Exposition photographique : un regard sur les Amérindiens de Guyane depuis Toronto

Alexandre est allongé dans un hamac traditionnel en coton, tissé à la main par sa mère, il y a plus de 50 ans. Il lui a été offert avant qu'il ne soit envoyé au pensionnat.
Le cliché d’un amérindien de Guyane illustre l’affiche du festival photographique Contact qui se tient à Toronto au Canada du 13 au 31 mai à l’espace Artscape Daniels Launchpad. Il a été pris en 2022 par le photographe documentaire Boris Ruvet Thébia. L’histoire des homes indiens de Guyane a fortement inspiré ce Guyanais installé en Indonésie.

Les voyages forment la jeunesse dit-on, un dicton qui convient bien à Boris Ruvet Thébia parti suivre des études au Canada à l’âge de 18 ans. Il y a obtenu un diplôme en psychologie. Depuis, le jeune homme ne cesse de parcourir le monde. Son appareil photographique ne le quitte jamais et il raconte la vie à travers son objectif. Il est, maintenant, installé en Indonésie à Bali dans la ville d’Ubud.

 
L’histoire des homes indiens de Guyane expliquée en photos à Toronto

En Guyane, le photographe s’est intéressé à l’histoire des jeunes amérindiens accueillis dans des pensionnats catholiques appelés « homes indiens » durant des décennies.

Boris Ruvet Thébia, photographe documentaire

« Je suis dans un groupe de photo journalistes documentaires au Canada qui a décidé d’organiser une exposition. Je me suis porté volontaire pour en faire partie. Ce que je proposais résonnait beaucoup avec la question amérindienne au Canada et les collègues ont utilisé une de mes photos pour faire toute la communication sur les réseaux sociaux. »

Boris s’est rendu à Trois Palétuviers à Saint-Georges où il a réalisé ce reportage photos. Dans cette exposition « Ways of Seeing » qui aborde différents thèmes, un autre de ses clichés a été choisi. On y voit les enfants de Trois Palétuviers qui partent de Saint-Georges de l'Oyapock en canot.

« J’avais vraiment pris ce sujet à cœur car en Guyane même quand les choses font du bruit, tout est quand même filtré par le média français. S’il y a un sujet vraiment problématique dont il faudrait parler, il ne sortirait pas de la sphère française s’il ne convient pas à la ligne éditoriale française. La reconnaissance des droits amérindiens ne va pas du tout avec le concept français d’uniformité. Je crois que toutes les histoires des Outre-mer n’ont pas la possibilité de sortir à l’international. L’histoire des Homes indiens, c’est vraiment grave. Aux Etats-Unis, au Canada, le Canada Indian residential school system a engendré une énorme polémique depuis 30 ans. Cela a obligé le Canada à adopter des politiques drastiques pour revitaliser la culture autochtone. On n’avait pas idée que ce type de structure persiste ailleurs… J’exporte avec mon travail photographique cette histoire et c’est un sujet important. »

Alexis Tiouka, un activiste amérindien, jouant du tambour traditionnel accompagné d’anciens résidents des pensionnats autochtones

D’autres projets photographiques en préparation dont un sur la santé mentale

Boris Ruvet qui a une formation de psychologue s’intéresse particulièrement à la santé mentale et au traitement qui en est fait de par le monde.

« Chaque pays, chaque région a une manière différente d’aborder le sujet de la santé mentale. Ici à Bali, les gens pensent qu’une personne atteinte d’un problème mental comme la schizophrénie, par exemple, est habitée par un esprit. C’est un élément culturel connecté à une problématique globale. Tous les pays n’ont pas les outils nécessaires pour aborder de telles questions. En Indonésie, par exemple, les aliénés mentaux sont emprisonnés dans des cages et enchaînés. "

Le photographe documentaire va élargir son propos et le rattachera à la Guyane où l’empoisonnement au mercure sur les populations amérindiennes induit des effets psychologiques. Un empoisonnement qui sur le long terme se retrouve, selon lui, connecté à la santé mentale.

Ce jeune guyanais a divers projets dans son viseur qui l’amèneront dans d’autres endroits du monde. Mais tout au long de ce cheminement, il s’efforcera de toujours faire le lien avec la Guyane.