Le second roman de Cathy Galliègue "Et boire ma vie jusqu'à l'oubli" vient de sortir. Dans son style coup de poing, elle nous oblige à cheminer avec son héroïne Betty, plongée dans la désespérance de l'alcool à la recherche d'un mieux être. La romancière a accepté de se confier sur son univers.
Lire un roman de Cathy Galliègue c'est s'immerger dans le tréfonds des âmes blessées. D'une écriture âpre, incisive et inquisitrice, elle nous raconte le cheminement de ses créatures, femmes à la merci de leur désespoir. L'héroïne de "Et boire ma vie jusqu'à l'oubli" Betty est une jeune veuve de 35 ans, mère d'un garçonnet. Le soir, elle boit, seule, hantée par le souvenir d'une mère mystérieusement disparue et de son mari mort accidentellement. Année après année, Betty se délite, s'abîme dans l'alcool pour oublier son bonheur perdu avant de saisir, in extremis, une main tendue...
Une lente et méthodique descente aux enfers racontée à la première personne. Un récit qui broie les tripes, secoue, car Betty suscite l'empathie. Elle devient l'amie que l'on voudrait secourir.
Cathy Galliègue sait parfaitement jouer des mots et des sentiments pour écrire ses drames. Puisant dans la vie des gens pas si ordinaires pour construire ses intrigues et, sans doute, et cela se devine au fil de la lecture, sa propre sensibilité.
Cathy Galliègue se confie et explique les ressorts de son inspiration de romancière.
Deuxième roman et deuxième récit de la vie brisée d'une femme. La femme est elle le ressort obligé de votre univers d’écrivaine?
CG : À n’en pas douter la femme aura toujours, dans mon travail d’écriture, une place centrale. Je ne l’ai pas prémédité, mais chaque nouveau projet qui mûrit tourne autours d’une femme, de la fragilité de la femme qui révèle sa force. Parce que je crois que les femmes possèdent une force presque invincible face aux épreuves. Ce qui ne veut pas dire que nous sommes toutes des guerrières, et je m’applique à travers mes romans à montrer leurs moments de faiblesse, de découragement, de solitude aussi. Dans ce deuxième roman, Betty a encaissé, beaucoup, et elle s’est effondrée, elle a capitulé, mais elle a un petit garçon qu’elle aime intensément, elle a un père, un beau-père, les hommes sont bien présents dans son univers, et ils seront, chacun à leur manière, des béquilles indispensables à sa renaissance. Ressort obligé, je ne sais pas, mais pour le moment et pour les deux romans à venir, elles seront toujours là et toujours entourées d’hommes, bien sûr.
Encore une fois, une histoire d'amour contrarié. L'amour n'est-il jamais heureux Cathy?
CG : On n’écrit pas sur l’amour heureux. Ça ne veut pas dire qu’il ne l’est jamais et je serais bien ingrate de le prétendre. Charles Aznavour vient de nous quitter. Il laisse derrière lui une oeuvre immense et de quoi parlait cette oeuvre ? Des amours mortes. Et du temps qui passe. Les deux grandes préoccupations de l’existence. On écrit, en revanche, sur l’amour contrarié, l’amour perdu, l’amour trahi, oui, mais comme d’une blessure dont on pense ne jamais guérir. Dans ce roman, Betty a vécu un bel amour. Il a été anéanti par la mort de son mari et de cet abandon dont il n’est pas responsable, elle pense ne jamais pouvoir se relever. Et pourtant…
Mathilde folle d'amour, Betty alcoolique à mort. Ces femmes à la fragilité envahissante font-elles partie d'une trilogie?
CG : Betty sombre dans l’alcool, en cachette, pour anesthésier sa douleur. Lorsque j’ai commencé l’écriture de ce roman, je ne savais pas encore que ce thème serait abordé. Il s’est imposé. Parce que l’alcoolisme féminin est un sujet hautement tabou, que les femmes vivent seules cette maladie, pétries de honte. Dans mon précédent roman, Mathilde flirtait avec la folie, parlait à un mort, elle aussi tentait de trouver une échappatoire à la douleur. Encore une fois, si je montre les fragilités c’est pour mieux mettre en lumière les forces, par contraste. Quant à la trilogie, cette question est tout à fait pertinente. Dans mon prochain roman en écriture, je m’inspire d’un cas réel, d’une femme infanticide. On monte d’un cran. J’aborde l’insupportable au travers d’une femme qui a pourtant vouée sa vie aux autres, à ses filles, à son mari, à ses petits vieux qu’elle bichonnait (elle est aide-soignante), j’aborde à travers son histoire le regard des autres. Les regards sur cette femme en obésité morbide qui ne voulait plus montrer son corps au corps médical et qui a tué ses propres enfants pour échapper aux regards, aux examens, aux humiliations. Je ne vais pas lui trouver d’excuses, je ne vais pas la clouer au pilori, elle a été jugée, je vais parler de ce qui existe. L’infanticide existe. Il n’est pas le projet élaboré par un monstre. Il est le résultat d’une immense souffrance. Et lorsque l’on est mère, ce qui est mon cas, on ne peut imaginer cet acte, cet acte répété, en secret. Je m’intéresse à la psychologie de cette femme, à ce qui l’a conduite à commettre l’horreur et à garder le silence. Au risque de choquer, je veux parler de ce qui peut, peut-être, être désamorcé par la parole, par l’intérêt que l’on porte à l’autre, au-delà de son apparence. L’infanticide n’appartient à aucune classe sociale et si j’écris douloureusement sur ce sujet, c’est encore pour essayer non pas d’excuser, mais de comprendre ces femmes et de les faire exister par-delà l’horreur. Pour quelques affaires découvertes, combien de bébés dorment pour toujours dans un congélateur ?
Cathy Galliègue écrit depuis l'âge de 15 ans et vit depuis 3 ans en Guyane. Notre région a confirmé son besoin d'écrire et lui a offert, à travers des séjours en forêt, de longues parenthèses de contemplation propices à l'inspiration. Son premier roman "La nuit, je mens" commencé en métropole a été terminé en Guyane. Le deuxième roman y a été entièrement écrit.
Celle qui ne se considère pas comme une écrivaine "mais tout juste une romancière, peut-être" avoue simplement que la Guyane a fortement contribué à l'évolution de son écriture et à lui donner confiance.
"Et boire ma vie jusqu'à l'oubli" est paru aux éditions Emmanuelle Collas
Une lente et méthodique descente aux enfers racontée à la première personne. Un récit qui broie les tripes, secoue, car Betty suscite l'empathie. Elle devient l'amie que l'on voudrait secourir.
Cathy Galliègue sait parfaitement jouer des mots et des sentiments pour écrire ses drames. Puisant dans la vie des gens pas si ordinaires pour construire ses intrigues et, sans doute, et cela se devine au fil de la lecture, sa propre sensibilité.
Cathy Galliègue se confie et explique les ressorts de son inspiration de romancière.
Deuxième roman et deuxième récit de la vie brisée d'une femme. La femme est elle le ressort obligé de votre univers d’écrivaine?
CG : À n’en pas douter la femme aura toujours, dans mon travail d’écriture, une place centrale. Je ne l’ai pas prémédité, mais chaque nouveau projet qui mûrit tourne autours d’une femme, de la fragilité de la femme qui révèle sa force. Parce que je crois que les femmes possèdent une force presque invincible face aux épreuves. Ce qui ne veut pas dire que nous sommes toutes des guerrières, et je m’applique à travers mes romans à montrer leurs moments de faiblesse, de découragement, de solitude aussi. Dans ce deuxième roman, Betty a encaissé, beaucoup, et elle s’est effondrée, elle a capitulé, mais elle a un petit garçon qu’elle aime intensément, elle a un père, un beau-père, les hommes sont bien présents dans son univers, et ils seront, chacun à leur manière, des béquilles indispensables à sa renaissance. Ressort obligé, je ne sais pas, mais pour le moment et pour les deux romans à venir, elles seront toujours là et toujours entourées d’hommes, bien sûr.
Encore une fois, une histoire d'amour contrarié. L'amour n'est-il jamais heureux Cathy?
CG : On n’écrit pas sur l’amour heureux. Ça ne veut pas dire qu’il ne l’est jamais et je serais bien ingrate de le prétendre. Charles Aznavour vient de nous quitter. Il laisse derrière lui une oeuvre immense et de quoi parlait cette oeuvre ? Des amours mortes. Et du temps qui passe. Les deux grandes préoccupations de l’existence. On écrit, en revanche, sur l’amour contrarié, l’amour perdu, l’amour trahi, oui, mais comme d’une blessure dont on pense ne jamais guérir. Dans ce roman, Betty a vécu un bel amour. Il a été anéanti par la mort de son mari et de cet abandon dont il n’est pas responsable, elle pense ne jamais pouvoir se relever. Et pourtant…
Mathilde folle d'amour, Betty alcoolique à mort. Ces femmes à la fragilité envahissante font-elles partie d'une trilogie?
CG : Betty sombre dans l’alcool, en cachette, pour anesthésier sa douleur. Lorsque j’ai commencé l’écriture de ce roman, je ne savais pas encore que ce thème serait abordé. Il s’est imposé. Parce que l’alcoolisme féminin est un sujet hautement tabou, que les femmes vivent seules cette maladie, pétries de honte. Dans mon précédent roman, Mathilde flirtait avec la folie, parlait à un mort, elle aussi tentait de trouver une échappatoire à la douleur. Encore une fois, si je montre les fragilités c’est pour mieux mettre en lumière les forces, par contraste. Quant à la trilogie, cette question est tout à fait pertinente. Dans mon prochain roman en écriture, je m’inspire d’un cas réel, d’une femme infanticide. On monte d’un cran. J’aborde l’insupportable au travers d’une femme qui a pourtant vouée sa vie aux autres, à ses filles, à son mari, à ses petits vieux qu’elle bichonnait (elle est aide-soignante), j’aborde à travers son histoire le regard des autres. Les regards sur cette femme en obésité morbide qui ne voulait plus montrer son corps au corps médical et qui a tué ses propres enfants pour échapper aux regards, aux examens, aux humiliations. Je ne vais pas lui trouver d’excuses, je ne vais pas la clouer au pilori, elle a été jugée, je vais parler de ce qui existe. L’infanticide existe. Il n’est pas le projet élaboré par un monstre. Il est le résultat d’une immense souffrance. Et lorsque l’on est mère, ce qui est mon cas, on ne peut imaginer cet acte, cet acte répété, en secret. Je m’intéresse à la psychologie de cette femme, à ce qui l’a conduite à commettre l’horreur et à garder le silence. Au risque de choquer, je veux parler de ce qui peut, peut-être, être désamorcé par la parole, par l’intérêt que l’on porte à l’autre, au-delà de son apparence. L’infanticide n’appartient à aucune classe sociale et si j’écris douloureusement sur ce sujet, c’est encore pour essayer non pas d’excuser, mais de comprendre ces femmes et de les faire exister par-delà l’horreur. Pour quelques affaires découvertes, combien de bébés dorment pour toujours dans un congélateur ?
Cathy Galliègue écrit depuis l'âge de 15 ans et vit depuis 3 ans en Guyane. Notre région a confirmé son besoin d'écrire et lui a offert, à travers des séjours en forêt, de longues parenthèses de contemplation propices à l'inspiration. Son premier roman "La nuit, je mens" commencé en métropole a été terminé en Guyane. Le deuxième roman y a été entièrement écrit.
Celle qui ne se considère pas comme une écrivaine "mais tout juste une romancière, peut-être" avoue simplement que la Guyane a fortement contribué à l'évolution de son écriture et à lui donner confiance.
"Et boire ma vie jusqu'à l'oubli" est paru aux éditions Emmanuelle Collas