Le harcèlement en question
" Le harcèlement peut parfois se vivre dès la maternelle. Nous avions un cas, dans une école où un jeune enfant systématiquement mordait la même petite fille … Cette dernière n’était même pas dans sa classe. Ils ne se connaissaient pas et pourtant …dés qu’il la voyait, il se précipitait vers elle pour la mordre. Nous avons du contacter les parents."
raconte Véronique Baboul, référent harcèlement scolaire au Rectorat.
Le harcèlement scolaire, est défini par l’usage répété de violences physiques, mais aussi de moqueries et autres humiliations envers autrui. Il se caractérise par la soumission dans le temps d’un élève face à des comportements agressifs et humiliants. Il est l’un des facteurs de détérioration du climat scolaire. La Guyane n’échappe pas à ce fait de société. Cette situation a toujours existé mais aujourd’hui, elle est prise très au sérieux par le ministère de l’Education Nationale. Depuis 2013, et la loi de refondation de l’école, un plan national a été mis en place. Obligatoire pour toutes les académies, son objectif est de sensibiliser, prévenir, former et prendre en charge.
« Depuis deux ans, nous sommes formés à la prévention. Nous devons toucher le maximum d’élèves et d’adultes, car cela n’arrive pas qu’aux autres. Le harcèlement, c’est souvent le refus de la différence. Dans une affaire de harcèlement, il y a trois personnes : la victime, le harceleur et le témoin. Souvent, après enquête, on s’aperçoit que le harceleur a souvent lui-même été victime de harcèlement. Pour lui, face à une victime, il s’agit d’un comportement normal.»
explique Véronique Baboul.
Les signes
« Mon fils a été victime de harcèlement dans le même collège durant des années par les mêmes élèves. Ses résultats baissaient et il s’isolait. Mais je pensais que c’était une crise d’adolescence. Et puis, un jour il s’est confié à ma mère, sa grand-mère et là j’ai compris. J’ai contacté son établissement. La situation a empiré. Il ne voulait plus du tout y aller. Comme j’ai vu que rien n’évoluait, j’ai mené ma propre enquête pour découvrir les harceleurs et j’ai été les voir chacun individuellement, les menaçant de porter plainte et de prévenir leurs parents si cela continuait. L’école n’a pas du tout apprécié ! Mais en tout cas, ils ont arrêté de s’en prendre à mon fils. Je l’ai changé d’établissement par la suite»
témoigne Madame VAS .
Lorsque son enfant est victime de harcèlement, il est difficile de s’en apercevoir car le plus souvent l’enfant ou l’adolescent garde le silence. Au fur et à mesure que la situation s’aggrave, des signes peuvent apparaître : l’isolement, le changement des notes, des maladies chroniques, un désintérêt soudain pour les études. Souvent, la victime ne se confie pas à ses parents, mais à des personnes extérieures, leur demandant de garder le silence par crainte de représailles. Selon les psychologues scolaires, les victimes estiment être fautives, et ont souvent honte d’avouer leur calvaire à leurs parents. Les conséquences du harcèlement sont graves à plus ou moins long terme : la perte de confiance, les troubles psychologiques, la dépression, voire des conduites suicidaires.
Etat des lieux : 14% de signalements
« Ma fille était toujours embêtée par des élèves pour la blondeur de ses cheveux. Elle se laissait faire au début, car nous ne sommes pas de Guyane, nous ne voulions pas avoir de soucis. Elle m’en parlait mais avec légèreté, donc je n’ai pas réagi tout de suite. On l’appelait, blanche neige, la blonde etc... Un jour elle s’est énervée contre ses camarades, dans la cour de l’école. Elle a été sanctionnée et on la traitée de raciste. Je l’ai aujourd’hui scolarisée dans une école privée.»
se confie Madame NJ.
En Guyane, cette année, une soixantaine de dossiers sont en cours d’instruction au Rectorat. Des cas d’homophobie, de racisme, de moqueries sur le physique, ou encore des cas de violence physique. Ces signalements, seront ensuite étudiés par les équipes du Rectorat. Les sanctions, en fonction du préjudice seront ensuite décidées. Depuis 2012, les enquêtes sont obligatoires dans les établissements scolaires. En Guyane, les derniers résultats connus de ces enquêtes anonymes remontent à 2015. Le taux de scolaires victimes de harcèlement était de 14 %, soit un élève sur 7. Un chiffre très important car dans l’hexagone le taux est de 10 à 11 % selon les régions. Certains dossiers peuvent faire l’objet d’un signalement auprès de la justice.
"Depuis 2014, le harcèlement est un délit. Aujourd’hui, il faut réunir les éléments constitutifs d’une effraction pour ester en justice. Il faut impérativement prouver au-delà de la répétitivité, la volonté de nuire. L’enquête doit déterminer, si l’acte est mal intentionné. L’auteur va choisir un bouc émissaire et prendre plaisir à l’humilier, à le brimer, voir le battre devant témoins. Et aujourd’hui, le harcèlement a travers les réseaux sociaux, a pris une nouvelle envergure. C’est ce que l’on appelle le cyber harcèlement."
précise Marcel Deldy conseiller technique au Rectorat
Lutter contre le harcèlement scolaire
Le Rectorat a mis en place un certain nombre de mesures afin de mieux identifier les dérives et se battre contre le harcèlement. Le ministère de l’Education Nationale mise sur la prévention et la formation. Une campagne a été lancé " Agir contre le harcèlement à l’école".
Dans chaque établissement, des référents adultes ont été désignés. Ils appartiennent pour la plupart à la Communauté éducative. En outre, pour mieux toucher les jeunes, des ambassadeurs, et des sentinelles ont été désignés et formés. Ce sont des élèves également, ils viennent des 43 Collèges disséminés sur le territoire. Ils se sont portés candidats. Leur mission est la prévention, la communication, l’anticipation. Elèves ressources, ils inspirent plus facilement la confiance auprès de leurs pairs.
« C est important pour nous, cette parole portée par les pairs. Le harcèlement c’est à tous les niveaux. La première chose que nous faisons, c’est leur faire comprendre ce qu’est le harcèlement. C’est déjà la première problématique, car certaines situations peuvent être banalisées. Une fois, qu’ils ont compris, ils libèrent la parole. La notion de répétitivité, est la mieux intégrée. Nous avons déjà pu, régler un certain nombre de situations grâce à cette proximité»
explique Liliane Markour Proviseur conseiller technique au Rectorat
Un numéro vert existe pour signaler tout cas de harcèlement. Il s’agit du 0800 00 66 24. Une adresse mail également agircontreleharcelemental’ecole.gouv.fr. Il ne faut pas hésiter, car à plus ou moins long terme, les répercussions peuvent être dramatiques pour les victimes.