Dans son dernier rapport concernant l’Outre-Mer, la Cour des Comptes s’est penchée sur le bon usage ou pas des fonds européens. Si les Régions ultrapériphériques sont bonnes consommatrices de ces fonds on ne peut pas en dire autant de leurs usages et contrôles.
La Cour s’est penchée sur la programmation (2007 à 2013) des Fonds Européens Structurels et d’Investissement (FESI), soit 2 exercices, en Guyane, Guadeloupe, Martique, Mayotte et à la Réunion. Pour les hauts magistrats du contrôle des finances publiques, si une mobilisation optimale des crédits des FESI affectés aux RUP françaises est souhaitable compte tenu de l’importance des besoins locaux et de leurs effets de levier, encore convient-il de faire preuve de rigueur dans leur gestion.
2-FSE(*) : 89% des 100 M€ ont été sollicités, ce fond vise à soutenir l’emploi dans les États membres, mais aussi à promouvoir la cohésion économique et social
3-FEADER : 91% des 78 M€ alloués à la Guyane ont été sollicités, c’est instrument de financement et de programmation de la politique agricole commune (PAC)
4-FEP 100% des 5 M€ alloués ont été sollicités, c’est l’instrument de la politique européenne de la pêche qui octroie une aide financière à ce secteur afin de l'aider à s'adapter à l'évolution des besoins.
(*)En Guyane, la faiblesse de la consommation des crédits, FSE, s’explique par une série de dysfonctionnements. À la suite d’un audit de la Commission européenne ayant établi un manque général de rigueur dans la gestion du fonds et dans les contrôles, les paiements ont été suspendus entre mai 2015 et décembre 2016. Ils n’ont repris que sous la condition d’une correction forfaitaire de 5 %, assortie, en outre, de fortes corrections individuelles
Dans le tableau ultra-marin, la Guyane est loin de faire figure de mauvais élève. Cependant et de façon non exhaustive la Cours des Comptes à relever des exemples de projets dont la gestion interroge.
- 1er cas, une usine de transformation de la pêche :
le FEP et le FEDER ont été mis à contribution, respectivement, à hauteur de 1,5 M€ et de 1 M€, pour financer la construction et l’équipement d’une usine de seconde transformation des produits de la mer. L’entreprise bénéficiaire, qui partage une situation dominante avec une autre entreprise guyanaise, devait doubler ses capacités de traitement des matières premières pour atteindre 1.000 tonnes par an et capter de cette façon le tiers de la production locale de poissons et de crustacés. A posteriori, il apparaît que cet investissement s’est révélé disproportionné par rapport à la fragile assise financière de la société. Cette situation n’a pas empêché les deux dirigeants, au moment du versement des fonds en 2015, d’augmenter leurs salaires de 30 %. Au total, la puissance publique aura fourni plus de capitaux que les actionnaires et les banques, sans pouvoir peser sur la structuration du secteur, ni s’assurer que les retombées économiques attendues se sont effectivement produites.
- 2sd cas, le projet haut débit en Guyane :
dès 2004 la région a souhaité le déploiement d’un réseau à haut débit. En 2018, quatorze ans après la publication du schéma directeur initial et malgré une contribution du FEDER de plus de 10 M€, la preuve n’est toujours pas apportée que ce projet a permis le désenclavement numérique des régions isolées de la Guyane et de favoriser le déploiement d’opérateurs sur le réseau afin d’accroitre la concurrence et de faire baisser les prix. Le résultat constaté s’est donc substantiellement écarté de l’objectif initial : en définitive, l’investissement de l’Union européenne a servi pour partie à financer des équipements surannés dans la zone intérieure guyanaise.
L’enquête de la Cour a également mis au jour, tant pour le FEDER que pour le FSE, un mécanisme conduisant à constituer et à utiliser sans contrôle des « réserves » financières. En effet, le calcul des enveloppes de ces fonds dues par la Commission européenne aux États-membres se fonde sur des taux de subventionnement qui sont associés aux différents « axes » entre lesquels se ventilent les fonds. Or les autorités de gestion ne sont pas tenues d’appliquer les mêmes taux lorsqu’elles octroient des financements aux bénéficiaires finaux des fonds : les taux qu’elles retiennent peuvent être inférieurs. Dans ces conditions, l’écart entre les taux retenus en amont par la Commission et les taux appliqués en aval par les autorités de gestion engendre des excédents qui demeurent à la disposition de celles-ci. Si la constitution et l’accumulation de ces excédents ne sont pas irrégulières, l’utilisation qui en est faite se décide dans une complète opacité et échappe à tout contrôle. Ainsi, en Guyane, la « réserve » s’élève pour le fonds FSE, pour la période 2007-2013, à 11,8 M€, soit 15,2 % du montant dû aux bénéficiaires. La règlementation européenne n’interdit pas de minorer en gestion un taux fixé dans la maquette financière d’un fonds. La Commission n’en ignore pas l’existence de ces réserves, comme le prouvent les échanges qu’elle a eu à son sujet avec le secrétariat général des affaires européennes (SGAE) au deuxième semestre 2017, quand elle a tenté sans succès de la faire disparaître. Elle envisage désormais de demander, pour l’avenir, c’est-à-dire pour la programmation 2021-2027, la modification des règlements européens, afin d’éviter la pérennisation de ce mécanisme. Un contrôle d’opération mené en Guyane a ainsi montré que la « réserve » pouvait être employée pour éviter d’émettre un ordre de reversement, lorsque l’assiette des dépenses éligibles, à l’issue d’une vérification effectuée ex post par l’autorité d’audit, a été revue à la baisse. Dans le cas d’espèce, cette utilisation de la « réserve » a permis de maintenir la subvention à son niveau initial, alors que la base éligible diminuait, ce qui a conduit à appliquer un taux de subvention supérieur à celui qui était autorisé par la réglementation européenne. Cette pratique, qui consiste à mobiliser la « réserve » pour couvrir des irrégularités, n’est pas isolée.
C’est un autre des dysfonctionnements décrits : la clôture de la programmation 2007-2013 n'est pas encore prononcée, pour aucun des quatre fonds. La principale conséquence pratique de cette situation est le retard avec lequel la Commission européenne, peut débloquer les soldes de crédits restant à verser.
Mieux comprendre les fonds européens :
La gestion des FESI a été largement décentralisée à partir de 2014, au bénéfice des régions, puis, en Martinique et en Guyane, des collectivités uniques issues de la fusion, intervenue en décembre 2015, du conseil régional et du conseil départemental. La Cour a enquêté sur la gestion des quatre FESI dans cinq des RUP françaises au cours des deux programmations européennes successives 2007-2013, marquée par une forte mobilisation des crédits et une inégale qualité de gestion, et 2014-2020, caractérisée par « un manque d’anticipation porteur de risques. »
Les fonds européens structurels et d’investissement (FESI) sont des instruments financiers de l’Union européenne qui permettent de promouvoir le développement économique, social et territorial, le développement rural, ainsi que la pêche et les affaires maritimes. Ils sont au nombre de quatre :
- le fonds européen de développement régional (FEDER) ;
- le fonds social européen (FSE) ;
- le fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) ;
- le fonds européen pour la pêche (FEP en 2007-2013), devenu fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) en 2014-2020.
Les régions dites « ultrapériphériques » (RUP) sont de grandes bénéficiaires des FESI. Il s’agit de territoires de l’Union européenne situés en dehors du continent européen, dont la situation économique et sociale structurelle « est aggravée par leur éloignement, l’insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles, leur dépendance économique vis-à-vis d’un petit nombre de produits». Six des neuf RUP sont françaises : la Martinique, la Guadeloupe, Saint-Martin, la Guyane, La Réunion, Mayotte. Alors qu’elles ne représentent que 3,2 % de la population nationale, elles recueillent près d’un cinquième des financements des FESI attribués à la France, soit 3,9 Md€ pour la période 2007-2013 et 4,8 Md€ pour la période 2014-2020. Elles peuvent utiliser ces fonds pour financer à hauteur de 85 % les projets sélectionnés, contre 50 % à 60 % en métropole.
(Source: Cours des Comptes)
« Le fait qu’il s’agisse de fonds européens ne dispense en rien du respect des règles applicables ni du double souci de l’efficacité et de l’efficience qui doit caractériser l’emploi de l’argent public. »
Sur la période observée, la Cour constate la concomitance d’un taux élevé d’utilisation des fonds et d’une inégale qualité de gestion.
Le détail des consommations :
1-FEDER : 100% des 305 M€ de crédits ont été sollicités, ce fond vise à renforcer la cohésion économique et sociale au sein de l’Union européenne en corrigeant les déséquilibres régionaux)2-FSE(*) : 89% des 100 M€ ont été sollicités, ce fond vise à soutenir l’emploi dans les États membres, mais aussi à promouvoir la cohésion économique et social
3-FEADER : 91% des 78 M€ alloués à la Guyane ont été sollicités, c’est instrument de financement et de programmation de la politique agricole commune (PAC)
4-FEP 100% des 5 M€ alloués ont été sollicités, c’est l’instrument de la politique européenne de la pêche qui octroie une aide financière à ce secteur afin de l'aider à s'adapter à l'évolution des besoins.
(*)En Guyane, la faiblesse de la consommation des crédits, FSE, s’explique par une série de dysfonctionnements. À la suite d’un audit de la Commission européenne ayant établi un manque général de rigueur dans la gestion du fonds et dans les contrôles, les paiements ont été suspendus entre mai 2015 et décembre 2016. Ils n’ont repris que sous la condition d’une correction forfaitaire de 5 %, assortie, en outre, de fortes corrections individuelles
Du bon usage des fonds :
Dans le tableau ultra-marin, la Guyane est loin de faire figure de mauvais élève. Cependant et de façon non exhaustive la Cours des Comptes à relever des exemples de projets dont la gestion interroge.- 1er cas, une usine de transformation de la pêche :
le FEP et le FEDER ont été mis à contribution, respectivement, à hauteur de 1,5 M€ et de 1 M€, pour financer la construction et l’équipement d’une usine de seconde transformation des produits de la mer. L’entreprise bénéficiaire, qui partage une situation dominante avec une autre entreprise guyanaise, devait doubler ses capacités de traitement des matières premières pour atteindre 1.000 tonnes par an et capter de cette façon le tiers de la production locale de poissons et de crustacés. A posteriori, il apparaît que cet investissement s’est révélé disproportionné par rapport à la fragile assise financière de la société. Cette situation n’a pas empêché les deux dirigeants, au moment du versement des fonds en 2015, d’augmenter leurs salaires de 30 %. Au total, la puissance publique aura fourni plus de capitaux que les actionnaires et les banques, sans pouvoir peser sur la structuration du secteur, ni s’assurer que les retombées économiques attendues se sont effectivement produites.
- 2sd cas, le projet haut débit en Guyane :
dès 2004 la région a souhaité le déploiement d’un réseau à haut débit. En 2018, quatorze ans après la publication du schéma directeur initial et malgré une contribution du FEDER de plus de 10 M€, la preuve n’est toujours pas apportée que ce projet a permis le désenclavement numérique des régions isolées de la Guyane et de favoriser le déploiement d’opérateurs sur le réseau afin d’accroitre la concurrence et de faire baisser les prix. Le résultat constaté s’est donc substantiellement écarté de l’objectif initial : en définitive, l’investissement de l’Union européenne a servi pour partie à financer des équipements surannés dans la zone intérieure guyanaise.
Des « réserves » financières aux usages opaques
L’enquête de la Cour a également mis au jour, tant pour le FEDER que pour le FSE, un mécanisme conduisant à constituer et à utiliser sans contrôle des « réserves » financières. En effet, le calcul des enveloppes de ces fonds dues par la Commission européenne aux États-membres se fonde sur des taux de subventionnement qui sont associés aux différents « axes » entre lesquels se ventilent les fonds. Or les autorités de gestion ne sont pas tenues d’appliquer les mêmes taux lorsqu’elles octroient des financements aux bénéficiaires finaux des fonds : les taux qu’elles retiennent peuvent être inférieurs. Dans ces conditions, l’écart entre les taux retenus en amont par la Commission et les taux appliqués en aval par les autorités de gestion engendre des excédents qui demeurent à la disposition de celles-ci. Si la constitution et l’accumulation de ces excédents ne sont pas irrégulières, l’utilisation qui en est faite se décide dans une complète opacité et échappe à tout contrôle. Ainsi, en Guyane, la « réserve » s’élève pour le fonds FSE, pour la période 2007-2013, à 11,8 M€, soit 15,2 % du montant dû aux bénéficiaires. La règlementation européenne n’interdit pas de minorer en gestion un taux fixé dans la maquette financière d’un fonds. La Commission n’en ignore pas l’existence de ces réserves, comme le prouvent les échanges qu’elle a eu à son sujet avec le secrétariat général des affaires européennes (SGAE) au deuxième semestre 2017, quand elle a tenté sans succès de la faire disparaître. Elle envisage désormais de demander, pour l’avenir, c’est-à-dire pour la programmation 2021-2027, la modification des règlements européens, afin d’éviter la pérennisation de ce mécanisme. Un contrôle d’opération mené en Guyane a ainsi montré que la « réserve » pouvait être employée pour éviter d’émettre un ordre de reversement, lorsque l’assiette des dépenses éligibles, à l’issue d’une vérification effectuée ex post par l’autorité d’audit, a été revue à la baisse. Dans le cas d’espèce, cette utilisation de la « réserve » a permis de maintenir la subvention à son niveau initial, alors que la base éligible diminuait, ce qui a conduit à appliquer un taux de subvention supérieur à celui qui était autorisé par la réglementation européenne. Cette pratique, qui consiste à mobiliser la « réserve » pour couvrir des irrégularités, n’est pas isolée.
Une clôture tardive dans toutes les collectivités
C’est un autre des dysfonctionnements décrits : la clôture de la programmation 2007-2013 n'est pas encore prononcée, pour aucun des quatre fonds. La principale conséquence pratique de cette situation est le retard avec lequel la Commission européenne, peut débloquer les soldes de crédits restant à verser.Mieux comprendre les fonds européens :
La gestion des FESI a été largement décentralisée à partir de 2014, au bénéfice des régions, puis, en Martinique et en Guyane, des collectivités uniques issues de la fusion, intervenue en décembre 2015, du conseil régional et du conseil départemental. La Cour a enquêté sur la gestion des quatre FESI dans cinq des RUP françaises au cours des deux programmations européennes successives 2007-2013, marquée par une forte mobilisation des crédits et une inégale qualité de gestion, et 2014-2020, caractérisée par « un manque d’anticipation porteur de risques. »
Les fonds européens structurels et d’investissement (FESI) sont des instruments financiers de l’Union européenne qui permettent de promouvoir le développement économique, social et territorial, le développement rural, ainsi que la pêche et les affaires maritimes. Ils sont au nombre de quatre :
- le fonds européen de développement régional (FEDER) ;
- le fonds social européen (FSE) ;
- le fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) ;
- le fonds européen pour la pêche (FEP en 2007-2013), devenu fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) en 2014-2020.
Les régions dites « ultrapériphériques » (RUP) sont de grandes bénéficiaires des FESI. Il s’agit de territoires de l’Union européenne situés en dehors du continent européen, dont la situation économique et sociale structurelle « est aggravée par leur éloignement, l’insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles, leur dépendance économique vis-à-vis d’un petit nombre de produits». Six des neuf RUP sont françaises : la Martinique, la Guadeloupe, Saint-Martin, la Guyane, La Réunion, Mayotte. Alors qu’elles ne représentent que 3,2 % de la population nationale, elles recueillent près d’un cinquième des financements des FESI attribués à la France, soit 3,9 Md€ pour la période 2007-2013 et 4,8 Md€ pour la période 2014-2020. Elles peuvent utiliser ces fonds pour financer à hauteur de 85 % les projets sélectionnés, contre 50 % à 60 % en métropole.
(Source: Cours des Comptes)