Un samedi soir, au Village de Nana. Pierre-Yves Carlier installe les livres qui seront vendus sur le stand des Kolector de la musique guyanaise, tenu par le producteur Denis Duvigneau. Ce roman, son premier, intitulé Guyanais jusqu’à l’os, est une biographie de Victor Clet.
Tandis qu’autour du dancing le public commence à arriver, le journaliste refait la genèse de ce projet auquel il s’attelle depuis un an et demi. « C’est une idée que j’avais en tête depuis longtemps et qui vient de mon intérêt, pour ne pas dire ma passion, du carnaval et de mon envie d’écrire sur la Guyane, indique Pierre-Yves Carlier. Le sujet, lui, est venu spontanément. »
Un appel qui tombe à pic
En juillet 2022 il contacte l’artiste pour lui en toucher un mot. Son coup de fil tombe au bon moment : quelques jours plus tôt, Vyktoria, l’une des filles de Victor Clet, avait confié à son père en savoir trop peu sur sa vie d’artiste. La jeune femme, qui réside dans l’Hexagone, lui avait alors suggéré de « laisser quelque chose », comme des mémoires, en souvenir. « Victor Clet m’a dit "Banco", se souvient le Pierre-Yves Carlier. Il m’a toutefois prévenu qu’il y avait déjà eu deux tentatives de biographies. Chaque fois, il avait passé du temps à répondre aux questions. Puis, les deux personnes n’ont jamais passé l’étape de la rédaction. »
Malgré ces deux échecs, Victor Clet est emballé par la perspective de travailler avec Pierre-Yves Carlier. Il faut dire que les deux hommes ont souvent eu l’occasion d’échanger : durant ses 14 années à France-Guyane, le journaliste a beaucoup écrit sur le carnaval.
Un impact dans le carnaval de Guyane
Le travail démarre alors très vite. De leurs rencontres, Pierre-Yves Carlier tirera 50 heures d’interviews enregistrées et 192 pages grand format de notes manuscrites. Outre Victor Clet, il rencontre ses proches. Côté musique : Yves Nugent « incontournable ! », insiste le journaliste, Emile Cibrélus, Henri Néron, Sandra Ho-Choung-Ten… Sandrine, la femme de Quèquette et certains de ses enfants seront également interrogés, tout comme le musicologue Emile Lanou, grand spécialiste de la musique guyanaise. « Nous étions assis non loin l’un de l’autre lors d’un vol entre Paris et Cayenne. Je me suis rapproché de lui et durant deux heures, Emile Lanou m’a fait une présentation magistrale de la place de Quèquette et des Blue Stars dans l’histoire récente du carnaval guyanais » se souvient Pierre-Yves Carlier.
Je raconte une petite histoire de la Guyane à travers un personnage illustre
Pierre-Yves Carlier
Si le journaliste se remémore cette rencontre avec autant d’enthousiasme c’est parce que son travail va au-delà de la simple biographie, ou même d’un témoignage sur le carnaval. Dès les premières pages de l’ouvrage, le lecteur fait un voyage dans le temps. Au gré des pérégrinations du « personnage » principal, Victor Clet, il revit la Guyane des années 50 à nos jours. « La venue de De Gaulle, la mort de Justin Catayée, la Malmanoury, l’effondrement de la montagne Cabassou, les trajets avec le bac entre Cayenne et Sinnamary… Ce sont des événements qui m’intéressent et dont j’entends parler depuis 20 ans que je vis en Guyane. J’aurais aimé me plonger dedans, mais je ne suis pas historien. Mon travail c’est de raconter. Alors, le récit de quelqu’un qui a vécu ces événements m’apporte un éclairage différent et j’espère qu’il apportera aussi un autre éclairage à des gens qui ne les ont pas vécus. »
Pari réussi : au fil des pages, le lecteur voit la Guyane changer de visage. Les routes succèdent aux chemins de latérite, des ponts traversent les fleuves, le Centre spatial s’installe, provoquant des expropriations qui engendreront des cicatrices indélébiles. Au cours du récit, la population de la Guyane augmente… Tout comme l’insécurité : artisan bijoutier un temps, après avoir appris le métier auprès de Richard Ho-A-Sim, Victor Clet fermera sa bijouterie, installée à Cayenne, suite à un énième braquage.
Le Quèquette privé est très différent du Quèquette public
Pierre-Yves Carlier
S’il aime écouter les histoires des gens, comme il l'a souvent répété, Pierre-Yves Carlier sait aussi les raconter. Aussi, qu’on aime ou non Quèquette, difficile de rester indifférent au parcours de l’artiste. « En écrivant ce livre, j’ai découvert que le Quèquette privé est très différent du Quèquette public, note Pierre-Yves Carlier. Ça, je ne le savais pas. En privé, c’est quelqu’un qui fait sa petite vie chez lui, tranquillement. Il aime préparer à manger pour sa femme et est plutôt centré sur ses proches. Même quand il est en groupe, il est plutôt discret. »
Les moments clés de son existence
En 150 pages, Pierre-Yves Carlier balaie la vie et l’œuvre de Victor Clet. Il y raconte ses meilleures interprétations, ses enregistrements, ses différents métiers, sa réputation « d’homme à femmes ». Avec plus ou moins de détails, Quèquette revient sur certains des moments importants qui ont jalonné son existence.
Entre chaque mot, un sentiment transpire : son amour inconditionnel pour la Guyane. « Il a eu des propositions pour aller jouer ailleurs, souligne Pierre-Yves Carlier, mais il était profondément attaché à la Guyane. C’est cela qui a motivé le choix du titre du livre. »
Retrouvez la présentation de Guyanais jusqu'à l'os dans l'émission Vaval 1ère, présentée par Jean-Pierre Beaunès, avec Victor Clet et Pierre-Yves Carlier, ci-dessous.