Jeanine, décédée à 22 ans à l’hôpital: un rapport reçu, mais des questions toujours sans réponse

Jean et Diana Phanis, tenant le portrait de leur fille Jeanine
Jeanine Phanis est décédée au Centre hospitalier de l’Ouest guyanais le 3 juillet 2024. Depuis, ses parents ne cessent de réclamer des informations et ont porté plainte contre l’hôpital. Ce vendredi 8 novembre, soit plus de quatre mois après le décès de leur enfant, ils ont reçu le rapport circonstancié de l’hôpital, mais n’en savent pas plus.

Depuis le 3 juillet, date du décès de leur fille Jeanine, Diana et Jean Phanis oscillent entre incompréhension et colère. Ce qui a provoqué la mort de Jeanine au Centre hospitalier de l’Ouest guyanais (Chog), ils n’en savent rien. Et le document qu’ils ont reçu par courrier recommandé, ce vendredi matin, ne les éclaire en rien.

Pour tenter de démêler le fil de cette histoire, il faut remonter le temps. Jeanine, 22 ans, est étudiante de licence et vit dans l’Hexagone. Suite à une déception sentimentale, elle revient au pays, chez ses parents à Saint-Laurent du Maroni. Parce que la jeune femme, s’alimente peu et souffre de troubles du sommeil, son médecin traitant l’oriente vers l’hôpital. Jeanine restera près d’une semaine aux urgences du Chog, à subir des analyses, accompagnée de sa mère Diana. Le 2 juillet, elle est orientée vers le service de santé mentale.

Ses derniers mots : « Papa, je ne veux pas rester là »

La suite, ce sont les parents de Jeanine qui ra racontent, le 30 octobre, lors d’une conférence de presse qu’ils donnent accompagnés de leur avocat Maitre Jean-Yves Marcault-Derouard, et de membres de l’Association des usagers du Chog (AduChog) « Dès qu’on est arrivés, ma fille m’a dit "Papa, je ne veux pas rester là". » se souvient Jean Phanis. Dans ce service, les accompagnateurs ne sont pas admis. Diana Phanis ne peut donc pas rester avec sa fille. Dans la soirée du mercredi 3 juillet, les parents sont appelés : leur fille est « en train de mourir » aux urgences. Les parents se précipitent sur place « Dès que je suis arrivé, indique le père, j’ai vu un médecin qui m’a dit: "ce n’est pas moi qui ai tué votre fille, si vous avez besoin de réponses, il faut aller au service psychiatrie". Les personnes qui étaient là m’ont dit que cela faisait deux heures qu’on essayait de la réanimer. »

Les parents de Jeanine ont donné une conférence de presse avec leur avocat et l'association des usagers du Chog

Les parents restent avec le corps de leur fille et racontent le traumatisme de la voir partir pour la chambre mortuaire « Ils l’ont emballée comme un paquet, puis on est descendu avec eux… » Le certificat de décès, que nous avons consulté, stipule qu’il n’y a « pas d’obstacle médico-légal ». Cette case doit être cochée en cas de décès dans des conditions suspectes, violentes ou inconnues. Toujours selon le certificat de décès, médecin n'a pas, non plus, demandé d’autopsie.

Plainte déposée le 6 août

Jeanine sera enterrée au cimetière de Saint-Laurent le 12 juillet. Le 15 et 16 juillet, la famille décrit au Chog pour obtenir le dossier médical. Sans réponse, ils déposent plainte le 6 août. Ces démarches seront suivies d’une rencontre, le 6 septembre, avec un membre de la direction du Centre hospitalier de l’Ouest guyanais qui présente ses condoléances et s’excuse pour les « défaillances dans la communication » avec les proches.  À ce moment : les parents de Jeanine repartent avec une promesse : la diffusion proche du dossier médical qui était à ce stade « en cours de rédaction ». Le Chog promet également un rapport circonstancié sur la prise en charge.

Lorsqu’ils reçoivent le dossier médical deux semaines après la rencontre, la famille n’apprend rien de plus. « C’est un dossier médical manifestement expurgé qui est arrivé dans les mains de la famille » avance l’avocat Jean-Yves Marcault-Derouard.

Un rapport « qui ne dit rien »

Ce vendredi 8 novembre, le tant attendu rapport circonstancié est parvenu à la famille Phanis. La colère de Jean Phanis est perceptible. « Ils jouent avec nos sentiments, notre peine, notre tristesse. Ce rapport ne dit rien. Je ne comprends pas tout et je vais voir mon médecin de famille pour comprendre ce qu’il dit. Mais ce qu’on voit déjà, c’est que le rapport ne parle que du passage aux urgences, à partir de son arrivée à 19h03. Rien n’est dit sur son séjour en psychiatrie.»

La famille regrette un manque d'informations concernant la prise en charge de Jeanine

Laurent Priou, président de l’AduChog, toujours aux côtés de la famille, enfonce le clou : « Lors de notre rencontre, le Chog avait promis un rapport complet. On nous avait même dit que la partie du service psychiatrie était déjà rédigée et qu’il ne manquait que celle des urgences. Là, le rapport reçu ne parle pas de la psychiatrie, or, c’est probablement là qu’il faut rechercher la cause du malaise. »

Pas d'événement indésirable grave

Contacté, le Centre hospitalier de l'Ouest guyanais a indiqué que seule l'Agence régionale de santé de Guyane pourrait communiquer sur ce dossier. Dans sa réponse, l'ARS rappelle que ce décès n’a pas fait l’objet d’un signalement d’événement indésirable grave de la part des équipes du Chog. Ce dispositif permet à tout personnel de santé de prévenir les autorités telles l’ARS de la survenue d’un « évènement inattendu au regard de l’état de santé et de la pathologie de la personne et dont les conséquences sont le décès, la mise en jeu du pronostic vital, la survenue probable d’un déficit fonctionnel permanent, y compris une anomalie ou une malformation congénitale » selon la définition de la Haute autorisé de santé. L’Objectif étant de comprendre les raisons de cet événement et d’éviter qu’il ne se reproduise.

L'ARS promet plus de communication

Répondant à nos sollicitations, le Directeur par intérim de l’ARS, exprime son soutien à la famille et indique : « en raison de l’importance que j’accorde à la qualité et à la transparence des soins, j’ai demandé à Madame Ninon Gautier (la directrice nouvellement en poste, ndlr) de me transmettre tous les éléments précis et exhaustifs concernant la prise en charge de Madame Phanis. » Romain Brochard précise : «  La sécurité des soins et la communication claire avec les patients et leurs familles figurent parmi les priorités majeures de l’ARS Guyane. Nous nous engageons à renforcer continuellement ces aspects, en partenariat avec l’ensemble des établissements et professionnels de santé du territoire. »

Suite au rapport reçu ce vendredi, famille Phanis va de nouveau rédiger un courrier recommandé à l’hôpital, ainsi qu’à l’Agence régionale de santé, déjà destinataire d’une première lettre en juillet.  « On a essayé d’être compréhensifs, mais là ils dépassent les bornes » glisse Jean Phanis.