Si en Amapa, les cultivateurs indigènes doivent faire face aux maladies qui détruisent leurs récoltes de manioc, dans certaines plantations guyanaises, il en est de même.
Les témoignages sont nombreux dans le groupe whatsapp « Problème de manioc en Guyane » créé cette semaine par le maire de Papaïchton, Jules Deie. En avant-propos, il explique sa démarche : "… Ce groupe est créé pour inventorier les maladies rencontrées dans vos exploitations sur la culture du manioc en Guyane... Il demande des témoignages car … l’objectif est que la Chambre d’agriculture et l’ensemble des instances concernées puissent se saisir de la problématique et trouver des solutions pour y faire face. Sinon le prix du couac/kwaka ne fera qu’augmenter, ou même, vous n’aurez plus la possibilité d’en acheter … car si le problème n’est pas traité maintenant, il n’y aura plus de manioc en Guyane. »
Fédérer les cultivateurs de manioc
Et dans ce groupe, les échanges vont bon train et montrent que les planteurs de manioc sont confrontés à différentes difficultés qui ont, notamment, bouleversé le marché du couac.
Au fur et à mesure des jours, des planteurs du Maroni comme de l’Oyapock s’expriment sur le sujet. Des échanges souvent interrogatifs, à la fois sur les causes des maladies du manioc, sur les moyens de lutte à mettre en place et comment se faire aider.
Dans un premier temps, l’objectif de Jules Deie est atteint. Les témoignages sont nombreux. Le maire de Papaïchton souhaite qu'il y ait une prise de conscience globale sur la culture du manioc :
« Le problème rencontré en Amapa montre que nous ne sommes pas dans un cas isolé…. Actuellement en Guyane, la production a baissé par rapport aux inondations des années précédentes et lorsque l’on va dans les magasins sur le littoral, nous voyons davantage la production du manioc qui vient du Brésil. Ce qui signifie, malgré tout, qu’ils ont encore une production.... Nous, nous sommes déjà en difficulté, je me suis dit qu’il faut faire quelque chose. Il ne faut pas que chacun reste dans son coin à faire sa petite production… Il y a un marché de consommateurs et cela permet à une certaine population guyanaise d’avoir une petite autonomie alimentaire. Mais si cette production locale n’est pas accompagnée, à un certain moment, elle finira par ne plus exister. »
Travailler à la création d’une filière durable
Depuis des générations, le manioc est la base de l’alimentation des guyanais souligne Jules Deie. Lui-même, pratique la culture traditionnelle et a planté en 2022, trois hectares de plants de manioc et du maïs. Pour le moment, il ne rencontre pas de problème particulier, même si, il observe que la plante ne se développe pas normalement sur une petite partie de son abattis.
Son souhait en tant qu’édile et futur producteur est :
«… En premier lieu, qu’il y ait une production de manioc stable et parvenir, ensuite, à une filière organisée. Plus les témoignages édifiants se multiplient, ce sont autant d’indications pour les instances de recherches à travailler sur le sujet. S’il y a déjà un travail de fait, qu’elles se déplacent avec une programmation sur le tout territoire pour informer et aider. Et cela montrerait leur réactivité dans leur domaine de compétence. Et d’ajouter : si l’on classe les aliments produits localement, le manioc apparait en premier… »
Sur la question foncière, Jules Deie ne voit pas d’obstacle :
« La Safer a été créée pour gérer le foncier agricole. A Papaïchton, j’ai pris une délibération pour réaliser un lotissement agricole. Cela permet à ceux qui font déjà de l’agriculture et à des professionnels intéressés souhaitant faire partie de cette zone, d’y avoir accès. Pour l’instant il n’y a pas d’organisation selon le modèle occidental. Il s’agit d’une agriculture familiale avec des abattis. Mais si on veut parler de filière, à un certain moment, il faut passer un cap et avoir des zones aménagées pour dépasser l’échelon de l’agriculture de subsistance. »
Jules Deie est vice-président de la Safer. Le problème du manioc infesté est un sujet qu’il ne manquera pas d’aborder avec la nouvelle présidente, Chantal Berthelot et également avec les élus de la Chambre d’agriculture.
Le souhait du maire de Papaïchton est vraiment de réveiller la Guyane sur le sujet de la culture du manioc. Et de rappeler que les prix du couac, issu du manioc, ont flambé. Il se pourrait même que certains profitent de la situation :
« Avant les inondations, le sac de 12 kg était au maximum de 50 euros. Actuellement, cela est passé à 90 euros, puis 100 euros voire 120 euros. Il y a certainement des personnes qui en profitent. Il y a des commandes dès l’épluchage des racines… sinon on ne trouve plus à acheter… »
Au cours de ces échanges, une habitante de Ouanary a témoigné être aussi en but à des maladies sur sa plantation de manioc.
Interrogé sur la question du manioc, le maire de Saint-Georges, Georges Elfort affirme, également, avoir été alerté sur des problèmes rencontrés par ses administrés sur le manioc. Toutefois, il ne constate pas une hausse du prix du couac dans sa commune où il s’achète entre 2,5 à 3 euros le kilo.
Une intervention rapide de la FREDON suite à cette alerte
La question de la culture du manioc en Guyane est vaste et nécessite que des experts de l’agriculture s’expriment sur le sujet. Le responsable de la FREDON, un organisme créé en 2019 dédié à la santé du végétal a notamment déclaré sur le groupe « Problème du manioc en Guyane » :
« Il est prévu que les agents de la FREDON viennent faire une prospection sur le fleuve pour analyser..."
Selon l'information communiquée par le maire de Papaïchton, des agents de cet organisme seront à Maripasoula et Papaïchton d'ici la fin du mois de mai.
De plus un technicien devrait intervenir sur le Maroni en juin pour une action de sensibilisation des bonnes pratiques pour freiner la dispersion.