Vendredi 26 avril dans le quartier de Saint-Agathe à Macouria, une cinquantaine de personnes, des femmes en majorité, sont réunies pour un hommage à Yasmine Boutin et ses deux enfants Nino et Lorenzo morts tragiquement le 17 avril au sein même de cette cité.
Les résidents ont édifié un petit autel devant le local à poubelles où les corps des malheureux défunts ont été trouvés. Un drap blanc, des fleurs, des bougies et un lâcher de ballons blancs. Il est 18h30, une prière, quelques mots de réconfort sont prononcés. Les personnes se regardent et osent enfin se parler.
La sidération habite les uns et les autres. Yasmine Boutin était une femme discrète qui s’occupait avec tendresse de ses deux garçons.
Un voisin garde le souvenir de cette jeune femme emmenant chaque matin son enfant à l’école sur sa trottinette. Il ajoute, les garçons étaient toujours bien propres et bien coiffés. Cette autre voisine raconte lui avoir acheté des pâtisseries qu’elle vendait dans le quartier. Selon une amie de la famille, Yasmine Boutin rêvait d’avoir un jour sa propre pâtisserie.
Ce moment de recueillement permet l’échange. Les langues se délient petit à petit. On se rend compte avec regret que cette voisine avenante qui jamais ne se plaignait, vivait sans aucun doute le douloureux calvaire d’une personne victime de violences conjugales depuis longtemps. Un cercle infernal dont Yasmine n’a jamais pu sortir, s’isolant socialement année après année dans sa relation toxique qui l’a menée irrémédiablement à la mort.
Ces meurtres particulièrement horribles ont choqué la Guyane.
Un féminicide et deux infanticides
Ce vendredi au funérarium où sont exposés les défunts, la maman de Yasmine toute de noir vêtue, entourée de ses quatre autres filles retient ses larmes et reste digne. Elle ne parle pas du calvaire qu’elle traverse à travers la vie brisée de sa fille.
Parmi les personnes présentes des anonymes choqués par ce drame sont venus saluer les parents telle cette résidente de Cayenne qui a décidé d’assister aux funérailles :
« Je ne la connaissais pas mais j’ai été touchée. Cela fait un féminicide et deux infanticides, c’est lourd. Il faut être fort pour supporter. Et ils ont besoin de force car c’est très douloureux ».
L’évêque de Guyane, Monseigneur Ransay qui a présidé la cérémonie religieuse a tenu aussi à apporter son soutien :
« […] Comme toute la Guyane j’ai été bouleversé et là en les voyant dans leurs cercueils blancs cela vous secoue, vous arrache le cœur. Je tenais à manifester à la maman ma solidarité fraternelle en cette circonstance. On a besoin de gens qui montrent de la compassion. Cela aide à traverser ces moments si douloureux et je continuerai cet après-midi en présidant les funérailles de sa fille et de ses petits-enfants. »
À l’église Saint-Antoine, une petite assemblée était présente auprès de Madame Boutin pour accompagner les trois défunts. Une quarantaine de personnes majoritairement des femmes a suivi cette cérémonie simple et émouvante. Parmi ces femmes une paroissienne qui, elle non plus, ne connaissait pas Yasmine Boutin et ses enfants mais avait tenu à être présente :
« La douleur d’une femme devrait être la douleur de toutes les femmes. Je suis venue avec le cœur serré. Je suis révoltée. Stop à la violence, stop à la haine… »