est bon cette fois-ci je l’ai. Faut vite venir me chercher.
— Pouvez-vous nous décrire vos symptômes ?
— J’ai tous les symptômes qui sont marqués sur Google.
— Avez-vous du mal à respirer ?
— Ça ne s’entend pas ?
— Avez-vous de la fièvre ?
— C’est en train de monter !
— Avez-vous des courbatures ?
— C’est en cours !
— Donc en fait vous n’avez encore rien, si je comprends bien ? Madame, ce n’est pas un jeu ! Nous allons devoir raccrocher ! Vous épuisez nos faibles moyens. Il faut vraiment vous faire soigner !
C’est l’hôpital qui se moque de la charité ! Je vais faire la sourde oreille pour ne pas m’énerver et augmenter mes risques d’y passer. Il me faut retrouver mon souffle et mettre en pratique l’ordonnance de la dernière fois : arrêter de paniquer. Me laver les mains. Ne pas cracher sur les gens. Faire un thé citronnelle pour me calmer. J’espère vraiment me réveiller demain.
Emmelyne OCTAVIE, "Confinée dans la tête de..."
— Regarde, regarde, on dirait que je ne respire même pas ! Tu entends ? Y’a rien. Je suis en train d’épuiser mon dernier souffle. Sur tous les humains qu’il y a sur terre, il a fallu que ça tombe encore sur moi. Je crois que je vais raccrocher pour les appeler et leur dire que ça y est, c’est là. C’est revenu ! Qu’il faut faire vite parce que ce virus-là ne joue pas. Il a trouvé ma nouvelle adresse. Il est rentré chez moi et maintenant je risque d’y passer. J’espère juste ne pas tomber sur la folle de l’autre fois qui m’a dit d’arrêter de les appeler parce que j’engorge la ligne pour rien. C’est du gros n’importe quoi. Je fais toujours attention à ne pas trop solliciter le corps médical. Tous les soirs je suis la seule de mon quartier à applaudir sur mon balcon de 20h à 20h. Je suis une patiente régulière et exemplaire, mais là, je ne peux pas faire comme si je ne l’avais pas alors qu’au plus profond de moi je sens que ça « covide ». Je vais téléphoner en masqué, au cas où ils reconnaîtraient mon numéro. Ça sonne. Ça sonne. Ça sonne. Je suis en train de mourir et personne ne décroche…
— Les urgences bonjour !
— C’est bon cette fois-ci je l’ai. Faut vite venir me chercher.
— Pouvez-vous nous décrire vos symptômes ?
— J’ai tous les symptômes qui sont marqués sur Google.
— Avez-vous du mal à respirer ?
— Ça ne s’entend pas ?
— Avez-vous de la fièvre ?
— C’est en train de monter !
— Avez-vous des courbatures ?
— C’est en cours !
— Donc en fait vous n’avez encore rien, si je comprends bien ? Madame, ce n’est pas un jeu ! Nous allons devoir raccrocher ! Vous épuisez nos faibles moyens. Il faut vraiment vous faire soigner !
C’est l’hôpital qui se moque de la charité ! Je vais faire la sourde oreille pour ne pas m’énerver et augmenter mes risques d’y passer. Il me faut retrouver mon souffle et mettre en pratique l’ordonnance de la dernière fois : arrêter de paniquer. Me laver les mains. Ne pas cracher sur les gens. Faire un thé citronnelle pour me calmer. J’espère vraiment me réveiller demain.
Emmelyne OCTAVIE, "Confinée dans la tête de..."