Castex, un nom dont la Guyane se souvient

Le fronton de la maison Castex
Le Premier ministre Jean Castex arrive en Guyane dimanche 12 juillet. Le nouveau chef du gouvernement porte un patronyme qui fait écho à celui d'un certain Louis Castex, un commerçant qui prospéra à Cayenne au début du 20e siècle.
Alors que la France dispose désormais d’un ministère délégué à La mémoire et aux anciens combattants dirigé par Geneviève Darrieussecq qui, aura entre autres missions, celle de mieux faire connaître l’histoire du colonialisme et de l’esclavage, voici que l’on se rappelle qu’en Guyane, le nom Castex est associé à une certaine réussite commerciale au début du 20e siècle.
Jean Castex, nouveau chef du gouvernement depuis le 3 juillet pourrait-il avoir un lien de parenté avec Louis Castex, commerçant et chef d’entreprise en Guyane au début du 20e siècle? Ou serait-ce un hasard homonymique ? Alors que l’on sait que dans les départements de Haute-Garonne et du Gers, le nom Castex est très courant, peut-être qui sait ! 
Mais intéressons-nous au parcours de cet ancien militaire devenu un homme d'affaire prospère, Louis Castex créateur aussi, de la fameuse glacière de Cayenne.


Un ancien militaire originaire de la Haute-Garonne

Louis Castex est né en 1873 à Herran, un petit village (76 habitants actuellement) situé non loin de la frontière espagnole dans la région Occitanie en Haute-Garonne. Un département voisin du Gers d’où vient l’actuel premier ministre Jean Castex. Ses parents sont agriculteurs.
Dans les archives, on note que Louis Castex s’est engagé volontairement au 5e régiment d’infanterie de la marine. Il se rengage le 22 mars 1895. Le 16 avril 1898, il devient caporal et sera libéré le 22 mars 1900.
On ne sait comment il est arrivé en Guyane mais probablement a-t-il été démobilisé sur place. En sa qualité d’ex-maître d’armes du 5e régiment d’infanterie de la marine et élève de l’école normale de Joinville-le-Pont, il enseigne durant 3 ans, l’escrime à Cayenne dans une salle située à la rue François Arago. L’ancien militaire se lie avec une Cayennaise, Françoise Guillaumot qu’il épouse le 17 avril 1901. Deux ans ans plus tard, Louis Castex se lance dans le transport fluvial.


Un homme d’affaire aux activités diversifiées

En 1903, le jeune homme crée sa première affaire commerciale. Une entreprise de passage par chaloupe à vapeur pour le transport des voyageurs et des marchandises entre Cayenne et la pointe Macouria. Ce qui n’existe plus actuellement. Et de là, l’ancien militaire va se construire un patrimoine et surtout ne cessera d’investir et d’entreprendre dans une Guyane du tout possible où il a choisi de vivre.
Le bois va particulièrement l’intéresser. Il met sur pied une scierie mécanique à vapeur en 1907 à Tonnégrande. 12 ans plus tard, il a monté 3 usines pour la distillation du bois de rose. Un commerce florissant pour l’époque, la Guyane est un haut lieu d’extraction d’essence de bois de rose qui sert beaucoup en parfumerie.
 

« Il est un grand industriel du bois de rose avec Galmot dont il est proche. Il aura aussi une usine à tafia sur Macouria, qu’il revendra par la suite à Renotte Robo et à André Grenier, son neveu. Il a possédé une scierie mécanique à vapeur à Tonnégrande et après à Pointe Liberté à Macouria en 1911… comme le dit une publicité : la plus importante de la colonie… »

Kristen Sarge, directeur Musées et Patrimoine


Une maison de commerce au 11 rue Chaussée-Sartines

Notre homme ne s’arrête pas là, très entreprenant, il diversifie ses affaires. Dès son arrivée en Guyane en même temps qu’il ouvre sa salle d’escrime, il tient aussi un petit magasin et se trouve être le dépositaire de la marque Singer, les machines à coudre.

« …Chaque négociant de Cayenne avait son carnet d’adresses et son carnet de revente avec des contrats avec des entreprises. C’étaient des distributeurs privilégiés… Dans les années 1910-1920, Louis Castex est concessionnaire de nombreux permis d’exploitation de bois de rose, de bois, il a aussi quelques permis miniers… Il fait partie des rares à avoir déposé une marque en Guyane à son nom au registre du commerce à Cayenne, attaché à l’établissement Castex avec un dessin d’oiseau décliné sur ses courriers avec en tête… »

Kristen Sarge, directeur Musées et Patrimoine

 

En 1923 il crée une fabrique de glace alimentaire et un atelier de mécanique générale, postes de soudure autogène et électrique qui sera installé au 11 rue de la Chaussée-Sartines juste à côté de la maison Tanon, avec un retour en équerre sur l'actuelle rue du Docteur Sainte-Rose. Une belle maison très connue, toujours surmonté d’un fronton au nom de Castex, transformée depuis et devenue l’hôtel Ker Alberte.


Du commerce au poste de conseiller suppléant du gouverneur

Son ascension dans les affaires amène Louis Castex à mettre sur pied deux autres distilleries de bois de rose en 1927 à Régina et à Iracoubo. Sur 3 décennies, l’ancien militaire a prospéré dans la lointaine colonie de Guyane.
En 2003, l'ancien garage Castex, puis Grenier vend encore des motocyclesà la rue Monnerville

« En 1936, il crée avec André Grenier, la société L.Castex et A. Grenier. Il prend sa retraite et c’est le passage de flambeau à son neveu. Il s’agit d’une SARL pour l’exploitation d’un garage, l’achat et la vente de voitures. Louis Castex est un des pionniers du commerce automobile en Guyane. La société vend aussi des matériels industriels, des appareils photographiques… Pour toutes ses activités, il aura en 1931, la légion d’honneur… »

Kristen Sarge, directeur Musées et Patrimoine


Louis Castex a terminé sa vie comme conseiller privé suppléant du gouverneur de l’époque, Louis Joseph Bouge.
Cet ancien militaire devenu chef d’entreprise à succès a eu une vie bien remplie loin de sa terre natale de Haute-Garonne. Louis Castex est décédé en 1939, il n’avait que 66 ans. Le caveau familial se trouve au cimetière de l’avenue d’Estrée à Cayenne.

Sources : Les éléments documentaires de cet article relèvent de la documentation de l'Inventaire général du patrimoine culturel de la Collectivité Territoriales de Guyane.
Les extraits d'archives (manuscrits, presse) sont conservés par les Archives territoriales de Guyane.