Poétesse, écrivaine, comédienne l'artiste Guyanaise Emmelyne Octavie propose tous les soirs aux amis de sa page Facebook, un billet d'humeur posté à 20h sur le confinement imposé à tous depuis une semaine pour lutter contre la pandémie du coronavirus. Découvrons ensemble ce qu'elle leur écrit.
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D’ordinaire, je ne dis rien, absolument rien, à propos de vos gueules.
Je vous vois vous regarder, vous et vos yeux bouffis du matin. Je supporte vos brossages de dents, vos éclatement de boutons, vos pinces à épiler dans vos nez, vos rasages, vos doubles mentons, vos pores dilatés, vos cils trop longs. J
Je vous vois dans votre quotidien, pressés, laissant de la poudre ou des gouttes d’eau tomber sur moi et me rendre sale. Je ne dis mot. Je continue à être un reflet pour vous-mêmes.
Je vous ai regardés vous prendre en photo. Je vous ai écoutés même quand ça n’était pas intéressant ou que vous confondiez cris et chants. J’ai fait mon boulot de glace. J’ai continué à être un reflet pour vous-mêmes. Je vous ai apporté la confiance, tout degré de beauté confondu.
Mais depuis le 16 mars 2020 16h, je ne supporte plus vos gueules.
Vous restez plantés devant moi toute la journée. Pas un mètre ne nous sépare. Maintenant je vous vois vous contempler toute la journée en moi. Vous vous caressez le visage. Vous souriez. Vous comptez vos dents. Recomposez votre peau. Vous prenez du temps devant moi, à vous brûler à la cire, à inventer des coiffures que personne ne verra puisqu’il faut rester chez soi. Et dans tout ce merdier, pas une seule mesure pour confiner les miroirs et nous protéger de vous.
- Bordel ! On a dit un mètre !
Après le tour répété de la mère qui n’a pas arrêté de palper son ventre en me confiant se trouver grosse et en me posant toutes sortes de questions comme si j’étais son coach en développement, vient celui de l’enfant qui se donne en représentation devant moi. Elle s’applaudit toute seule. Elle a cru que j’étais son théâtre et revient faire son cinéma devant moi tous les jours à la même heure comme un quart d’heure de récréation.
Le soir, c’est au tour des testostérones de venir jouer au mâle hein. Il se regarde dans son caleçon du matin de face puis de profil. Il embrasse une figure virtuelle. Il fait des clins d’œil. Se caresse le torse, se balance une crasse d’eau sous les bras, puis s’éloigne de ma vue dans son même caleçon.
Les trois auront frotté leurs mains sur moi pour essuyer tout ce qu’on postillonne dans une vie, en seulement trois jours.
Je ne pense pas pouvoir tenir le coup. À défaut de me briser, je fermerai les yeux fort. Regardez-vous dans le noir maintenant.
✒Emmelyne OCTAVIE, "Confinées dans la tête de..."
Je vous vois vous regarder, vous et vos yeux bouffis du matin. Je supporte vos brossages de dents, vos éclatement de boutons, vos pinces à épiler dans vos nez, vos rasages, vos doubles mentons, vos pores dilatés, vos cils trop longs. J
Je vous vois dans votre quotidien, pressés, laissant de la poudre ou des gouttes d’eau tomber sur moi et me rendre sale. Je ne dis mot. Je continue à être un reflet pour vous-mêmes.
Je vous ai regardés vous prendre en photo. Je vous ai écoutés même quand ça n’était pas intéressant ou que vous confondiez cris et chants. J’ai fait mon boulot de glace. J’ai continué à être un reflet pour vous-mêmes. Je vous ai apporté la confiance, tout degré de beauté confondu.
Mais depuis le 16 mars 2020 16h, je ne supporte plus vos gueules.
Vous restez plantés devant moi toute la journée. Pas un mètre ne nous sépare. Maintenant je vous vois vous contempler toute la journée en moi. Vous vous caressez le visage. Vous souriez. Vous comptez vos dents. Recomposez votre peau. Vous prenez du temps devant moi, à vous brûler à la cire, à inventer des coiffures que personne ne verra puisqu’il faut rester chez soi. Et dans tout ce merdier, pas une seule mesure pour confiner les miroirs et nous protéger de vous.
- Bordel ! On a dit un mètre !
Après le tour répété de la mère qui n’a pas arrêté de palper son ventre en me confiant se trouver grosse et en me posant toutes sortes de questions comme si j’étais son coach en développement, vient celui de l’enfant qui se donne en représentation devant moi. Elle s’applaudit toute seule. Elle a cru que j’étais son théâtre et revient faire son cinéma devant moi tous les jours à la même heure comme un quart d’heure de récréation.
Le soir, c’est au tour des testostérones de venir jouer au mâle hein. Il se regarde dans son caleçon du matin de face puis de profil. Il embrasse une figure virtuelle. Il fait des clins d’œil. Se caresse le torse, se balance une crasse d’eau sous les bras, puis s’éloigne de ma vue dans son même caleçon.
Les trois auront frotté leurs mains sur moi pour essuyer tout ce qu’on postillonne dans une vie, en seulement trois jours.
Je ne pense pas pouvoir tenir le coup. À défaut de me briser, je fermerai les yeux fort. Regardez-vous dans le noir maintenant.
✒Emmelyne OCTAVIE, "Confinées dans la tête de..."