Carnaval : Confidences d’un touloulou qui a fait sa rentrée chez Polina

Un Touloulou fait sa première sortie de l'année
Son dernier bal « paré masqué » datait du 22 février 2020. Pour cette fidèle de l’orchestre des Blue Stars, il était de temps de reprendre ses rendez-vous du samedi soir. Elle a donc fait sa rentrée ce samedi chez Polina à Matoury. Sergine nous raconte sa rentrée.

Nous l’appellerons Sergine car la notion d’anonymat est essentielle dans l’univers du Touloulou.
Depuis une semaine, trotte dans sa tête l’idée d’aller danser maintenant que les indicateurs sanitaires sont au vert.
Il n’y a pas eu de dilemme pour la salle de bal, Nana ou Polina, le choix se porte sur l’orchestre, celui des Blue Stars : « Moi, j’ai sédimentée avec la musique des Blue Stars » et preuve à l’appui, elle sort fièrement un vieux ticket de 2010 du Soleil Levant. 

Des préparatifs minutieux et organisés

Ce samedi soir 21h, Sergine est chez une amie. Elle est venue tranquillement pour déguster une soupe péyi, le plat de référence pour tout touloulou qui se respecte. Surtout se sustenter correctement pour tenir le temps qu’il faut au bal.

La soupe créole du Touloulou : des légumes et du poulet

A 22h, Sergine sort de sa housse cousue maison, un magnifique costume or et fushia. D’un autre sac, tous les accessoires : cagoule, bas rouges, gants fushia, coiffe, trois masques, petite aumônière avec ses sous, son pass sanitaire et d’élégantes sandales dorées à talon : « Je danse très bien avec et je ne les utilise que pour cela ! ».

Organisée, Sergine a pensé à tout. Elle s’habille et ordonnance sa tenue devant le miroir.

Le miroir joue un rôle important dans la préparation du touloulou

15 minutes après, elle a terminé. Son amie noue sa ceinture, Touloulou Sergine est prête pour sa rentrée. Elle se prête complaisamment au jeu des photos : « Photographe, suis-je la plus belle pour aller danser ? »

Touloulou Sergine prend la pose

23h, ultimes vérifications faites, ce Touloulou solitaire prend la route pour une longue nuit de plaisir.

Témoignage d’une première soirée de Touloulou réussie

Midi, embrumée, les os en rouspétance mais affichant une mine ravie, Sergine commence son récit :

"Arrivée chez Polina. Ouf, il ne pleut plus ! Barrière et vigils coupent la route d’accès. Il faut marcher. Première formalité : pass. C’est très rapide sous la longue tente. Pas de queue ! Il est tôt, pas encore minuit."

"Devant le tarif affiché à la caisse, je suis déconcertée: 23 euros et seulement un billet de 20. C’est mon habitude. Et surtout pas d’autres liquidités. Bon, je suis là avec mon envie de danser et danser. Je n’hésite pas, et demande à l’une des jeunes filles non déguisées devant moi si elles ont 3 euros, l’une trouve un euro au fond de son porte-monnaie. Le merci est rapide. Je  me tourne vers la file des cavaliers, il n’y en a qu’un seul à ce moment et il me demande d’attendre qu’il récupère sa monnaie et me tend alors la pièce qui manque …J'essaye de mémoriser l’allure et le visage de ce cavalier pour l’inviter dans la soirée. Tout cela s’est passé très vite".

Sergine s’étonne d'avoir osé. Certes cavaliers et spectatrices ont intérêt à ce qu’il y ait plus de touloulous à l’intérieur mais quand même ! Non déguisée, elle n’aurait pas eu autant de toupet. À l’intérieur, le vide la déconcerte, elle avait bien regardé sur internet les soirées précédentes mais être au sein de cette ambiance que sa mémoire met en relation avec des mouvements de foule compact en ces lieux et où on pouvait difficilement se frayer un passage la déconcerte.

3h de danses sans interruption

Bon allez, pas d’état d’âme c’est le début de la soirée, elle est venue pour la musique, celle des Blues stars et l’ambiance est déjà là ! Elle se déplace, observe, regarde l’orchestre, évalue la rangée de cavaliers à droite. À ce moment, il n’y en a pratiquement pas à gauche, inutile de faire le tour. Elle ne repère qu’un seul avec qui elle a l’habitude de danser. Et comme on vient de l’inviter, elle va choisir au hasard … Exercice qu’elle a peaufiné au fil des ans mais il lui arrive encore de se tromper sur la potentielle virtuosité du danseur. C’est la valse, elle sélectionne un  visage mûr en se disant, il y a plus de chance qu’il maîtrise la cadence. Il assure et Sergine continue son récit :

"J'ai dansé trois heures de suite avec très peu de pauses, 5’ à trois ou quatre reprises et 6 à 7 verres d’eau. Les morceaux sont trop bons ! Je ne tiens pas à les manquer, les plus récents comme les plus anciens avec cependant une préférence pour les derniers. Avec les ans, on sédimente en soi la cadence, les figures qui s’harmonisent avec le son produit et on s’observe à être en véritable symbiose avec l’orchestre. Et quand le cavalier est dans la même mouvance, quel régal ! "

La magie de la danse renait

Comme d’habitude, Sergine va s’observer à fredonner certains passages dans sa tête ou à mi voix quand elle veut taquiner un cavalier. « Chevrotine an lè yé, chevrotine an yé kò … » Mille bravos pour le cavalier qu’elle avait choisi à ce moment-là. Mince, fin, un port de tête et un regard inspiré et une façon d’être dans son danser qui l’ont plongé dans un instant magique. La sauce, les états d’âme du chanteur qui a séduit la fille puis la mère,  « sa ki douvan mo, a di mo sa ki dèyè mo, a di mo » martèlent les chanteuses.

Deux lanières de ses chaussures cèdent. Sergine est contrainte d'arrêter cette soirée au moment où un cavalier lui propose à boire.

C’est une reprise, une bonne reprise, elle se réserve pour la semaine prochaine...