Climat : le phénomène El niño s'installe progressivement en Guyane

Le lever du soleil sur la plage de Montjoly
Parmi les sujets qui sont régulièrement abordés dans le quotidien figure la météo. Va-t-il pleuvoir, fera-t-il chaud ou très chaud autant d’interrogations qui peuvent sembler anodines mais qui correspondent à l’actualité prégnante axée sur le changement climatique. Nous avons interrogé, le directeur adjoint de Météo-France Guyane, Patrick Ranson.
  • Chaque jour la presse nationale et internationale se fait l’écho de prévisions météo alarmantes, notamment en annonçant des vagues de chaleur caniculaires corrélées avec le phénomène El Niño. Qu’en est-il pour la Guyane ?

Ces vagues de chaleur que l’on observe actuellement dans le sud de l’Europe (notamment en Italie et en  Espagne mais aussi dans le sud de la France) et aux États-Unis sont généralement dues à des phénomènes de dôme de chaleur.

 Les dômes de chaleurs se forment quand un anticyclone d’altitude surmonte une zone peu ventilée. Il n’y a pas de renouvellement d’air et la chaleur s’accumule et s’amplifie de jour en jour sous ses dômes de chaleur.

La Guyane n’est pas concernée par ces phénomènes. Les alizés apportent un renouvellement régulier de l’air, notamment sur le littoral avec en plus l’effet bienfaisant de la brise de mer qui limite la hausse des températures les après-midi de saison sèche. Cela n’empêche pas d’observer des températures parfois élevées les après-midi. Au cours de ce mois de juillet, les communes de l’intérieur ont connu des journées chaudes avec à plusieurs reprises des températures maximales relevées supérieures à 35 degrés à Camopi, Grand-Santi, Cacao et Apatou. Le littoral n’a, en revanche, guère dépassé les  32 degrés au cours de ce mois de juillet. Cette différence de température entre le littoral et les communes de l’intérieur s’explique par la faiblesse du vent les après-midi dans la Guyane de l’intérieur En effet, les alizés perdent de leur vigueur en soufflant sur la forêt et finissent par devenir extrêmement faibles.

  •   A quoi faut-il s’attendre pour la saison sèche à venir dans un contexte El Niño?

 Le phénomène El Niño se met en place progressivement. Il est traditionnellement associé à une saison sèche moins arrosée que la normale et aussi un peu plus chaude. Après des années  2021 et 2022 marquées entre autre par des saisons sèches très atténuées, la Guyane devrait cette année renouer avec une vraie saison sèche. La chaleur sera aussi probablement au rendez-vous les après-midi. Les prévisions saisonnières de Météo-France et des autres grands centres climatiques mondiaux s’accordent sur une saison sèche déficitaire en pluie sur la Guyane et plus globalement le nord de l’Amazonie et le plateau des Guyanes. A ce propos, il faudra surveiller si le phénomène el Niño s’intensifie, les prévisions saisonnières publiées sur notre site chaque mois permettront d’en savoir plus sur l’intensification éventuelle d’El Niño. Les derniers El Niño forts de 1997/1998 et 2015/2016 avaient été associés à des saisons sèches très sévères notamment sur littoral guyanais.

 Ci-dessous les prévisions d’écarts  à la normale des précipitations prévues pour le mois de septembre en Amérique du sud (prévisions de Météo-France dans le cadre du programme européen de surveillance de la Terre Copernicus). Les couleurs vertes correspondent  à  une pluviométrie prévue plus importante que la normale et les couleurs marron sont associées à un déficit pluviométrique prévu.

Prévisions de Météo-France dans le cadre du programme européen de surveillance de la Terre Copernicus

  • Quels sont les 2 extrêmes de températures que l’on peut connaître en Guyane ?

La température la plus fraîche en Guyane a été observée à Saül en 1975 avec 15,5°C et la température la plus élevées a été observée à Camopi en 2022 avec 38,5°C.

A ce propos, nous allons fêter un curieux anniversaire le 15 octobre puisque ces températures records se sont produites toutes les deux un 15 octobre : 15 octobre 1975 pour le record de fraîcheur à Saül (record déjà atteint en 1963 et 1964) et 15 octobre 2022 (déjà atteint une fois en 2018). La mise en parallèle de l’ancienneté du record de froid en Guyane (1975)  avec le caractère récent du record de chaleur (2022) est une illustration du réchauffement climatique qui n’épargne pas la Guyane.
Il est peu probable que le record de froid de Saül puisse être battu un jour alors que le record de chaleur de Camopi sera probablement de nouveau égalé, voire dépassé au cours de cette décennie.