"La dengue est généralement bénigne [...] On l'appelle parfois la grippe tropicale mais son évolution est dangereuse pour certains sujets", d'après le professeur Narcisse Elenga, chef du service pédiatrie et responsable du centre intégré de drépanocytose au Centre Hospitalier de Cayenne.
Face à la recrudescence des cas de dengue en Guyane (plus de 800 cas confirmés depuis le début de l'année 2024), la population est appelée à la prudence. Certaines personnes doivent faire plus attention en raison de leurs conditions de santé.
Les patients qui ont de l'anémie chronique, comme les drépanocytaires, ont un risque de développer des formes graves de la dengue.
Pr. ELENGA
Des symptômes multipliés par deux
Dans une étude menée en 2019, le Pr. Elenga démontre que les personnes drépanocytaires développent une forme particulièrement sévère du virus. Il s'est basé sur un échantillon de 106 patients, des enfants touchés par la dengue, dont 70 étaient drépanocytaires.
Ceux qui faisaient le plus souvent des dengues hémorragiques, et qui mourraient, étaient plus souvent les drépanocytaires. Parmi les deux drépanocytoses, ce sont les formes SC qui décèdent le plus alors qu'ils ont la forme la moins grave de la maladie.
Pr. ELENGA
"La dengue et la drépanocytose partagent des phénomènes communs qui peuvent expliquer ce développement : des phénomènes inflammatoires, des phénomènes circulatoires", explique-t-il. Et de poursuivre : "les deux phénomènes sont additifs." En clair, les symptômes de base sont multipliés par deux chez ces patients.
Les drépanocytaires de type hétérozygote composite SC (HbSC) ont plus de sang, précise le Pr. Elenga. C'est une caractéristique généralement bénéfique, c'est d'ailleurs la forme la moins grave de la maladie, mais qui va participer à aggraver les phénomènes dits circulatoires.
Une haute surveillance
Il faut donc appliquer une vigilance particulière pour les patients atteints de drépanocytose. Avant-tout, l'utilisation des produits répulsifs est vivement conseillée. S’ils contractent néanmoins le virus, ils doivent être hospitalisés pour une surveillance rapprochée et être examinés régulièrement.
En août 2023, une jeune femme drépanocytaire est décédée en Guadeloupe après avoir contracté la dengue. Chez nous, deux cas de dengues sévères sur des enfants drépanocytaires ont été déclarés, confirme Pr. Elenga, mais pas de décès car les malades ont été suivis de près.
En Guyane, la drépanocytose constitue un problème de santé publique : 10% de la population est porteuse du gène, selon l'Oberservation Régional de la Santé. Chaque année, on observe entre 25 à 30 nouveau-nés drépanocytaires sur le territoire.