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Je me sens enfin libre de pouvoir changer d’habitude et faire peau neuve. Tant pis si cela rend les traditionalistes chagrins. Je me débarrasse de siècles de cendres et de poussière. À croire que le virus des uns fait le miracle des autres et de moi entre autres. J’entends geindre : « Pâques est sous cloche ! » Je me tue à rire. C’est fou comme vous êtes drôles. Si vous saviez à quel point je jubile. J’ai troqué ma vieille robe contre un jogging et j’ai pris la clé des champs comme le préconise l’Évangile selon Covid chapitre 19. À toutes et à tous, bon courage dans la célébration du Printemps de Confinement. Ce sera sans moi. Les temps changent et moi-même je suis mouvante. La tradition a la bougeotte. J’ai rêvé fort de ces vacances. Dieu n’est pas si méchant. Il exauce en tout temps. Ne vous fatiguez pas à mettre le couvert, nous ne passerons pas à table comme le veut feue tradition. Je pars en congés sans solde et sans permission. La tradition met les voiles ce soir !
Adieu l’Agneau Pascal !
Good bye Colombe de Pâques !
Hasta luego Bouillon d’awara !
Adiós Matoutou de crabe !
Le menu de cette année sera le même pour tout le monde : du Pangolin végétarien à déguster seul comme un gland. Les infatigables traditions tirent enfin leur révérence.
Adieu les :
— J’ai trop mangé !
— J’ai beaucoup trop bu !
— J’ai dû prendre au moins cinq kilos ce week-end !
Adieu les messes basses sous le même toit :
— Regarde comment elle s’est habillée ! On voit tout !
— Il s’est ramené au repas les mains vides !
— Elle n’a aucune autorité sur ses enfants. De vrais petits cochons !
Adieu les faux sourires ! Adieu l’hypocrisie ambiante ! Adieu fourchette ! Adieu on trinque à tout donc à rien ! Adieu les retrouvailles du lendemain et les discussions qui tournent au vinaigre !
Vos adorables bambins n’iront plus à la chasse au cacao parce que faim et misère n’étant pas loin, vous voudrez de vraies poules, de vrais lapins, des œufs frais dans votre quotidien. Dans un peu moins de trois cent dix ans, l’histoire commencera comme ça :
« Vers l’an 2020, il était de tradition de célébrer Pâques confinés. Au quatre coin du monde, nous déjeunions, seuls, le même repas. C’était devenu viral. » La rumeur carillonne que notre folklore post-confinement est déjà là. Apprendre à être seul. À faire silence. À manger moins gras.
On dresse des bilans comme vous ne dresserez plus de tables.
Il y a le Vendredi saint et les vendredis sans !
— Pascale, je t’en prie, où es-tu ?
— Je suis dehors, libre comme le vent !
— Dépêche-toi de rentrer à la maison. J’entends des mecs, sur le trottoir, covider grave sur toi !
— J’ai l'habitude avec eux. C’est notre tradition. Le coq chante et Pilate m’emporte !
Cette année, faut croire que même les athées devront mettre une croix quelque part !
Emmelyne OCTAVIE, "Confinée dans la tête de..."
Adieu l’Agneau Pascal !
Good bye Colombe de Pâques !
Hasta luego Bouillon d’awara !
Adiós Matoutou de crabe !
Le menu de cette année sera le même pour tout le monde : du Pangolin végétarien à déguster seul comme un gland. Les infatigables traditions tirent enfin leur révérence.
Adieu les :
— J’ai trop mangé !
— J’ai beaucoup trop bu !
— J’ai dû prendre au moins cinq kilos ce week-end !
Adieu les messes basses sous le même toit :
— Regarde comment elle s’est habillée ! On voit tout !
— Il s’est ramené au repas les mains vides !
— Elle n’a aucune autorité sur ses enfants. De vrais petits cochons !
Adieu les faux sourires ! Adieu l’hypocrisie ambiante ! Adieu fourchette ! Adieu on trinque à tout donc à rien ! Adieu les retrouvailles du lendemain et les discussions qui tournent au vinaigre !
Vos adorables bambins n’iront plus à la chasse au cacao parce que faim et misère n’étant pas loin, vous voudrez de vraies poules, de vrais lapins, des œufs frais dans votre quotidien. Dans un peu moins de trois cent dix ans, l’histoire commencera comme ça :
« Vers l’an 2020, il était de tradition de célébrer Pâques confinés. Au quatre coin du monde, nous déjeunions, seuls, le même repas. C’était devenu viral. » La rumeur carillonne que notre folklore post-confinement est déjà là. Apprendre à être seul. À faire silence. À manger moins gras.
On dresse des bilans comme vous ne dresserez plus de tables.
Il y a le Vendredi saint et les vendredis sans !
— Pascale, je t’en prie, où es-tu ?
— Je suis dehors, libre comme le vent !
— Dépêche-toi de rentrer à la maison. J’entends des mecs, sur le trottoir, covider grave sur toi !
— J’ai l'habitude avec eux. C’est notre tradition. Le coq chante et Pilate m’emporte !
Cette année, faut croire que même les athées devront mettre une croix quelque part !
Emmelyne OCTAVIE, "Confinée dans la tête de..."