Le site est désert. Située à Sinnamary, la société "Guyane Spiruline" est à l’arrêt depuis plusieurs semaines. Selon nos informations, une bonne partie du matériel n’est plus opérationnel.
Matériels, locaux, gestion…
Le gardien, Didier Charles, est le seul présent sur les lieux. En quelques mots, il décrit rapidement les multiples difficultés connues par l’entreprise. "Inadaptation du matériel, inadaptation des locaux, aucune gestion d’entreprise, un patron qui n’est jamais là et qui ne vous paie pas !", s’indigne-t-il. Le gardien avait deux mois de salaire en retard. Il a été payé peu après notre visite.
Regardez le reportage de Guyane La 1ère :
Une micro-algue très en vogue
En janvier 2024, cette toute nouvelle entreprise avait reçu la visite du maire de Sinnamary et du préfet, puis, en avril, une délégation de la Communauté des Communes Des Savanes (CCDS) et du spatial.
Dans les locaux de "Guyane Spiruline", ces visiteurs de marque découvraient d’imposantes colonnes d’eau servant à produire la spiruline. Cette micro-algue, vendue en fibre, est excellente pour la santé. Il est possible d’en extraire de la phycocyanine, un stimulant immunitaire.
Un million 222 mille euros d’argent public
Depuis 2023, "Guyane Spiruline" est soutenue par des fonds publics. Elle a reçu une subvention de 490 mille euros de l’Etat au titre du Plan France Relance, mais aussi 120 mille euros versés au capital par le fonds "Alyse Guyane", de la CTG. Elle a également bénéficié d’un emprunt de 312 milles euros de la Banque des Territoires, et plus de 300 mille prêtés par Alyse Guyane.
Au total, "Guyane Spiruline" aura touché un million 222 mille euros d’argent public. "Il a des gens qui souffrent, qui cherchent des emplois, là c’était porteur d’emploi, si cela avait été bien géré", s’indigne le gardien, Didier Charles.
200 kilos produits au lieu de 10 à 13 tonnes
La société est passée de huit à quatre salariés, et elle ne rembourse plus ses prêts.
"Guyane spiruline" est née avec l’objectif de produire dix à treize tonnes de spiruline par an. Elle affichait même ce chiffre sur son site internet. Dans les faits, elle en produira moins de 200 kilos.
Joint par téléphone, le président de l’entreprise est actuellement dans l’Hexagone. Jean-Louis Vidalo évoque des problèmes de ressources humaines, une invasion de papillons-cendres, et reconnaît aussi des erreurs.
Des erreurs de gestion
"Il y a eu des erreurs de gestion à l’évidence", avoue Jean-Louis Vidalo.
Sur le plan technique, j’ai été trop optimiste sur la mise en application de technologies très pointues et qui demandent encore des mois pour être au point, surtout dans les conditions spécifiques de la Guyane.
Jean-Louis Vidalo, président de "Guyane spiruline"
Jean-Louis Vidalo s’affiche comme un spécialiste de la spiruline. Malgré les difficultés, il compte bien relancer le projet.
Encore de l’espoir
"J’ai bon espoir que dans les jours qui viennent on signe un accord avec de nouveaux investisseurs et partenaires économiques pour relancer l’activité à Sinnamary", envisage Jean-Louis Vidalo, président de "Guyane Spiruline". Il va même plus loin et espère "monter une deuxième structure pour développer les fameux sticks humanitaires et immunitaires pour lesquels nous avons un marché très important et qui se fera probablement sur la région de Cayenne".
Que le secteur privé prenne le relais
"Alyse Guyane", le fonds de capital risque de la CTG, détient 40% des parts de "Guyane Spiruline". Il a aussi prêté 400 mille euros à l'entreprise. Le président du fonds, élu de la collectivité, souhaite que le secteur privé prenne le relais
"Nous n’irons pas plus loin", prévient Jean-Luc Le West.
Il faut impérativement que cette entreprise se recapitalise. Qu’elle puisse obtenir une recapitalisation avec un actionnaire actif au sein de l’entreprise qui gère les actifs financiers. Il appartiendra ensuite à l’équipe technique dirigée par le docteur Vidalo de continuer cette production.
Jean-Luc Le West, élu à la CTG
L’histoire de "Guyane Spiruline" illustre les difficultés des bio-technologies. De nombreuses entreprises du secteur dépendent au départ de fonds publics, et ne deviennent rentables qu’après des années de développement. Encore faut-il qu’elles survivent.