"Cayenne-Moscou" c’est le dernier roman de Joël Roy paru aux éditions Idem. Un roman d’anticipation qui décrit la Guyane en 2030, sur fond d’amour, d’espionnage et de révolution. Un roman visionnaire, original dont l'action se situe entre Cayenne et Moscou.
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Imaginez la Guyane en 2030. Une Guyane florissante, la plus grande capitale d’Amérique du Sud. L’argent coule à flot grâce à l’exploitation de l’or et du pétrole. C’est le décor de la trame de Cayenne-Moscou, le roman d’anticipation de Joël Roy paru aux éditions Idem.
L’héroïne Charline Taram est activiste et écrivaine. Son père était un ingénieur russe en mission en Guyane suite à la construction de la base de lancement Soyouz entre Kourou et Sinnamary. De retour à Moscou, ce père absent est emprisonné et décède. Charline doit se rendre en Russie assister à l’enterrement.
Ce long périple ravive sa mémoire. Elle revient ainsi sur son passé, et en corollaire sur les événements économiques, sociologiques qui ont façonné la Guyane de 2030 : un voyage initiatique et une rencontre déterminante celle de l’amour et de ses origines.
C’est un vrai coup de cœur, un excellent roman d’anticipation car tout à fait plausible et d’actualité. L’auteur raconte les vaines luttes des écologistes contre l’exploitation pétrolière et le projet Montagne d’or. La Guyane est florissante mais cette manne financière a renforcé les inégalités entre les classes sociales.
La vision et l’analyse des problématiques Guyanaises de l’auteur sont assez crédibles. L'exploitation massive des richesses naturelles, l'interculturalité, l'environnement...des thèmes qui font résonance en Guyane aujourd'hui.
Le roman met en scène les conséquences en 2030 de la marche du 28 mars et des événements de mars-avril 2017. L'origine : la crise sociale qui va tout changer grâce à un plan d'Urgence accélérant le développement Guyanais. En bien, en mal ? L'auteur choisit l'un des extrêmes.
C’est là, tout le talent de Joël Roy qui écrit un roman contemporain, clair, accessible et visionnaire.
Retrouvez la version vidéo :
-Comment qualifier votre roman ? C’est un roman d’anticipation, une histoire d’amour, un thriller sur fond d’espionnage ?
JR : C'est un peu tout cela à la fois. Je qualifierai bien ce roman de politique-fiction doublé d'une histoire d'amour, celle-ci étant décrite pour introduire la thématique de l'interculturalité : même entre frères de couleur, les relations équilibrées ne sont pas aisées à mettre en place lorsqu'on est issu de cultures différentes.
-Vous décrivez une Guyane dans 30 ans tout à fait crédible, c’est votre vision de la Guyane de demain ?
JR : Absolument pas, en tout cas ce n'est pas là la Guyane que je souhaite voir un jour. Si elle est crédible, c'est que j'ai réussi mon job. Je plaisante, évidemment.
Cette Guyane-là, celle que je décris, est une Guyane devenue lisse, policée, avec des peuples qui se sont soit auto-exclus, comme les Wayanas de mon roman, soit qui ont été invisibilisés (les migrants haïtiens que je décris). Les autres se sont "assimilés" à une société devenue non-clivante, mais aculturante. Un "meilleur des mondes", comme si Aldous Huxley vivait de nos jours en Guyane...
-C’est un roman à clé également, quel est le message que vous voulez faire passer ?
JR : Il est contenu en partie dans ma réponse précédente : je décris une Guyane où les communautés (ce n'est pas un gros mot !) voient leurs identités gommées. Que se passe-t-il lorsqu'on se ressent privé de ce qui nous construit ou méprisé pour cela ? Si l'on ne s'adonne pas à un travail de mémoire (laissons de côté le "devoir" de mémoire qui ne débouche pas obligatoirement sur de l'élucidation) l'Histoire (H majuscule) devient un cercle vicieux et l'on retourne immanquablement au repli communautaire. Dans mon roman, la Guyane mondialisée devient l'alliée des États prédateurs broyeurs et la complice d'un mode de pensée occidental uniforme.
-La population Guyanaise n’a pas profité de la manne financière générée par l’exploitation des richesses naturelles de la Guyane c’est assez pessimiste ? Vous pensez que les Guyanais ne sont pas en mesure de prendre leur destin en main ?
JR : Au contraire, je pense que les Guyanais sont tout à fait capables de prendre leur destin en mains. Deux conditions sont préalablement à remplir pour cela :
1. les différentes communautés qui peuplent la Guyane doivent auparavant "faire peuple", c'est à dire considérer que, sur un territoire si vaste, chacun(e) a sa place et que nul(le) n'est plus légitime qu'un(e) autre. Chaque groupe de population, chaque famille guyanaise est le fruit d'une violence ou d'un arrachement : les Autochtones se sont vus dépossédés de leurs terres ancestrales et décimés par les maladies importées par les Blancs. Les Créoles ont été arrachés à la terre d'Afrique dans les conditions que l'on sait, de même que les Businenge. Les "Coolies" ont été trompés, après la seconde abolition, par l'espérance vaine d'un travail qui leur permettrait de nourrir leur famille et transportés en Guyane avec des contrats trompeurs, les Hmongs sont eux aussi la résultante d'un arrachement... Je continue avec l'immigration économique : les Haïtiens ? les Brésiliens, Péruviens, etc. ? Tous pourraient être des leviers de développement pour notre pays. Pour cela j'en arrive à mon 2...
2. Entre soumission au pouvoir métropolitain et monarchisation des pouvoirs locaux, la gestion des fonctions régaliennes en Guyane a largement démontré son inadaption en bloquant tout projet autre qu'allogène ou étranger. Responsabilité des élus ? besoin urgent d'une évolution statutaire ? Sans doute un peu des deux.
C'est là, selon moi, que se trouve le nœud qui empêche une véritable prise en charge de leur destin par les Guyanais eux-mêmes.
-Vous décrivez la marche du 28 mars, pourquoi l’avoir évoqué dans ce roman ?
JR : Je l'ai évoquée parce qu'elle vient en appui de ce que j'écris plus haut. Ce moment a été grandiose, bien sûr à cause de son ampleur, mais pas seulement. Cette journée fut un sommet parce que toutes les populations de Guyane ont fait peuple à ce moment.
Ce jour-là et les suivants, les pouvoirs ont tremblé, les pouvoirs locaux comme le pouvoir hexagonal centralisé.
Ce jour-là et les suivants, le peuple était fort mais n'a peut-être pas réalisé à quel point il l'était. C'est peut-être ce qui l'a empêché de vaincre.
-L’épilogue laisse penser qu’il y aura une suite, vous préparez la suite ?
JR : Oui et non. Je ne prévois pas pour l'instant de suite à ce roman, ce qui ne signifie pas que je suis fermé à cette idée. D'une part, j'aime les "fins ouvertes", d'autre part, la cohérence de mon œuvre compte plus pour moi que l'histoire de deux personnages, aussi remarquable soit-elle. Ce qui m'intéresse, c'est de découvrir et partager avec les lecteurs les aspects divers, parfois cachés, mais toujours protéiformes de ce pays si envoûtant, si riche, mais dont la plus grande richesse, même si elle reste à potentialiser, est sa diversité culturelle.
Une intrigue bien ficelée
L’héroïne Charline Taram est activiste et écrivaine. Son père était un ingénieur russe en mission en Guyane suite à la construction de la base de lancement Soyouz entre Kourou et Sinnamary. De retour à Moscou, ce père absent est emprisonné et décède. Charline doit se rendre en Russie assister à l’enterrement.Ce long périple ravive sa mémoire. Elle revient ainsi sur son passé, et en corollaire sur les événements économiques, sociologiques qui ont façonné la Guyane de 2030 : un voyage initiatique et une rencontre déterminante celle de l’amour et de ses origines.
Une vision plausible
C’est un vrai coup de cœur, un excellent roman d’anticipation car tout à fait plausible et d’actualité. L’auteur raconte les vaines luttes des écologistes contre l’exploitation pétrolière et le projet Montagne d’or. La Guyane est florissante mais cette manne financière a renforcé les inégalités entre les classes sociales.La vision et l’analyse des problématiques Guyanaises de l’auteur sont assez crédibles. L'exploitation massive des richesses naturelles, l'interculturalité, l'environnement...des thèmes qui font résonance en Guyane aujourd'hui.
Les conséquences des événements
de mars-avril 2017 en 2030
Le roman met en scène les conséquences en 2030 de la marche du 28 mars et des événements de mars-avril 2017. L'origine : la crise sociale qui va tout changer grâce à un plan d'Urgence accélérant le développement Guyanais. En bien, en mal ? L'auteur choisit l'un des extrêmes.C’est là, tout le talent de Joël Roy qui écrit un roman contemporain, clair, accessible et visionnaire.
Retrouvez la version vidéo :
Joël Roy : un auteur engagé
Joël Roy est romancier, essayiste et auteur d'albums de jeunesse. Il s'intéresse en particulier à la culture des Noirs-marrons. Il partage sa vie entre l'hexagone et la Guyane.-Comment qualifier votre roman ? C’est un roman d’anticipation, une histoire d’amour, un thriller sur fond d’espionnage ?
JR : C'est un peu tout cela à la fois. Je qualifierai bien ce roman de politique-fiction doublé d'une histoire d'amour, celle-ci étant décrite pour introduire la thématique de l'interculturalité : même entre frères de couleur, les relations équilibrées ne sont pas aisées à mettre en place lorsqu'on est issu de cultures différentes.
-Vous décrivez une Guyane dans 30 ans tout à fait crédible, c’est votre vision de la Guyane de demain ?
JR : Absolument pas, en tout cas ce n'est pas là la Guyane que je souhaite voir un jour. Si elle est crédible, c'est que j'ai réussi mon job. Je plaisante, évidemment.
Cette Guyane-là, celle que je décris, est une Guyane devenue lisse, policée, avec des peuples qui se sont soit auto-exclus, comme les Wayanas de mon roman, soit qui ont été invisibilisés (les migrants haïtiens que je décris). Les autres se sont "assimilés" à une société devenue non-clivante, mais aculturante. Un "meilleur des mondes", comme si Aldous Huxley vivait de nos jours en Guyane...
-C’est un roman à clé également, quel est le message que vous voulez faire passer ?
JR : Il est contenu en partie dans ma réponse précédente : je décris une Guyane où les communautés (ce n'est pas un gros mot !) voient leurs identités gommées. Que se passe-t-il lorsqu'on se ressent privé de ce qui nous construit ou méprisé pour cela ? Si l'on ne s'adonne pas à un travail de mémoire (laissons de côté le "devoir" de mémoire qui ne débouche pas obligatoirement sur de l'élucidation) l'Histoire (H majuscule) devient un cercle vicieux et l'on retourne immanquablement au repli communautaire. Dans mon roman, la Guyane mondialisée devient l'alliée des États prédateurs broyeurs et la complice d'un mode de pensée occidental uniforme.
-La population Guyanaise n’a pas profité de la manne financière générée par l’exploitation des richesses naturelles de la Guyane c’est assez pessimiste ? Vous pensez que les Guyanais ne sont pas en mesure de prendre leur destin en main ?
JR : Au contraire, je pense que les Guyanais sont tout à fait capables de prendre leur destin en mains. Deux conditions sont préalablement à remplir pour cela :
1. les différentes communautés qui peuplent la Guyane doivent auparavant "faire peuple", c'est à dire considérer que, sur un territoire si vaste, chacun(e) a sa place et que nul(le) n'est plus légitime qu'un(e) autre. Chaque groupe de population, chaque famille guyanaise est le fruit d'une violence ou d'un arrachement : les Autochtones se sont vus dépossédés de leurs terres ancestrales et décimés par les maladies importées par les Blancs. Les Créoles ont été arrachés à la terre d'Afrique dans les conditions que l'on sait, de même que les Businenge. Les "Coolies" ont été trompés, après la seconde abolition, par l'espérance vaine d'un travail qui leur permettrait de nourrir leur famille et transportés en Guyane avec des contrats trompeurs, les Hmongs sont eux aussi la résultante d'un arrachement... Je continue avec l'immigration économique : les Haïtiens ? les Brésiliens, Péruviens, etc. ? Tous pourraient être des leviers de développement pour notre pays. Pour cela j'en arrive à mon 2...
2. Entre soumission au pouvoir métropolitain et monarchisation des pouvoirs locaux, la gestion des fonctions régaliennes en Guyane a largement démontré son inadaption en bloquant tout projet autre qu'allogène ou étranger. Responsabilité des élus ? besoin urgent d'une évolution statutaire ? Sans doute un peu des deux.
C'est là, selon moi, que se trouve le nœud qui empêche une véritable prise en charge de leur destin par les Guyanais eux-mêmes.
-Vous décrivez la marche du 28 mars, pourquoi l’avoir évoqué dans ce roman ?
JR : Je l'ai évoquée parce qu'elle vient en appui de ce que j'écris plus haut. Ce moment a été grandiose, bien sûr à cause de son ampleur, mais pas seulement. Cette journée fut un sommet parce que toutes les populations de Guyane ont fait peuple à ce moment.
Ce jour-là et les suivants, les pouvoirs ont tremblé, les pouvoirs locaux comme le pouvoir hexagonal centralisé.
Ce jour-là et les suivants, le peuple était fort mais n'a peut-être pas réalisé à quel point il l'était. C'est peut-être ce qui l'a empêché de vaincre.
-L’épilogue laisse penser qu’il y aura une suite, vous préparez la suite ?
JR : Oui et non. Je ne prévois pas pour l'instant de suite à ce roman, ce qui ne signifie pas que je suis fermé à cette idée. D'une part, j'aime les "fins ouvertes", d'autre part, la cohérence de mon œuvre compte plus pour moi que l'histoire de deux personnages, aussi remarquable soit-elle. Ce qui m'intéresse, c'est de découvrir et partager avec les lecteurs les aspects divers, parfois cachés, mais toujours protéiformes de ce pays si envoûtant, si riche, mais dont la plus grande richesse, même si elle reste à potentialiser, est sa diversité culturelle.