L’aventure musicale de Cannelle a démarré en 1987, au hasard d’une rencontre à Cayenne.
« J’ai commencé à chanter en public à l’âge de 34 ans en 1987 quand je suis revenue en Guyane. Je passais dans la rue Mme Payé et j’ai rencontré Raymond Servius Armois qui était batteur. En discutant, il me dit mais tu chantes toi, il faudrait que tu viennes aux répétitions avec nous et c’est comme cela que j’ai commencé à chanter les standards de Jazz. Il y avait donc Raymond Servius Armois, Armand Amusant, le bassiste et Jean-Jacques Kaplan, le pianiste. Nous avons écumé tous les bars, notre quartier général c’était la boîte « Le Métro » où il y avait un super piano. »
Le jazz est arrivé tôt dans la vie de Mademoiselle Perval :
« Mon père, Jean Perval, écoutait beaucoup de jazz et de la musique latine sans arrêt à la maison. Cela m’a formaté. Quand j’ai commencé à chanter avec le groupe, j’avais déjà entendu tous les standards de jazz. Je ne connaissais pas la musique mais je savais quand entrer ou sortir dans un morceau. Je n’ai eu aucune formation musicale mais j’ai voulu prendre des cours de chant pour entretenir et travailler ma voix. Je l'ai fait avec Marguerite Berger, une chanteuse lyrique formidable. Adulte, j’ai continué à écouter du jazz car c’est vraiment mon univers. C’est une respiration, une liberté, cela me parle, je suis sans arrêt dedans. »
L’artiste a continué de nourrir son appétit pour le jazz grâce à une énorme collection de disques récupérée chez un pêcheur décédé de Cayenne :
« Une amie est arrivée, un jour, avec des disques d’Ella Fitzgerald, Marion Williams et plein d'autres. Je les écoutais en boucle et cela m’a encore plus plongée dans le jazz. Sarah Vaughan m’a aussi beaucoup inspirée, pour moi c’est la Divine. Billie Holliday m’intriguait, elle ne scate pas, elle improvise sans arrêt, c’est extraordinaire. »
Parmi les chanteuses contemporaines, Cannelle apprécie beaucoup Dee Dee Bridgwater ainsi qu’Abbey Lincoln. « Le jazz est un style musical qui offre une palette d’horizons, de possibilités de voyages » s’exclame-t-elle.
« Kouté mo », l’album d’une vie
Pour sa prestation en ouverture du festival de jazz de Cayenne, Kanel chantera les huit titres de son album avec, pour l’accompagner, une grande formation de 10 musiciens (piano, basse, guitare, percussions, tambour, batterie, bugle, saxophone, deux choristes).
Un premier album qui a mis du temps à naître. Cannelle en a écrit les textes, composé les musiques sauf pour deux chansons. Les paroles de « Si to vayan » ont été écrites par Christiane Taubira et Jean-Louis Danancier a composé la musique de « Kouté mo » le titre phare de cet album arrangé par Eric Bonheur.
Cannelle se définit comme une chanteuse d’Amazonie au parcours atypique :
« Quelqu’un qui veut faire carrière est obligé de se produire, parfois même de saturer en étant partout. J’ai toujours fait les choses comme je le voulais quand j’étais en mesure de chanter, quand j’en avais envie. J’ai fait cet album quand cela a été le moment. La plupart des morceaux sont écrits depuis longtemps. C’est l’album d’une vie et il parle de la vie, des expériences que nous connaissons tous, une rupture sentimentale, un besoin d’évasion. Chaque chanson est un morceau de vie. »
Des morceaux de vie, écrits en créole, sublimés par la voix cassée, tendre et envoûtante de la talentueuse interprète. Avec cet album, s'écoute un jazz à la fois âpre et sensuel, l'univers de Cannelle.
Cannelle aime les gens et apprécie la nature mais la musique l’a toujours fait avancer et garder espoir : « C’est comme être dans un puits et regarder une petite lumière là-haut qui t’indique qu’il y a une sortie. Après des années de tergiversations, un matin j’ai compris que je voulais faire l’album que l’on me réclamait depuis des années et j’ai appelé Eric Bonheur. »
Pendant deux mois, à la maison sur sa terrasse, Cannelle chante les mélodies et Eric Bonheur les écrit au fur et à mesure. Deux mois après, ils étaient en studio pour enregistrer.
« Cet album arrive à point nommé dit-elle en souriant, ma philosophie de la vie, c’est de ne rien forcer. »