Le 22 février, Cécile se rend à l'aéroport de Cayenne Félix Eboué pour rentrer chez elle, dans l'Hexagone. Elle vient parfois en Guyane, où vivent ses parents. Cette année, elle est venue pour le carnaval... mais ce jeudi-là, le retour ne se passe pas comme prévu.
Elle est contrôlée, puis palpée dans le cadre du dispositif 100% contrôles, instauré en Guyane en octobre 2022. L'histoire ne s'arrête pas là, puisqu'elle subit un interrogatoire dans un bureau, à côté de l'aéroport.
L'agent me dit 'vous voulez faire pipi' ? Donc je lui dis 'j'ai pas forcement envie de faire pipi, mais si ça peut vous faire plaisir pour que je puisse prendre mon avion rapidement, il n'y a pas de problème'. Donc elle prend une boîte de gants par terre, donc pas stérile, elle prend le tube urinaire stérile et entre deux portes, elle ouvre l'ECBU stérile... Cette dame m'accompagne donc au WC et me regarde uriner. Elle prend mes urines en vitesse, me dit de tirer la chasse d'eau, de me laver les mains et de la rejoindre. J'ai eu une intuition, j'ai lavé mes mains et couru dans le bureau... Je la vois debout avec mes urines et d'un seul coup, elle me dit 'vous êtes positive à la cocaïne'.
"Je n'ai jamais touché à ça, je n'ai jamais vu de cocaïne de mes yeux, donc ce n’est pas possible", insiste Cécile. Elle n'a pas accès aux résultats, mais reçoit un arrêté lui interdisant d'embarquer à bord d'un avion au départ de l'aéroport pendant cinq jours. Le contrôle dure 45 minutes, selon Cécile.
Une affaire qui se poursuit au tribunal administratif
Pendant tout ce temps, elle éprouve un sentiment d'injustice.
En sortant de l'aéroport, j'ai été au Centre Hospitalier de Cayenne. J'ai attendu pendant 2h30 le médecin généraliste des urgences, qui m'a fait une precrisption. J'ai demandé un test sanguin, un test urinaire... Enfin les mêmes tests qu'ils font à l'aéroport. Le lendemain, je vais à l'hôpital à 8h00, je fais mes examens, ensuite je vais déposer une main courante à la gendarmerie, puis je fais appel à Trop Violans et je leur explique mon cas.
Un avocat est alors engagé et Cécile lui fournit tous les documents nécessaires. Une procédure de référé est lancée au Tribunal Administratif de Cayenne et ce lundi 26 janvier, elle passe devant le tribunal. L'arrêté préféctoral a été suspendu par la Justice, considérant qu'il s'agit d'une atteinte grave et manifestement illégale portée à une liberté.
20 référés de liberté déposés en 2023
D'après Olivier Guiserix, président du Tribunal Administratif de Cayenne, 20 référés de liberté ont été déposés en 2023 concernant les refus d'embarquement, dont quatre dossiers de fonds. Neuf personnes ont obtenu gain de cause, c'est-à-dire la suspension de l'arrêté.
En parallèle, d'après un bilan de la préfecture datant de juillet 2023, 7 432 arrêtés préfectoraux interdisant l’embarquement ont été pris entre novembre 2022 et juillet 2023.
Davy Rimane, député de la Guyane, s'oppose ouvertement à ce dispositif. "Ce qui se passe en Guyane est un scandale, tout simplement", s'indigne l'élu.
On ne peut pas fouler aux pieds les droits fondamentaux des hommes et des femmes d'un territoire sous prétexte qu'on souhaite lutter contre le trafic de drogue, alors qu'en même temps, lorsque moi je tente de créer une structure spécifique à la Guyane avec des moyens inhérents à ces structures contre le crime organisé (orpaillage illégal, trafic de drogue, trafic d'armes)... On nous le refuse.
Davy Rimane
Le député dénonce une situation inacceptable, tout en rappelant qu'il n'est pas opposé à la lutte contre le trafic de drogue.
Sachez que Cécile a finalement pu embarquer "sans encombre" ce mardi 27 février.