Haïti sous l’emprise des gangs criminels

Depuis quelques années, le racket, les trafics et les règlements de compte empoisonnent la vie de l’île. En particulier dans les bidonvilles comme Cité Soleil à Port-au-Prince où les habitants subissent la loi des gangs. Les échanges de coups de feu de ceux-ci les obligent de plus en plus à partir.
Venite Bernard Sentada a les pieds blessés. Récemment elle a dû fuir précipitamment,  pieds nus, son bidonville de Cité Soleil, pour protéger ses 4 plus jeunes enfants. Une fusillade avait éclaté entre des membres de gangs criminels, suite au meurtre d’un caïd. Elle s’inquiète pour ses 2 aînés adultes, restés là-bas :

« Je ne pense pas qu'ils les ont tués, mais je ne sais pas où ils sont. Je me sens malade, je ne peux pas marcher pour aller les chercher. »


Trouver « un endroit où vivre »…

La violence a toujours existé à Cité Soleil. Elle semble avoir atteint un paroxysme, poussant des centaines d’habitants à tout abandonner, pour se réfugier dans la cour de la mairie. Rose Kerline Donassaint décrit les attentes liées à cette situation provisoire :

« Nous sommes tous ici à cause des coups de feu, nous ne pouvons pas vivre dans l'abri où nous étions. Nous n'avons nulle part où vivre. Maintenant, nous sommes ici à la mairie. Ils nous ont donné de la nourriture, mais nous avons besoin d'un endroit où vivre… »


Un pays en coupe réglée

Et ce n’est pas simple. Plus de 96 gangs ont mis Haïti en coupe réglée. Si elle subit l’omniprésence du racket, l’île est aussi devenue une plaque tournante du trafic de drogue vers les Etats Unis. 500 000 armes à feu illégales y circuleraient. En 2 jours plusieurs dizaines de personnes auraient été tuées dans des règlements de comptes, sans intervention de la police. Celle-ci est déjà bien occupée par les manifestations contre le pouvoir.


Des gangs qui se vendent au pouvoir ou à l’opposition…

Le président de la république, Jovenel Moïse, veut  renforcer les forces de l’ordre face à la criminalité. Mais le doute subsiste. Car beaucoup dénoncent l’instrumentalisation des gangs, par le gouvernement, comme par l’opposition. William Dorelus, lui aussi résident du bidonville décrit ainsi l’attitude des membres des associations criminelles.

« Quand ils reçoivent de l'argent de ceux qui sont au pouvoir, ils exigent que les gens ne sortent pas manifester. Au contraire, lorsque l'opposition leur donne de l'argent, ils forcent les gens à participer aux manifestations. Ceux qui n'obéissent pas quittent le quartier ou meurent… »


Issue difficile

La situation sera donc difficile à redresser. D’autant que l’impasse politico-économique, fait redouter à l’ONU une nouvelle crise humanitaire en Haïti. Un contexte généralement favorable à l’économie parallèle des gangs criminels.