Le quartier de Carrefour-Feuilles, à quelques encablures du centre de Port au Prince, s'est transformé en zone de guerre. Le dernier bilan de l'ONU décompte plus de 2 400 morts en Haïti depuis le début de l'année 2023. Les gangs contrôlent plus de 80% de la capitale Port-au-Prince. Depuis l'assassinat du président Jovenel Moïse, il y a deux ans, le pays sombre dans le chaos.
Les habitants pris au piège
D'un côté, il y a ceux que la population appellent les "bandits", de l'autre la police haïtienne, mal équipée et en sous-effectif. Et au milieu, des habitants pris au piège. "Ça tire depuis 22 jours, c'est insupportable", témoigne un homme qui a décidé de rester dans son quartier, malgré le danger.
Mais d'autres, comme Yolanda, âgée d'une cinquantaine d'années, se sont résignés à fuir alors que les combats se rapprochaient. Elle avance péniblement, une valise sur la tête.
"Nous ne pouvons plus rester chez nous. Les bandits nous pourchassent."
Yolanda, une habitante qui fuit le quartier de Carrefour-Feuillesà franceinfo
Yolanda explique pourquoi elle a fini par quitter son quartier : "Ils mettent le feu aux maisons et tuent des gens. Ils n'arrêtent pas de tirer. La fumée, là-bas, ce sont des maisons et des écoles qu'ils sont en train d'incendier. Ils brûlent tout, même les gens. Les enfants, comme les adultes. Maintenant, nous n'avons nulle part où aller. Nous vivons tous dans la rue, nous dormons dehors sous la pluie."
Des milliers de déplacés s'entassent où ils peuvent
Yolanda va rejoindre les milliers de déplacés de Carrefour-Feuilles qui s'entassent depuis plus d'un mois dans les écoles, les parcs publics ou les complexes sportifs de Port-au-Prince. À côté du gymnase Vincent, le terrain de basket est transformé en camping, parsemé de tentes occupées par des familles qui ont tout perdu. Dominique Charles a laissé derrière elle sa maison et surtout des proches à qui les groupes armés n'ont laissé aucune chance.
"J'ai perdu sept membres de ma famille. J'ai appris par la suite qu'ils avaient tous été brûlés vifs. Je suis une morte vivante."
Dominique Charles, ancienne habitante du quartier de Carrefour-Feuillesà franceinfo
Face à la violence des gangs, les Haïtiens excédés se font justice eux-mêmes. Les lynchages d'hommes soupçonnés de faire partie des groupes armés se multiplient. Pour mettre fin à cette spirale de la violence, les Nations Unies envisagent l'envoi d'une force étrangère, mais cette décision est loin de faire l'unanimité parmi les Haïtiens. Ils redoutent qu'elle se transforme en force d'occupation.