Pé pé, pa palé, Mo ka roulé bra krwazé, Mari mwen an bwa ka travay… Voici quelques-uns des titres disponibles sur la chaîne YouTube du groupe carnavalesque Kouman. Des chants du carnaval de rue comme ceux-ci, il y en a déjà près de 40 sur la chaîne du groupe.
Depuis un peu plus d’un an, le groupe s’est lancé dans un travail de sauvegarde de cette part du patrimoine carnavalesque du pays. « C’est un projet initié par un faisceau d’intérêts différents et communs, précise Denis Duprat, membre du groupe Kouman : Monique Blérald, présidente de l’Observatoire régional du carnaval guyanais (ORCG) et membre de Kouman, Christian Gonzil, président de Kouman, créateur du groupe et ancien président du groupe Scorpions, Yolanda Coumba, actuellement présidente de Scorpions et membre de l’ORCG, José Eloré, membre créateur de Kouman et membre de Scorpions, Annette Duprat-Laures, vice-présidente de Kouman… L’intérêt commun est le constat par ces anciens, mais toujours actifs, carnavaleux de l’absence d’archive patrimoniale, de disparition des chants dans les groupes musiciens. »
Enregistrement en studio
Pour tenter d'éviter cette disparition, les groupes Kouman et Scorpions ont travaillé de concert. Au départ, l’idée est d’abord d’enregistrer la musique. « Puis, on s’est dit qu'on pourrait aussi enregistrer les voix », indique Denis Duprat.
Après les phases de collecte et d’écriture, des membres des deux groupes se retrouvent en studio à Kourou. Deux jours seront nécessaires pour enregistrer 57 chants de rue, après s’être assuré auprès de la Sacem qu’aucun d’entre eux n’était protégé.
Un ouvrage
Le travail des groupes rejoint celui de Monique Blérald à l’université de Guyane. « L'université était, elle aussi dans cette démarche de collecte de ces chants anciens dont certains sont encore chantés par les orchestres du samedi soir, se souvient Denis Duprat. Monique Blérald a alors contacté les anciens et fait travailler des universitaires sur ce sujet. » Le résultat de ce travail sera alors consigné dans un ouvrage publié l’an dernier: Chants de rue, Carnaval de Guyane, Chanté kannaval lari Lagwiyann.
Réalisé d’abord dans une volonté de sauvegarde et de transmission, l’ouvrage n’a pas eu de diffusion publique, mais a, en revanche, été distribué dans tous les lycées et collèges de l’académie.
Des chants grivois pour la plupart
Si certains des chants, et c’est le propre des chants de rue, brocardent la vie politique et sociale, nombreux sont ceux qui sont clairement grivois. Là encore, il s’agit d’un aspect indissociable du carnaval de rue et des touloulou sales. « C’est pour cela que tous les groupes de rue qui chantent des chansons grivoises sont masqués, indique Annette Duprat-Laures. Dans ce livre, tous les chants ne sont pas vulgaires, mais la majorité le sont. Ce sont des chansons d’adultes mais que les plus jeunes peuvent entendre dans la rue. Maintenant, charge aux adultes qui les entendent avec eux d’en parler et de traduire ou pas. Dans les établissements scolaires, ce sont aussi des adultes qui vont choisir dans le livret ce qu’ils vont utiliser. »
Vers une réédition de l'ouvrage?
500 exemplaires de l’ouvrage Chants de rue, Carnaval de Guyane, Chanté kannaval lari Lagwiyann ont été tirés l’an dernier, sur un financement propre des groupes impliqués. Pour répondre à la demande du grand public, les initiateurs du projet envisagent une nouvelle parution. Mais cette fois, ils espèrent pouvoir compter sur un autre modèle de financement.