Journée mondiale Alzheimer : Prendre conscience de la maladie de son proche, une acceptation difficile pour les aidants

Autour des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer doit s’instaurer une organisation médicale et familiale souvent complexe. Certes, il existe les dispositifs santé de l’Etat mais la solidarité familiale joue un grand rôle dans l'accompagnement des malades. Une réalité qui ne s’admet pas facilement pour ceux qui deviennent des aidants. Témoignages.

« Je dois dire que notre vie a changé du jour au lendemain. Même si nous savions que l’état de notre mère de 91 ans, diagnostiquée Alzheimer depuis une décennie, la rendrait entièrement dépendante de nous, un jour. Quand cela est arrivé et que j’ai compris qu’il faudrait que je m’investisse davantage quotidiennement, j’ai mis trois mois à l’accepter ».

Claire, grand-mère, exerce toujours des activités professionnelles. Elle parle avec sincérité de ce moment où elle s’est rendu compte qu’elle ne disposerait plus librement de son temps, de ses vacances, serait moins présente pour son petit-fils et verrait, au quotidien, l’état mental et physique de sa mère se dégrader.  
Une réalité qui conduit, selon les personnes, à une grande souffrance psychologique et parfois, à l’épuisement.

« Il m’a fallu 10 ans pour accepter... ma mère c’était mon poto mitan »

Émilie s’occupe de sa mère atteinte de la maladie d’Alzheimer depuis 12 ans. Quand cela a commencé, elle avait 36 ans, un jeune enfant et n’était pas préparée à affronter une telle situation. Et pourtant,t il a fallu faire face. Pendant qu’elle évoque sa mère et son rôle d’aidante, les larmes d’Emilie coulent :

« J’essaie de relativiser mais c’est difficile. Je n’ai plus ma mère et c’était mon poto mitan… J’ai perçu un changement chez elle après un retour de vacances. Elle oubliait, m’appelait plusieurs fois par jour et se trompait dans ses réunions et activités de jour… Cela m’a interpellé, j’ai posé des questions à un spécialiste d’Alzheimer et j’ai eu l’impression que c’était cela tout en me répétant - J’espère que ce n’est pas cela ! J’étais entre les deux… Puis, pour subir une opération, ma mère a passé un scanner que j’ai montré à un neurologue. Il m’a confirmé un diagnostic d’Alzheimer. J’ai beaucoup pleuré à ce moment-là… Cela s’est accéléré après une autre hospitalisation en clinique pour des tests concernant des douleurs à la hanche. Quand elle est ressortie, elle ne marchait plus. Désorientée, elle ne parlait plus. Il a fallu s’organiser rapidement pour l’aider car elle n’avait plus du tout d’autonomie… J’ai beaucoup pleuré, son état s’est détérioré en l’espace d’un an. Cela a été un tsunami pour moi. Elle était mon poto mitan, mon soutien, mon pilier, ma meilleure amie, ma confidente. J’ai mis des années à admettre cette situation, à faire le deuil de la personne qu’elle était. Mais la vie continue, je suis tout le temps dans la logistique et cela me permet de ne pas trop réfléchir… »

« Je n’ai toujours pas accepté mais je gère »

Olivier est un manager avec une activité professionnelle prenante et exigeante. Et pourtant, ce père de famille côtoie la maladie d’Alzheimer, au quotidien, depuis 15 ans. D’abord avec sa belle-mère, puis sa mère et sa grand-mère. Un long cheminement dans ce rôle d'aidant qui a mis à rude épreuve sa vie familiale :

« Ce rôle d’aidant, je l’assume depuis 15 ans. Cela a commencé avec ma belle-mère. Elle faisait toujours les mêmes tâches, posait des questions à répétition et oubliait beaucoup. Elle vivait alors, en France et la famille autour d’elle était dans le déni. Nous l'avons fait venir en Guyane, à la maison, et ont commencé, pour nous, des choses difficiles. Les médecins nous aident à prendre conscience et le diagnostic tombe, Alzheimer. Elle passe d'abord plusieurs mois en clinique, puis est placée en Ehpad. Quelque temps après, je constate que le comportement de ma mère change. Et là, c’est très compliqué pour nous car elle a un tempérament plus caractériel que celui de ma belle-mère. Elle est dans le déni et refuse l’aide. Pendant 5 ans, elle n’est pas suivie. Je vois la dégradation, elle s’isole, n’est plus coquette, elle fugue, je l’ai même perdue une fois. Son mari est dans le déni. Tout de même, elle finit par accepter un accompagnement de jour par l’Ebène. Pendant toute cette période ma peine est lourde et j’ai craqué quand j’ai eu fini d’installer sa chambre à l’Ehpad. Rien n'est plus pareil, et j’accepte cet état de fait quand je comprends qu’il faudra vivre avec. Le tunnel de fin c’est la mort. Au fur et à mesure de la dégradation de la personne, on se dit qu’il faut qu’elle aille se reposer mais c’est dur à vivre. On s’enferme dans le travail, dans autre chose pour essayer d’oublier. Mais, au fond, on n’accepte pas. Je gère une situation, je sais ce qui m’attend, je me prépare à vivre des moments encore plus compliqués et j’essaie de me forger une carapace que je n’ai pas. »

Dans la gestion de la maladie d’Alzheimer, pour l’instant encore incurable, se pose avec acuité la question des aidants familiaux confrontés à des situations douloureuses durant des années. Certains aidants développent eux-mêmes des maladies et s’épuisent.
Selon les chiffres nationaux, 30 % des personnes aidantes décèdent avant les victimes d’Alzheimer.