Une enquête migrations, famille, vieillissement de l’Ined de 2023 révèle l’importance de la population d’origine étrangère sur le territoire guyanais qui compte officiellement 301 099 habitants. En 2020-2021, les 18-79 ans vivant en Guyane sont majoritairement des personnes n’y étant pas nées soit 60%. Nommés immigrants, ils sont majoritairement natifs des pays d’Amérique du Sud ou des Caraïbes. Haïti est en tête avec 23% des hommes et 30% des femmes.
Une diaspora qui ne s’exprime que sur la radio communautaire
Alors que les médias sont polarisés sur la situation de guerre civile vécue par les Haïtiens depuis des mois, la diaspora haïtienne de Guyane demeure pratiquement silencieuse. Une conférence organisée le 16 mars sur les causes et les conséquences de la crise haïtienne a réuni peu de monde.
Selon l’essayiste Ringo Gervais également animateur d’une émission très populaire « Couleurs matinales » sur la radio communautaire « Radio Mosaïque », il y a plusieurs facteurs qui peuvent expliquer ce silence. Nombre de ressortissants se trouvent en situation illégale sur le territoire guyanais et se terrent. L’opération « Place nette » avec un grand déploiement des forces de l’ordre sur tous les axes routiers et l’accentuation des contrôles limitent les déplacements. Par ailleurs, certains Haïtiens craignent les représailles qui pourraient s’exercer sur leurs familles restées au pays. Il ne s’agirait pas d’indifférence mais plutôt d’impuissance précise Ringo Gervais :
« La diaspora haïtienne de Guyane participe activement à l'émission Couleurs Matinales sur Radio Mosaïque. Nous abordons des sujets tels que la responsabilité de la communauté internationale, les défis potentiels liés à un éventuel effondrement de l'État haïtien, la disparition de la police nationale d’Haïti (PNH) et comment coexister avec les gangs. En outre, certaines associations organisent des conférences et discutent même d’une éventuelle marche en soutien à Haïti. Chaque jour de la semaine, ils partagent leurs témoignages sur ces questions.»
Les interrogations sont aussi nombreuses sur la forme que pourraient prendre les aides internationales à la population haïtienne car des aides antérieures ont été vécues comme une ingérence insupportable.
« Il est cardinal de fournir ce soutien de manière collaborative, en valorisant les efforts locaux et en incluant la participation active de la société haïtienne. Pour que l'aide humanitaire soit véritablement efficace et durable, la relation avec Haïti doit évoluer vers une approche plus productive et à long terme. Cela signifie non seulement entendre le cri d’Haïti, mais également écouter les besoins réels du peuple haïtien. »
Pour l’essayiste l’avenir politique et économique de l’île passe par une alliance avec la République dominicaine, il prône une Caraïbe unie :
« L'avenir d'Haïti demeure incertain avec la possibilité qu'il soit économiquement absorbé par la CARICOM. Les Haïtiens ont déjà accès à un passeport caribéen, bien qu'ils soient considérés comme des non-ressortissants de la région. Une monnaie unique pour la région pourrait entraîner la disparition de la gourde haïtienne. Une autre option serait d'avoir un gouvernement pour l'île impliquant la République dominicaine et la République d'Haïti, avec deux dirigeants partageant le pouvoir de manière égale. La crise actuelle en Haïti souligne la nécessité de synchroniser l'espace caribéen pour répondre aux exigences de notre époque en évolution. Une Caraïbe Unie n’est pas inconcevable ».
En attendant que l’horizon s’éclaircisse, les Haïtiens sont plongés dans un climat de terreur et de souffrances interminables.