•
Au stade où on en est, je vais délicatement essorer le fond de ma pensée. Y en aura pas pour longtemps. Je me dis que, soit, soucieux de l’environnement vous êtes devenus drôlement raisonnables et donc écogestes. Soit, insouciants, vous vous êtes transformés en personnes effroyablement sales. Je m’explique. Dans un passé relativement proche, je tournais à plein régime dans votre quotidien, aussi bien pour les lessives nécessaires que pour les lessives excentriques. Pour ceux qui l’ignorent encore, la lessive excentrique correspond à une pratique qui, moi, me laisse sans voix, tant elle s’avère absurde. L’utilisateur, souvent une femme, décide, tout bonnement, de mettre deux culottes de 75 grammes chacune dans un lave-linge ayant une capacité pouvant aller jusqu’à 8 kilos et d’appuyer sur démarrer sans pudeur aucune. Soit 150 grammes de petites dentelles qui me forcent à tourner dans le vide pendant plus d’une heure et à vidanger. Il y a aussi les adeptes de la couleur rare.
— Je vais faire une machine de bleu cobalt. Qui a du bleu cobalt ?
— Moi !
— Ah non, ça c’est du bleu outre-mer !
— Qu’est-ce que ça peut bien faire ?
— Ça risque de déteindre. Souviens-toi, la dernière fois, j’ai fait une machine aubergine avec ton polo prune, et ça n’a pas manqué !
Vu la fréquence quasi-nulle des machines en ce moment, je ne risque plus de faire déteindre le moindre fil textile.
— Quelqu’un a une lessive à faire ?
— Non !
— Moi non plus. J’ai pratiquement rien utilisé donc rien sali.
— Faut dire qu’on ne sort pratiquement plus.
— Le lave-linge ne sert plus à grand-chose, faudrait peut-être le débrancher…
Essaye seulement et tu verras comment je vais te laisser en galère pour les lessives de draps et de serviettes quand les acariens et les miettes viendront gratter tes rêves. Vous êtes tellement obsédés par vos mains et par le papier à fesses que vous ne lavez plus vos linges. Je commence à sentir fort le renfermé. Mon tambour s’engourdit. Je manque de tout. Personne ne semble s’en inquiéter. Le lave-linge est le grand puni du confinement. Je pensais avoir une chance avec les masques lavables… Eh bien non ! Ce sont encore les mains qui s’en occupent sous prétexte qu'ils sont fragiles et que je risquerai de les abîmer. Quand je vous entends à mon sujet, je me rends compte qu’il n’y a pas que le Covid qui tue mais tout le monde s'en lave les mains. Mon seul espoir réside chez les sportifs néophytes. Après vingt-trois minutes de marche ou de petites foulées, ils font des machines de trois quart d’heures, toujours avec le même contenu ; un débardeur, une brassière, un short, un legging et des socquettes. Tout est lavé à froid. Je bous. Il serait grand temps que vous retrouviez l’étendue de mes programmes et vos dignités. Le linge sale doit continuer à être lavé en famille. Je répète, le linge sale doit continuer à vivre et moi à tourner pour un torchon ou pour un slip.
Emmelyne OCTAVIE, "Confinée dans la tête de..."
— Je vais faire une machine de bleu cobalt. Qui a du bleu cobalt ?
— Moi !
— Ah non, ça c’est du bleu outre-mer !
— Qu’est-ce que ça peut bien faire ?
— Ça risque de déteindre. Souviens-toi, la dernière fois, j’ai fait une machine aubergine avec ton polo prune, et ça n’a pas manqué !
Vu la fréquence quasi-nulle des machines en ce moment, je ne risque plus de faire déteindre le moindre fil textile.
— Quelqu’un a une lessive à faire ?
— Non !
— Moi non plus. J’ai pratiquement rien utilisé donc rien sali.
— Faut dire qu’on ne sort pratiquement plus.
— Le lave-linge ne sert plus à grand-chose, faudrait peut-être le débrancher…
Essaye seulement et tu verras comment je vais te laisser en galère pour les lessives de draps et de serviettes quand les acariens et les miettes viendront gratter tes rêves. Vous êtes tellement obsédés par vos mains et par le papier à fesses que vous ne lavez plus vos linges. Je commence à sentir fort le renfermé. Mon tambour s’engourdit. Je manque de tout. Personne ne semble s’en inquiéter. Le lave-linge est le grand puni du confinement. Je pensais avoir une chance avec les masques lavables… Eh bien non ! Ce sont encore les mains qui s’en occupent sous prétexte qu'ils sont fragiles et que je risquerai de les abîmer. Quand je vous entends à mon sujet, je me rends compte qu’il n’y a pas que le Covid qui tue mais tout le monde s'en lave les mains. Mon seul espoir réside chez les sportifs néophytes. Après vingt-trois minutes de marche ou de petites foulées, ils font des machines de trois quart d’heures, toujours avec le même contenu ; un débardeur, une brassière, un short, un legging et des socquettes. Tout est lavé à froid. Je bous. Il serait grand temps que vous retrouviez l’étendue de mes programmes et vos dignités. Le linge sale doit continuer à être lavé en famille. Je répète, le linge sale doit continuer à vivre et moi à tourner pour un torchon ou pour un slip.
Emmelyne OCTAVIE, "Confinée dans la tête de..."