A 69 ans, Rosa Benta ne sait plus comment joindre les deux bouts et semble résignée :
"Plusieurs fois, "Enel" (la compagnie d’électricité) m'a appelée pour me dire que j'avais des dettes. Je leur ai dit que je n'allais pas arrêter de nourrir mon fils pour les payer. S'ils veulent couper l'électricité, ils peuvent venir. La semaine dernière, l'eau était déjà coupée."
De fait, cette habitante de São Paulo ne sait plus à quel saint se vouer. L’énergie utilisée dans la vie courante est devenue hors de prix :
" Quand j'ai de l'argent pour le gaz de cuisine, je n'ai pas les moyens d'acheter du riz et des haricots. Que vais-je faire ? Je ne sais pas ce que nous allons faire de nos vies. Honnêtement, je ne sais pas ".
Un problème général
Le cas de Rosa est très loin d’être unique. L’ensemble de la société brésilienne est concerné. Chaque jour des centaines d'usagers aux revenus modestes font la queue devant le siège de la compagnie d'électricité pour négocier une remise, tant les montants des factures ont grimpé. C’est le dernier espoir de Mara Luiza, une gardienne de 58 ans :
" J'attends de voir ce qu'ils vont dire. Parce que si la facture n'est pas réduite, je ne vais pas payer. Et s'ils coupent, je ne sais pas comment ça va se passer. "
Même problème pour Francisco Coutinho, épicier à São José da Barra dans le Minas Gerais. Le montant de sa facture d’électricité a grimpé de près de 44% :
" En décembre, j'ai payé 850 reais (134€), pour être plus précis, 848 reais sur la facture d'énergie. Ce mois-ci, la facture est de 1 220 reais ( 192€), en utilisant le même nombre de congélateurs, sans rien changer. Le prix de l’énergie a beaucoup augmenté. C'est dur de travailler. "
En cause, une sécheresse historique
Cette hausse des tarifs est liée à la nécessité d’importer de l’électricité et lancer d’autres unités de production. Car le pays subit la pire sécheresse qu’il ait connu depuis 91 ans. Le niveau d'eau a fortement baissé, entrainant une baisse de la production des centrales hydro-électriques. Elle fournissaient les 2/3 de l'électricité du Brésil.
Au barrage de la centrale de Furnas dans le Minas Gerais, par exemple, le niveau a chuté de plus de 15 mètres en un an.
De nombreux secteurs économiques impactés
Le manque d'eau frappe non seulement les consommateurs et utilisateurs d’électricité ou d’eau mais aussi d’autres professionnels comme par exemple les agriculteurs. Les production de maïs, sucre, haricots noirs, entre autres, sont affectées. Celle de café devrait reculer de 25%. Evanildo Ribeiro, pêcheur à São José da Barra subit une forte diminution de ses prises :
" Avant, je pêchais 15, 20 poissons (par jour), maintenant c'est réduit à 5, 6. "
Un problème ancien qui pourrait éclipser la pandémie
Les coupures d’eau et de courant se multiplient dans certaines villes du pays.
Le président Bolsonaro a appelé les Brésiliens à éteindre leurs lumières et ordonné une baisse de la consommation électrique dans les administrations.
Mais les racines du problème sont profondes. Depuis 1991, 15% des eaux de surface du pays ont disparu. La superficie en eau de la partie brésilienne du Pantanal, la plus grande zone tropicale humide du Monde a même été réduite des 3/4 en 30 ans.
Liée au réchauffement climatique, la crise de l'eau aura des conséquences économiques et sociales. Elle pourrait bien éclipser la pandémie de covid et mettre davantage encore à l'épreuve les dirigeants de Brasila.