Cinéma. Zion : le long-métrage antillais vu par les spectateurs de Guyane

"Zion", plongée dans les rues brûlantes de Pointe-à-Pitre
À l’affiche depuis vendredi au cinéma Agora, le film Zion offre une vision moins romancée de la réalité antillaise en dévoilant une autre facette de la Guadeloupe, derrière l’image de carte postale. Nous avons recueilli l’avis des premiers spectateurs guyanais à l'avoir vu en salles.

Sur les réseaux sociaux, l’équipe du film Zion a exprimé ses regrets de ne pas être présente pour une avant-première en Guyane. Aux Antilles, en revanche, les premières séances ont vite affiché complet. Il faut dire que pour l’occasion, Jamel Debbouze y a pris part. L’humoriste, invité de marque, a apporté son soutien depuis sa découverte de Timoun aw, le court-métrage, maintes fois primé, de Nelson Foix. C’est à partir de lui que le réalisateur guadeloupéen a imaginé et donné vie au long-métrage Zion.


Dès ce vendredi 14 mars, chez nous, des spectateurs se sont déplacés pour découvrir le film sur grand écran.

"Zion" de Nelson Foix

La critique de Cinégridine

Spécialisée dans le septième art, Ingrid, anime la page Cinegridine sur Instagram. La Guyanaise a fait partie des premiers à découvrir Zion. « Chris partage son temps entre les petits deals, les rodéos à moto et les conquêtes sans lendemain, résume-t-elle. Au moment où le caïd du quartier lui confie une mission d'envergure, un paquet inattendu est déposé sur le pas de sa porte. Ce qu'il contient n'a pas plus d'un an, gazouille, réclame un biberon...et un papa. Face à cette nouvelle responsabilité, le jeune homme a désormais peu de temps pour s'extirper d'un enchevêtrement de problèmes et réaliser les meilleurs choix. »

 

Voir cette publication sur Instagram

Une publication partagée par Gri Dine (@cinegridine)

Après 3 hommes et un couffin, voici un jeune homme et un cabas

Ingrid, critique cinématographie guyanaise

 

La cinéphile est visiblement conquise. « Ce drame pointois révèle un "high concept" finement mené. Grâce à cette accroche originale qui tient toutes ses promesses, le réalisateur nous livre une œuvre intense organisée en superposition de couches narratives aussi captivantes les unes que les autres. »

"Zion" : Chris (interprété par Sloan Descombes)

Du Zion de Bob Marley au Bendo de Kalash

Le titre du film nous remet forcément en tête la voix de Bob Marley chantant Zion, la terre promise, dans son titre Iron Lion Zion. La même réalité arrive aux oreilles dans le film, mais par la voix de Kalash et son Bendo.

Les premières scènes, se déroulent et le ton est donné : quand la Guadeloupe est évoquée comme un « paradis sur Terre », c’est sur une affiche, vite piétinée sur un sol boueux. Les plans impeccables sont servis par un casting réussi. Pour Ingrid, en se basant sur « une violence endémique liée à la drogue, Zion est une chronique sociale qui pointe les grandes problématiques sociétales de la Guadeloupe. »

"Zion" : Chris et Odell face à face

Nathalie : « Une très belle surprise »

 

C’est cette description de la réalité qui a également séduit Nathalie, trentenaire et mère de deux jeunes enfants. « J’ai eu une très belle surprise en découvrant ce film. Il retrace une réalité qui m’a beaucoup parlé et touché en tant que Guyanaise. Il évoque beaucoup de questions sociétales qui scindent la Guadeloupe en ce moment et auxquelles on ne peut pas rester insensible. C’est fait de façon subtile. »

Luca: « Un film de qualité »

 

Luca, 40 ans, père également, ne tarit pas lui non plus d’éloges. Il envisage d’ailleurs de retourner le voir avec des amis. « Je ne m’attendais pas à voir film de cette qualité. » Ce qui l’a marqué, c’est la « représentation de la figure masculine. Je fais un parallèle entre ce bébé, enfermé dans un cabas et le personnage principal enfermé dans sa cité, enfermé dans un conflit sociétal, enfermé dans son conflit avec son propre père. » Pour le spectateur, dans le film, l’homme est enfermé dans un carcan et navigue avec pénibilité « entre le voyou et le gentil entre l’enfant et l’homme. Il est presque voué à un sort  qu’il ne maîtrise pas. »

Cela fait écho à ce qu’on vit aux Antillles-Guyane

Luca

"Zion" : Chris et son père Joe

Pour le quadragénaire, impossible de ne pas faire le parallèle avec une certaine vision de la masculinité chez nous. « Cela fait écho à ce qu’on vit aux Antillles-Guyane. Il faut être un homme dur et effacer le cœur en public, mais être capable, en off, de douceur avec son enfant. » Des injonctions qui renvoient fatalement à sa propre paternité. « On voit à quel point c’est important d’être présent pour son fils ».

Fanny:  « des conséquences de la violence sur plusieurs générations »

Fanny, elle, a apprécié cette « retranscription fidèle  de la réalité des îles ». La spectatrice partage la vision du réalisateur qui, pour elle, « dénonce cette violence et ses conséquences dont les premières victimes sont les enfants. On voit l'impact que cela peut avoir sur trois générations.»

Sloan Descombes est Chris Dans "Zion"

Jean-Maurice, passionné de cinéma, est également l’un des premiers à avoir visionné Zion. « Quel avenir pour nos sociétés malades ? C’est la question que Nelson Foix nous pose. Le film peut paraître sombre, enfermé dans cette violence des rapports humains chez nous aujourd'hui avec ces personnages très forts, durs… Et puis il y a le bébé ! Comme dans le court-métrage, il donne cette originalité au film, ce moment de tendresse, de joie, de sensibilité… Cet enfant sauvé des eaux, c’est l'avenir ! » Le quinquagénaire a apprécié ce film qui « tord le cou aux clichés » sur les Antilles avec « la mer bleue et la belle vie, avec cette atmosphère mystérieuse magique merveilleuse. »

C'est un film qui aurait pu être fait en Guyane…

Jean-Maurice

« Il me rappelle Nèg Maron de Claude Flamant-Barny et le dernier film haïtien Kidnapping Inc de Bruno Moural, poursuit Jean-Maurice. Ce sont des films très réalistes sur notre univers sociétal, notre jeunesse, notre état. Il aurait pu être réalisé à Cayenne car nous sommes dans les mêmes tourments : drogue, violence, identité, rapport à la France, relation entre générations.  Zion, nous plonge dans l'état de maladie profonde de nos sociétés dites ultramarines. »

"Zion" : l'inquiétant Ti Dog, chef de gang

Ingrid, du compte Cingridine termine sa critique en saluant un « drame intimiste sur la rédemption, la paternité et la foi profonde en la jeunesse, base d'un renouveau pour de meilleurs lendemains. Le film jalonné de symboliques, mélange intelligemment les moments d'âpreté et de douceur et nous tient en haleine jusqu'à ce dénouement particulièrement émouvant. »