Rencontre avec Isabelle Duhamel-Achin, auteure du récent rapport sur l’utilisation du cyanure dans le contexte aurifère guyanais. Ingénieure géologue, elle est responsable de l’Unité des Ressources Minérales au BRGM, le Bureau de Recherches Géologiques et Minières.
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En ligne sur le site du BRGM, le rapport « technologies de substitution du cyanure pour le traitement des minerais d’or en Guyane : avantages et inconvénients sur les plans économiques et les risques environnementaux. », résume les enjeux pour la société guyanaise des techniques d’exploitation aurifère. Il permet d’éclairer le débat et de répondre aux questions légitimes des populations concernant l’utilisation à venir de procédés chimiques, dont le cyanure, pour l’extraction de l’or en Guyane. C’est le fruit d’un long travail des géologues du BRGM, en Guyane et dans l’hexagone. Isabelle Duhamel-Achin qui a coordonné et rédigé le rapport nous a accordé une longue interview. Elle s’inscrit pleinement dans les valeurs environnementales du BRGM, celles des « géosciences pour une Terre durable. »
Faut-il avoir peur du cyanure qui sera utilisé par la filière aurifère en Guyane ? Quels sont les risques environnementaux ? La filière française peut-elle être exemplaire et créer des milliers d’emplois ? Les réponses de la géologue sont argumentées et équilibrées. Une seule certitude, rarement une filière industrielle n’aura été autant surveillée par les pouvoirs publics que celle de l’Or en Guyane.
Comment se présente l’or primaire que l’on trouve en Guyane ?
Isabelle Duhamel-Achin : Les gisements d’or que les géologues qualifient de primaires sont des concentrations d’or qui sont encore encaissées dans les roches du socle Guyanais. On les distingue des gisements secondaires d’or, déplacés de leur site d’origine par l’action de l’érosion et du transport gravitaire par les eaux de surface, où l’or libre se retrouve concentré en placers dans les rivières, dans les alluvions ou colluvions. Le potentiel en or primaire des roches saines du socle intéresse beaucoup les compagnies d’exploration car il est considéré encore comme intact.
Quel est ce procédé hydro-métallurgique d’extraction de l’or par utilisation du cyanure, employé dans l’industrie minière depuis 1888 ?
L’utilisation du cyanure pour traiter les minerais d’or ne date effectivement pas d’hier. Il est utilisé depuis plus de 100 ans. Il s’agit d’ailleurs du procédé actuellement le plus utilisé au monde pour extraire les métaux précieux par les opérateurs miniers. C’est un procédé industriel chimique qui utilise une solution de cyanure de sodium dilué pour former un complexe soluble dans l’eau. Ce complexe est ensuite récupéré par adsorption sur charbon actif le plus souvent. Cependant, les connaissances sur les risques du cyanure pour la santé et l’environnement ont bien progressé depuis, ce qui a permis de voir évoluer le procédé ainsi que les mesures de protection des travailleurs pour la manipulation du cyanure et la prévention des risques pour les populations avoisinantes.
Pour ce qui est de l’exploitation, on est loin de l’image des chercheurs d’or utilisant de simples batées coniques et des tamis. La mine industrielle utilise le cyanure de sodium, technique assez ancienne, la plus répandue dans le Monde, et la mine clandestine le mercure ?
Il faut tout d’abord distinguer exploration et exploitation. L’exploration, c’est la recherche d’une ressource et le développement des connaissances géologiques ; les chercheurs d’or utilisent toujours la batée [instrument conique ndlr] une méthode ancestrale qui fait toujours ses preuves et permet de trouver de l’or libre entrainé par les rivières et de remonter vers sa roche source. Les phases d’exploration plus avancées permettent ensuite de connaitre la forme et les caractéristiques d’un gisement dans l’espace et en profondeur ; ce sont des études plus poussées : géophysiques, tranchées ou forages, notamment pour les gisements primaires qui sont dans la roche dure en profondeur. Une fois que la ressource est bien étudiée et si le site est considéré comme un gisement économique, il est alors nécessaire d’obtenir un permis d’exploitation et de caractériser les impacts potentiels sur l’environnement qui découleront de la façon d’extraire la ressource en or de la roche. Alors que les mines légales qui exploitent l’or utilisent des méthodes de traitement mécaniques et physiques (lavage, débourbage et techniques de concentration gravitaire), les petites mines clandestines illégales utilisent souvent le mercure bien que ce soit interdit en France depuis 2006. C’est une méthode qui permet de concentrer, d’amalgamer l’or, mais qui est extrêmement toxique et dommageable pour l’environnement et la santé.
Le cyanure est quant à lui utilisé par les opérateurs miniers industriels pour extraire l’or. Les méthodes mécaniques et de tri physique ne sont pas suffisants pour libérer l’or contenu dans ce type de minerais sulfurés.
Ce procédé hydro métallurgique pour l’or en Guyane est finalement assez comparable à celui utilisé pour le nickel de la grande usine du Sud en Nouvelle Calédonie? Et il y a eu des fuites dans l’environnement…
C’est un procédé qui dissout les minéraux du minerai pour mettre en solution les éléments valorisables afin de les récupérer. L’objectif industriel est bien le même, cependant la composition des minerais n’est pas la même que ceux de Guyane, et les réactifs chimiques utilisés ne sont pas non plus les mêmes. En Nouvelle-Calédonie, il s’agit d’acide sulfurique sous pression pour la dissolution du minerai, suivi par l’action de solvants pour séparer les éléments chimiques mis en solution.
Pour éviter tout risque de fuites dans l’environnement des produits chimiques employés, il est essentiel de mettre en place des moyens adéquats de prévention, de gestion et de maintenance des installations et d’effectuer des actions de contrôle régulier des usines et des parcs à résidus. Une formation spécifique des travailleurs est aussi déterminante.
Il existe différentes méthodes de cyanuration, quelle est celle qui sera choisie en Guyane?
Il existe effectivement plusieurs méthodes de cyanuration. La cyanuration des minerais disposés en tas à l’air libre et exposés aux intempéries n’est pas la méthode choisie en Guyane car elle serait trop risquée sous un climat équatorial où la pluviométrie et l’humidité sont importantes.
Dans l’usine pilote de Dieu Merci, gérée par Auplata, c’est la méthode CIL (Carbon in Leach) de cyanuration directe du minerai avec absorption de l’or sur du charbon actif qui est utilisée. Il s’agit d’une usine modulaire qui pourra être amenée à changer de site en fonction des besoins. Pour l’instant le minerai traité est du minerai primaire superficiel oxydé qui est broyé et mis en pulpe dans une solution de cyanure en cuves. L’or se fixe sur des charbons actifs qui circulent dans des cuves successives avant d’être tamisés. Puis l’or est mis en solution par un mélange de cyanure et de soude sous pression à chaud. Ce procédé doit permettre d’augmenter le taux de récupération de l’or de 32% à près de 95%. Le charbon est ensuite recyclé vers les cuves alors que la solution d’or est précipitée par électrolyse.
Pour Montagne d’Or, le procédé est très similaire. Le minerai cyanuré sera confiné dans des cuves fermées lors du traitement. Le procédé en cuves et les moyens de préventions préconisés comme des zones de rétention, des périmètres de sécurité et des mesures de contrôle sont autant de précautions mises en place pour s’assurer de la maitrise sur le site des problèmes éventuels qui pourraient survenir en cas de défaillance technique ou humaine.
Quel est le risque pour la population, l’environnement du transport des briquettes de cyanure? Ce transport est-il suffisamment sécurisé dans le cas du projet Montagne d’Or?
Les opérateurs miniers assurent l’acheminement de ces briquettes de cyanure de sodium depuis la réception au port jusqu’à leurs usines où ces produits seront utilisés. Ce transport est prévu par voie routière, via la route Paul Isnard dans le cas du projet Montagne d’Or. Ils seront donc amenés entre autre à procéder à des aménagements le long des voies d’accès et à une logistique particulière pour que ce transport s’opère en toute sécurité. Ce sont des points essentiels qui sont étudiés par les autorités, ainsi que le conditionnement de ces briquettes dans les camions et les moyens de stockage sur site.
Sur le site éventuel de Montagne d’Or, à 125 kilomètres de Saint Laurent du Maroni, quels seront les risques pour la faune, la flore et les êtres humains en cas de rupture des bassins de décantation?
Ce n’est pas le cyanure qui représente le plus de risques dans les résidus de traitement car en sortie d’usine les boues devraient être dé-cyanurées pour répondre aux normes de rejets des résidus solides avant stockage. Les bassins de décantation contiennent par contre des boues chargées en métaux lourds résiduels et en métalloïdes initialement présents dans le minerai. La gestion des bassins et des parcs à résidus est le point le plus important dans la prévention des risques miniers car ce sont les défaillances de digues, les ruptures, fuites ou débordements, qui sont la cause d’accidents la plus fréquente. Il ne faut pas non plus oublier le drainage minier acide car les résidus contiendront potentiellement des produits sulfurés acidogènes. Une rupture aurait des conséquences néfastes importantes sur l’environnement et la biodiversité car le pH des effluents peut être très bas et les eaux d’exhaure peuvent contenir d’autres éléments naturels toxiques. Les études de dimensionnements et de conception sont donc primordiales. La maintenance dans la durée des installations par la surveillance des résidus et des travaux réguliers de compactage, de drainage ou d’évacuation des eaux lors de fortes pluies ou le rabattage des nappes ne doivent pas être négligés non plus.
Existe-t-il des solutions alternatives à l’utilisation du cyanure dans l’exploitation minière aurifère, pourraient-elles être adaptées en Guyane pour les projets Montagne d’Or et Auplata ou pour les nouveaux projets à venir?
Il existe plusieurs procédés alternatifs à la cyanuration qui sont à l’étude en R&D mais aucun avec le même degré de maturité suffisant actuellement pour être appliqué directement sur ce type de minerai à l’échelle industrielle. En effet, la méthode la plus avancée qui consiste à utiliser des thiosulfates est uniquement utilisée à l’échelle industrielle sur des minerais carbonatés. Il reste encore beaucoup de recherche à faire pour l’appliquer sur des minerais sulfurés et avoir le retour d’expérience suffisant pour évaluer les risques potentiels car cette méthode utilise aussi de l’ammoniac et des solvants pour la libération et la précipitation de l’or. La recherche et les connaissances continuent de progresser et dans quelques années les opérateurs miniers utiliseront peut-être d’autres solutions qui se substitueront à l’utilisation du cyanure pour traiter ces minerais aurifères.
Concernant le cyanure, ce qui fait peur, c’est son utilisation industrielle, une crainte justifiée ou pas?
Il est normal que les riverains et plus largement la société civile comme le gouvernement s’interrogent sur les risques potentiels industriels et les changements que le développement d’un tel complexe va apporter dans le département. L’important est de maintenir le dialogue pour que tous les doutes soient levés et s’assurer que les risques résiduels soient effectivement maitrisés par une gestion responsable. Il est important de rappeler que cette technique est largement répandue dans le monde minier et métallurgique (dé-métallisation, recyclage) et ne présente pas de risque supérieur à ceux de nombreux procédés industriels.
Quelle différence pour l’environnement entre le cyanure et le mercure?
Le cyanure est toxique mais ses produits se dégradent progressivement avec le temps. Certains produits de dégradation des complexes cyanurés peuvent être inflammables et les gaz explosifs notamment. Une surveillance du site par monitoring en continu est prévue par l’entreprise mais si le projet voit le jour, des moyens de contrôle des mesures et d’audits réguliers seront réalisés en parallèle.
Le mercure est un métal. Il est beaucoup plus toxique que le cyanure et persiste dans l’environnement et les sédiments. S’il est ingéré, il s’accumule dans les organismes vivants et toute la chaine alimentaire.
Le projet Montagne d’Or a adhéré au Code International du cyanure sous l’égide des experts de l’ONU pour l’Environnement. Cette adhésion fait suite aussi aux recommandations du BRGM. Cela lèvera-t-il les doutes sur l’utilisation et les risques liés au cyanure?
Cette adhésion démontre que l’entreprise veut s’investir dans une démarche de sureté, de développement durable et d’amélioration du projet. Le gouvernement n’octroiera le permis d’exploitation que si tous les doutes sont levés. Il reste encore du chemin à parcourir et les négociations doivent continuer. Cependant cette adhésion, si elle est suivie de la mise en application des bonnes pratiques en matière de transport et d’utilisation du cyanure, sera contrôlée par des experts indépendants ce qui devrait dans une certaine mesure rassurer l’opinion publique.
Le BRGM est l’organisme public de référence dans le domaine des sciences de la Terre pour la gestion des ressources et les risques du sol et du sous-sol. Est-il possible, selon vous, de développer une filière minière française responsable en Guyane française?
Quel que soit le type de projet industriel et pour toute activité anthropique d’ailleurs, il y a toujours un impact sur le milieu et les écosystèmes. Le développement d’une filière minière responsable en France ne peut voir le jour que si tout le monde contribue à la mettre en place collectivement : organismes de recherche, administrations gouvernementales, ONG, industriels et centres de formation des futurs travailleurs. La première pierre a été posée lors de l’élaboration du référentiel des bonnes pratiques à travers la collection « La Mine en France » parue en avril 2017. Cette démarche participative commune doit continuer pour que les futurs projets voient le jour dans un climat confiant et créer une vraie valeur sur notre territoire avec des bénéfices partagés sur le long terme.
Faut-il avoir peur du cyanure qui sera utilisé par la filière aurifère en Guyane ? Quels sont les risques environnementaux ? La filière française peut-elle être exemplaire et créer des milliers d’emplois ? Les réponses de la géologue sont argumentées et équilibrées. Une seule certitude, rarement une filière industrielle n’aura été autant surveillée par les pouvoirs publics que celle de l’Or en Guyane.
Comment se présente l’or primaire que l’on trouve en Guyane ?
Isabelle Duhamel-Achin : Les gisements d’or que les géologues qualifient de primaires sont des concentrations d’or qui sont encore encaissées dans les roches du socle Guyanais. On les distingue des gisements secondaires d’or, déplacés de leur site d’origine par l’action de l’érosion et du transport gravitaire par les eaux de surface, où l’or libre se retrouve concentré en placers dans les rivières, dans les alluvions ou colluvions. Le potentiel en or primaire des roches saines du socle intéresse beaucoup les compagnies d’exploration car il est considéré encore comme intact.
Quel est ce procédé hydro-métallurgique d’extraction de l’or par utilisation du cyanure, employé dans l’industrie minière depuis 1888 ?
L’utilisation du cyanure pour traiter les minerais d’or ne date effectivement pas d’hier. Il est utilisé depuis plus de 100 ans. Il s’agit d’ailleurs du procédé actuellement le plus utilisé au monde pour extraire les métaux précieux par les opérateurs miniers. C’est un procédé industriel chimique qui utilise une solution de cyanure de sodium dilué pour former un complexe soluble dans l’eau. Ce complexe est ensuite récupéré par adsorption sur charbon actif le plus souvent. Cependant, les connaissances sur les risques du cyanure pour la santé et l’environnement ont bien progressé depuis, ce qui a permis de voir évoluer le procédé ainsi que les mesures de protection des travailleurs pour la manipulation du cyanure et la prévention des risques pour les populations avoisinantes.
Pour ce qui est de l’exploitation, on est loin de l’image des chercheurs d’or utilisant de simples batées coniques et des tamis. La mine industrielle utilise le cyanure de sodium, technique assez ancienne, la plus répandue dans le Monde, et la mine clandestine le mercure ?
Il faut tout d’abord distinguer exploration et exploitation. L’exploration, c’est la recherche d’une ressource et le développement des connaissances géologiques ; les chercheurs d’or utilisent toujours la batée [instrument conique ndlr] une méthode ancestrale qui fait toujours ses preuves et permet de trouver de l’or libre entrainé par les rivières et de remonter vers sa roche source. Les phases d’exploration plus avancées permettent ensuite de connaitre la forme et les caractéristiques d’un gisement dans l’espace et en profondeur ; ce sont des études plus poussées : géophysiques, tranchées ou forages, notamment pour les gisements primaires qui sont dans la roche dure en profondeur. Une fois que la ressource est bien étudiée et si le site est considéré comme un gisement économique, il est alors nécessaire d’obtenir un permis d’exploitation et de caractériser les impacts potentiels sur l’environnement qui découleront de la façon d’extraire la ressource en or de la roche. Alors que les mines légales qui exploitent l’or utilisent des méthodes de traitement mécaniques et physiques (lavage, débourbage et techniques de concentration gravitaire), les petites mines clandestines illégales utilisent souvent le mercure bien que ce soit interdit en France depuis 2006. C’est une méthode qui permet de concentrer, d’amalgamer l’or, mais qui est extrêmement toxique et dommageable pour l’environnement et la santé.
Le cyanure est quant à lui utilisé par les opérateurs miniers industriels pour extraire l’or. Les méthodes mécaniques et de tri physique ne sont pas suffisants pour libérer l’or contenu dans ce type de minerais sulfurés.
Ce procédé hydro métallurgique pour l’or en Guyane est finalement assez comparable à celui utilisé pour le nickel de la grande usine du Sud en Nouvelle Calédonie? Et il y a eu des fuites dans l’environnement…
C’est un procédé qui dissout les minéraux du minerai pour mettre en solution les éléments valorisables afin de les récupérer. L’objectif industriel est bien le même, cependant la composition des minerais n’est pas la même que ceux de Guyane, et les réactifs chimiques utilisés ne sont pas non plus les mêmes. En Nouvelle-Calédonie, il s’agit d’acide sulfurique sous pression pour la dissolution du minerai, suivi par l’action de solvants pour séparer les éléments chimiques mis en solution.
Pour éviter tout risque de fuites dans l’environnement des produits chimiques employés, il est essentiel de mettre en place des moyens adéquats de prévention, de gestion et de maintenance des installations et d’effectuer des actions de contrôle régulier des usines et des parcs à résidus. Une formation spécifique des travailleurs est aussi déterminante.
Il existe différentes méthodes de cyanuration, quelle est celle qui sera choisie en Guyane?
Il existe effectivement plusieurs méthodes de cyanuration. La cyanuration des minerais disposés en tas à l’air libre et exposés aux intempéries n’est pas la méthode choisie en Guyane car elle serait trop risquée sous un climat équatorial où la pluviométrie et l’humidité sont importantes.
Dans l’usine pilote de Dieu Merci, gérée par Auplata, c’est la méthode CIL (Carbon in Leach) de cyanuration directe du minerai avec absorption de l’or sur du charbon actif qui est utilisée. Il s’agit d’une usine modulaire qui pourra être amenée à changer de site en fonction des besoins. Pour l’instant le minerai traité est du minerai primaire superficiel oxydé qui est broyé et mis en pulpe dans une solution de cyanure en cuves. L’or se fixe sur des charbons actifs qui circulent dans des cuves successives avant d’être tamisés. Puis l’or est mis en solution par un mélange de cyanure et de soude sous pression à chaud. Ce procédé doit permettre d’augmenter le taux de récupération de l’or de 32% à près de 95%. Le charbon est ensuite recyclé vers les cuves alors que la solution d’or est précipitée par électrolyse.
Pour Montagne d’Or, le procédé est très similaire. Le minerai cyanuré sera confiné dans des cuves fermées lors du traitement. Le procédé en cuves et les moyens de préventions préconisés comme des zones de rétention, des périmètres de sécurité et des mesures de contrôle sont autant de précautions mises en place pour s’assurer de la maitrise sur le site des problèmes éventuels qui pourraient survenir en cas de défaillance technique ou humaine.
Quel est le risque pour la population, l’environnement du transport des briquettes de cyanure? Ce transport est-il suffisamment sécurisé dans le cas du projet Montagne d’Or?
Les opérateurs miniers assurent l’acheminement de ces briquettes de cyanure de sodium depuis la réception au port jusqu’à leurs usines où ces produits seront utilisés. Ce transport est prévu par voie routière, via la route Paul Isnard dans le cas du projet Montagne d’Or. Ils seront donc amenés entre autre à procéder à des aménagements le long des voies d’accès et à une logistique particulière pour que ce transport s’opère en toute sécurité. Ce sont des points essentiels qui sont étudiés par les autorités, ainsi que le conditionnement de ces briquettes dans les camions et les moyens de stockage sur site.
Sur le site éventuel de Montagne d’Or, à 125 kilomètres de Saint Laurent du Maroni, quels seront les risques pour la faune, la flore et les êtres humains en cas de rupture des bassins de décantation?
Ce n’est pas le cyanure qui représente le plus de risques dans les résidus de traitement car en sortie d’usine les boues devraient être dé-cyanurées pour répondre aux normes de rejets des résidus solides avant stockage. Les bassins de décantation contiennent par contre des boues chargées en métaux lourds résiduels et en métalloïdes initialement présents dans le minerai. La gestion des bassins et des parcs à résidus est le point le plus important dans la prévention des risques miniers car ce sont les défaillances de digues, les ruptures, fuites ou débordements, qui sont la cause d’accidents la plus fréquente. Il ne faut pas non plus oublier le drainage minier acide car les résidus contiendront potentiellement des produits sulfurés acidogènes. Une rupture aurait des conséquences néfastes importantes sur l’environnement et la biodiversité car le pH des effluents peut être très bas et les eaux d’exhaure peuvent contenir d’autres éléments naturels toxiques. Les études de dimensionnements et de conception sont donc primordiales. La maintenance dans la durée des installations par la surveillance des résidus et des travaux réguliers de compactage, de drainage ou d’évacuation des eaux lors de fortes pluies ou le rabattage des nappes ne doivent pas être négligés non plus.
Existe-t-il des solutions alternatives à l’utilisation du cyanure dans l’exploitation minière aurifère, pourraient-elles être adaptées en Guyane pour les projets Montagne d’Or et Auplata ou pour les nouveaux projets à venir?
Il existe plusieurs procédés alternatifs à la cyanuration qui sont à l’étude en R&D mais aucun avec le même degré de maturité suffisant actuellement pour être appliqué directement sur ce type de minerai à l’échelle industrielle. En effet, la méthode la plus avancée qui consiste à utiliser des thiosulfates est uniquement utilisée à l’échelle industrielle sur des minerais carbonatés. Il reste encore beaucoup de recherche à faire pour l’appliquer sur des minerais sulfurés et avoir le retour d’expérience suffisant pour évaluer les risques potentiels car cette méthode utilise aussi de l’ammoniac et des solvants pour la libération et la précipitation de l’or. La recherche et les connaissances continuent de progresser et dans quelques années les opérateurs miniers utiliseront peut-être d’autres solutions qui se substitueront à l’utilisation du cyanure pour traiter ces minerais aurifères.
Concernant le cyanure, ce qui fait peur, c’est son utilisation industrielle, une crainte justifiée ou pas?
Il est normal que les riverains et plus largement la société civile comme le gouvernement s’interrogent sur les risques potentiels industriels et les changements que le développement d’un tel complexe va apporter dans le département. L’important est de maintenir le dialogue pour que tous les doutes soient levés et s’assurer que les risques résiduels soient effectivement maitrisés par une gestion responsable. Il est important de rappeler que cette technique est largement répandue dans le monde minier et métallurgique (dé-métallisation, recyclage) et ne présente pas de risque supérieur à ceux de nombreux procédés industriels.
Quelle différence pour l’environnement entre le cyanure et le mercure?
Le cyanure est toxique mais ses produits se dégradent progressivement avec le temps. Certains produits de dégradation des complexes cyanurés peuvent être inflammables et les gaz explosifs notamment. Une surveillance du site par monitoring en continu est prévue par l’entreprise mais si le projet voit le jour, des moyens de contrôle des mesures et d’audits réguliers seront réalisés en parallèle.
Le mercure est un métal. Il est beaucoup plus toxique que le cyanure et persiste dans l’environnement et les sédiments. S’il est ingéré, il s’accumule dans les organismes vivants et toute la chaine alimentaire.
Le projet Montagne d’Or a adhéré au Code International du cyanure sous l’égide des experts de l’ONU pour l’Environnement. Cette adhésion fait suite aussi aux recommandations du BRGM. Cela lèvera-t-il les doutes sur l’utilisation et les risques liés au cyanure?
Cette adhésion démontre que l’entreprise veut s’investir dans une démarche de sureté, de développement durable et d’amélioration du projet. Le gouvernement n’octroiera le permis d’exploitation que si tous les doutes sont levés. Il reste encore du chemin à parcourir et les négociations doivent continuer. Cependant cette adhésion, si elle est suivie de la mise en application des bonnes pratiques en matière de transport et d’utilisation du cyanure, sera contrôlée par des experts indépendants ce qui devrait dans une certaine mesure rassurer l’opinion publique.
Le BRGM est l’organisme public de référence dans le domaine des sciences de la Terre pour la gestion des ressources et les risques du sol et du sous-sol. Est-il possible, selon vous, de développer une filière minière française responsable en Guyane française?
Quel que soit le type de projet industriel et pour toute activité anthropique d’ailleurs, il y a toujours un impact sur le milieu et les écosystèmes. Le développement d’une filière minière responsable en France ne peut voir le jour que si tout le monde contribue à la mettre en place collectivement : organismes de recherche, administrations gouvernementales, ONG, industriels et centres de formation des futurs travailleurs. La première pierre a été posée lors de l’élaboration du référentiel des bonnes pratiques à travers la collection « La Mine en France » parue en avril 2017. Cette démarche participative commune doit continuer pour que les futurs projets voient le jour dans un climat confiant et créer une vraie valeur sur notre territoire avec des bénéfices partagés sur le long terme.