Elle a eu quatre enfants, deux garçons et deux filles. Mais quand Georgette Mazia parle de « ses » enfants, l’ancienne assistante maternelle ne pense pas seulement à ceux qu’elle a mis au monde. Cette progéniture additionnelle, ce sont les presque 70 garçons et filles qui se sont succédé sous son toit durant 25 années.
Née le 23 avril 1942 à Cayenne, Georgette Mazia a commencé à travailler jeune, après avoir perdu sa mère à neuf ans. Au fil de ses souvenirs, elle évoque le ménage qu’elle faisait dans une famille de Saint-Laurent du Maroni, « à l’âge de 12 ans, peut-être même avant », puis de son retour à Cayenne.
Famille d’accueil un peu par hasard
Elle est agent d’entretien lorsqu’elle devient, un peu par hasard, « famille d’accueil ». À l’époque, comme aujourd’hui encore, ce dispositif permet à des adolescents d’avoir un lieu d’hébergement lorsqu’ils doivent quitter leurs familles afin de poursuivre leur scolarité sur le littoral. « Ça a commencé avec Guito, se rappelle Georgette Mazia. Il allait au lycée Voltaire (ancien nom du lycée Max-Joséphine, NDLR) avec deux de mes enfants. Il trouvait qu’ils étaient toujours bien mis, soignés. Il leur a dit "mandé zot manman pou gadé mo". La Ddass (Direction départementale des affaires sanitaires et sociales) a accepté. Guito venait de Saint-Laurent. Les enfants se sont ensuite passé le mot. »
« Mamie Chabine »
Georgette Mazia remonte dans le temps. Les noms se succèdent : Guito, Richard, Ghislaine… La plupart originaires de l’Ouest guyanais. « J’avais en général trois enfants, durant trois ans. Je ne sais plus si c’était Marcus ou Edith qui a commencé à m’appeler "Mamie Chabine". Après, on a continué à m’appeler comme ça. »
Si dans l’ensemble tout se passe bien, il faut parfois passer par des phases de friction. « Un enfant s’était plaint parce qu’il trouvait que la nourriture n’était pas assez consistante. En fait, elle était différente de ce qu’il avait l’habitude de manger. Il y a eu un rapport, son papa est venu. Ensuite, ça a marché avec lui. » Outre les adolescents venus pour leur scolarité, Georgette Mazia accueille un temps des enfants devant faire l’objet d’un placement d’urgence. Là, les séjours sont plus courts et même si les cas sont « plus compliqués », résume-t-elle en respectant une forme de discrétion, Mamie Chabine poursuit sa tâche. En 2004, elle reprend aussi Saveurs Pays, la société créée par l’une de ses filles, qui réalise et commercialise des produits du terroir: kalawang, marinades, boulettes..
Ceux qui sont restés longtemps étaient un peu comme nos petits frères
Mylène Mazia, fille de Georgette
Alors qu’elle conserve son poste d’agent d’entretien dans un premier temps en parallèle, Georgette Mazia finira par se consacrer uniquement à son rôle de famille d’accueil. Dans son foyer, à entendre sa fille Mylène, la cohabitation se passait bien avec tous les enfants de passage. « On a toujours été très nombreux. Chacun avait sa tâche : la vaisselle, le couvert, le nettoyage… On mangeait toujours tous ensemble. Il y avait beaucoup de respect entre nous. Ceux qui sont restés longtemps étaient un peu comme nos petits frères. »
Le 19 décembre dernier, lors de la première manifestation organisée par le Club Femmes d’outre-mer, elle a fait partie de deux personnalités récompensées. « Je suis secrétaire générale de l’association, indique sa fille Mylène. Nous cherchions à mettre en lumière des personnes qui n’ont pas déjà été mises en avant. Le bureau s’est réuni pour y réfléchir. L’une des membres a dit qu’elle pensait à une personne qui a travaillé dans le social, qui véhicule de belles valeurs de partage, qui est cheffe d’entreprise… Et elle a proposé le nom de ma mère. »
J’étais aimée
Georgette Mazia
Lors de la cérémonie intitulée « De l'ombre à la lumière », Georgette Mazia a reçu le trophée du Club des mains de Christiane Taubira. Et comme le hasard fait décidément bien les choses, celui-ci a été réalisé par un de ceux dont elle s’est occupée, Bruno. Lors de la soirée de gala, la maire de Cayenne, Sandra Trochimara a également remis à Georgette le trophée Cœur de la ville de Cayenne.
« C’était formidable » résume Mamie Chabine à l’évocation de cette soirée où son engagement auprès de ces nombreux enfants a été salué. Si elle ne souvient pas de tous leurs noms, Georgette Mazia n’oublie pas une chose : « J’étais aimée. J’étais dure, mais j’étais aimée. »
Le Club Femmes d'Outre-mer a également mis en lumière Ludjy Fontigen, unique femme grutière de Guyane. Retrouvez son portrait ici.