Selon Taira Chanol, professeur d’arts plastiques titulaire dans un collège à Matoury, la titularisation par concours exceptionnel des personnels contractuels n’est pas une nouveauté. Elle-même en a bénéficié par le passé. Néanmoins ce n'est qu' une des solutions aux nombreux problèmes posés au personnel de l’éducation nationale en Guyane :
« … Je trouve cela très bien sur le principe mais il ne faut pas que le concours soit bradé. Avant il fallait avoir le bac plus 3, ce qui me semble suffisant aujourd’hui il faut bac plus 5 pour passer le concours… les salaires ne suivent pas et surtout la formation ne suit pas. On embauche des contractuels pour pallier le manque de ressources. Pour avoir été dans le cas, j’enseigne depuis 15 ans, nous sommes lâchés dans l’arène ! Comme bon nombre de mes collègues, je propose mon aide en tant que personne d’expérience à ces contractuels mais le rectorat n’oblige pas ou ne permet pas aux contractuels d’apprendre le métier ni dans la pédagogie, ni dans la didactique, ni dans la tenue de classe. Ils découvrent et très souvent c’est douloureux… »
"On ne s'improvise pas enseignant"
La première des difficultés est de s’approprier les programmes sans y avoir été sensibilisés préalablement et cela se répercute automatiquement sur les élèves qui cherchent des référents perçoivent rapidement que leur enseignant ne maîtrise pas son cours. Cela amène forcément une forme de chaos disciplinaire et ils s’engouffrent dans la faille. On ne s’improvise pas enseignant martèle cette professeure.
Cependant, la revalorisation salariale également prévue est une bonne chose. Cela remet en perspective le niveau de compétence demandée pour l’exercice de cette profession. Autre sujet sensible évoqué au cours de cet entretien : la mobilité. Les nouveaux lauréats de Guyane sont souvent envoyés "boucher les trous" en hexagone alors que la pénurie d’enseignants en Guyane et Mayotte est criante depuis des années. Sur ce plan, il y a lieu de revoir cette disposition afin de prendre en compte, la réalité humaine de personnes qui fondent famille et se projettent sur leur territoire. Cela amène aussi à des démissions. Mais globalement l'organisation de ce concours exceptionnel de titularisation des contractuels demeure une avancée. Mais est-ce fait de la bonne manière et avec la formation qu’il faut, se demande la professeure.
Un système global qui n'est pas adapté aux différences de niveaux
Jessica B, 36 ans, mère de famille de 5 enfants est personnel contractuel depuis 10 ans. Elle enseigne au collège et au lycée, et est diplômée d’un master en espagnol. L’annonce de ce concours de titularisation est une excellente nouvelle pour la professeure même si cela ne résoudra pas la problématique d’une forme de désamour pour le métier d’enseignant :
« … C’est une bonne chose car en étant contractuelle nous n’avons plus de temps pour préparer un concours. On rentre dans un cercle vicieux. Pour bien préparer un concours, il aurait fallu avoir moins d’heures de cours… J’ai tenté le concours deux fois sans l’obtenir. Dans le même temps, je souhaitais fonder une famille, ce que j’ai fait. C’est difficile de tout concilier. S’il y a ce concours de titularisation l’année prochaine je vais le préparer et le passer… »
La jeune femme précise avoir commencé ce métier dans la débrouille avec l’aide de ses collègues. Les formations sont venues après avec la structuration du rectorat. Elle porte un regard quelque peu désabusé sur la réalité de l’enseignement dispensé à des élèves qui, bien souvent ne sont pas au niveau. Des élèves qui devraient sans doute, bénéficier de parcours différents et mieux adaptés à la réalité locale notamment à partir de la 4e. Elle souligne également le problème de l’inclusion, les classes Segpa et Ulis sont débordées, à cela s’ajoute la démission de certains parents pas suffisamment présents pour leurs enfants.
Etre titulaire et se projeter dans l'avenir
Cet autre professeur de technologie de 45 ans, licencié en génie électrique est contractuel depuis 10 ans. Il a aussi enseigné 5 ans en mathématiques se réjouit d’avoir une nouvelle chance de titularisation avec ce concours exceptionnel. Il a déjà tenté par deux fois de l’obtenir.
« Il manque beaucoup de postes d’enseignants en Guyane. Cela est problématique pour les élèves en classes d’examen. Ils se retrouvent parfois sans professeurs dès la rentrée ou n’ont qu’un trimestre de cours effectif. A l’arrivée forcément il y a des difficultés... ».
Etre titulaire, rappelle-t-il, c’est aussi l’opportunité de se projeter dans l’avenir et d’obtenir, par exemple, un prêt pour construire sa maison et enfin s’établir durablement.