C’est possiblement le dernier vol de ma carrière. Je n’ai pas encore pris de décision. Voilà 27 ans que j’opère au sein de cette compagnie. (..) Même si cette décision vient de tomber, on s’y attendait un peu. Je ressens un mélange de tristesse et de colère. (…) Le dernier vol que je vais exécuter, c’est une symbolique pour moi, un sentiment de fierté, nous sommes au service des passagers et je vais faire mon travail jusqu’au bout. Je vais subir ce dernier vol car les sentiments restent là. On n’a pas réussi à faire vivre cette compagnie jusqu’au bout. Je n’en veux à personne, la situation faisait que la situation ne pouvait pas perdurer. Les ex dirigeants nous ont menés dans le mur. La colère mais pas la haine.
Serge Varing, délégué du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) d’Air Guyane
C’était sans doute, le dernier vol de Serge Varing, délégué du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) d’Air Guyane, le plus ancien pilote en activité d’Air Guyane avec 27 années d’ancienneté. Il a effectué la dernière liaison de la compagnie ce vendredi 29 septembre un aller/retour Cayenne/Camopi. Pour beaucoup c’est plusieurs décennies de vie consacrées à Air Guyane qui s’achèvent.
Ce vendredi, un peu avant 9 heures, la décision brutale est tombée pour Air Guyane. Le tribunal de commerce de Pointe-à-Pitre a acté la liquidation judiciaire du périmètre guyanais du Groupe CAIRE (Compagnie aérienne interrégionale express). Une décision qui laisse un goût d’amertume, un sentiment d’impuissance.
Une longue histoire
Air Guyane est une compagnie aérienne française créée en mai 2002 pour effectuer des vols régionaux afin de désenclaver la Guyane en desservant les lignes de Maripasoula, Saul, Grand Santi, Camopi et Saint-Laurent-du-Maroni. Si les communes des fleuves restent accessibles en pirogue, certaines communes, comme celle de Saül, ne sont pas accessibles.
Air Guyane appartenait à la Compagnie aérienne Inter régionale Express (CAIRE) qui comprend également Air Antilles. Le transporteur aérien bénéficiait de subventions de la Collectivité de Guyane par billet vendu dans le cadre de la continuité territoriale En 2018, 60 mille passagers ont été transportés.
Des salariés effrondrés
Une quarantaine de salariés étaient réunis devant le hall de l’aéroport Felix-Eboué à Matoury ce vendredi sous le choc de la nouvelle et très remontés.
Nous sommes en colère et nous ressentons beaucoup d’émotion car il y a des personnels qui ont plus de 40 ans d’ancienneté. Perdre son travail comme cela, c’est très dur à avaler. Nous accusons les politiques qui ne se sont pas positionnés clairement et qui n'ont pas accompagné ce dossier de l’offre guyanaise. C’est vraiment une tragédie. Lorsque la décision est tombée, nous avions l’espoir que la CTG accompagne le dossier guyanais. Le non accompagnement a laissé la porte ouverte à des tribunaux de décider du sort de 78 salariés.. Le combat n’est pas terminé. Nous allons essayer de sauver ce qu’il y a à sauver concernant les emplois.
Jean-Pierre Dellevi, délégué syndical UTG d’Air Guyane.
Les mesures de la CTG
La Collectivité territoriale, en charge de la desserte intérieure, est montrée du doigt, taxée d’immobilisme. Le président de la CTG répond dans un communiqué en dévoilant les actions à venir, mettant d’abord en exergue la situation grave du groupe CAIRE, "La décision de justice prise aujourd’hui était rendue inévitable par la dégradation de la situation financière de CAIRE et ce, en dépit du respect par la CTG de tous ses engagements, y compris pendant la période de reprise. Cette décision entraîne de droit la disparition de la DSP suite à la disparition du délégataire".
Gabriel Serville affirme avoir préparé la suite et explique "en premier lieu, nous avons en anticipation recherché des sociétés capables de venir en urgence assurer les déplacements essentiels en sus des moyens qui seront mobilisés par la préfecture. Des consultations ont été lancées (..). Ainsi, les moyens privés guyanais seront mobilisables dès demain (samedi) et seront renforcés par un avion de 19 places dans le courant de la semaine prochaine. En outre, conclut le communiqué "un avis de consultation pour la mise en place d’une DSP d’urgence est également en cours de lancement (..). Ce dispositif montera en puissance (.)s’étalera sur une durée maximale de sept mois."
Nous allons mettre à disposition des petits avions privés pour pouvoir permettre des déplacements essentiels en faisant remonter les demandes des maires concernés pour parer au plus urgent.
Chester Léonce vice président délégué à l’aménagement et au transport
L'État s'engage pour parer l'urgence
Un dispositif également mis en place par la préfecture avec l’ensemble des services publics compétents, la Collectivité Territoriale de Guyane et l’association des maires. Il a été présenté ce mercredi. L’État assurera les évacuations sanitaires, de transport sanitaire, de ravitaillement, en alimentation, en médicaments, de l’ensemble des communes de l’intérieur.
Les demandes de la population seront transmises et validées par les maires des communes, celles des opérateurs essentiels, type EDF ou Orange par exemple, et de l’Agence Régionale de Santé seront également remontées.
L’ensemble des aéronefs de l’Etat, dans la mesure de leur disponibilité pourra être aussi utilisé, pour transporter des biens et des personnes. Les deux sociétés d'hélicoptères privées de Guyane seront aussi utilisées.
Elles le sont déjà pour les évacuations sanitaires, elles le seront aussi pour les transports sanitaires et c'est le directeur général de l'Agence Régionale de Santé qui m'a confirmé que jusqu'à la fin du mois d'octobre, dans le domaine sanitaire, il était en capacité - grâce à ces moyens privés - d'assurer l'ensemble des missions qui relèvent de sa compétence.
Antoine Poussier, Préfet de la Guyane
De son côté, le groupe « Unis et engagés » d’opposition à la CTG présidée par Rodolphe Alexandre, l'ancien président de la CTG, a écrit à Gabriel Serville pour demander la tenue d’une Assemblée plénière extraordinaire "dans les plus brefs délais" pour évoquer les conditions "d’une mise en place la plus rapide possible de lignes aériennes régulières".
En attendant, les personnels d’Air Guyane, n’ont pas encore été informés par courrier de la décision du tribunal : 78 salariés, inquiets pour leur avenir. Ils seront présents sur leur lieu de travail ce lundi 2 octobre, mais aucun planning de vol n’a été établi, jusqu’à nouvel ordre.