C’est un pan de l’histoire et de l’économie guyanaise du 20e qui sera mis en perspective par Delphine Ménoret, diplômée de l’Ecole des hautes études en sciences sociales ce 26 octobre. Sa conférence intitulée « Histoire de l’exploitation du balata, de la forêt à la frontière (1892-1928 et année 1960) ».
Le balata est un très grand arbre de 30 à 40 m. de hauteur qui est utilisé pour la construction de ponts, de platelages, pour réaliser de grosses charpentes. Mais il produit aussi une gomme qui fut exploitée, avec succès, au siècle dernier.
« La gomme du balata a servi à des applications industrielles au moment où ont été développés les câbles sous-marins. On avait besoin d’une gomme très isolante pour pouvoir transporter l’électricité et protéger les câbles à l’intérieur des océans […] La Guyane française a été la dernière à s’y mettre de tout le plateau des Guyanes où l’on trouvait cet arbre. L'espèce était très présente au Suriname, au Guyana, au Venezuela et la Guyane française avec son contexte particulier d’être une colonie pénitentiaire à la fin du 19e et où les industriels s’intéressaient surtout à l’or, s’y est mise un peu tardivement par rapport à ses voisins. »
Selon la conférencière, cela a été une filière prospère mais davantage pour les Surinamais en lien avec de nombreux trafics autour de cette activité. La période principale de l’exploitation du balata s’est arrêtée dans les années 20 après un pic en 1916 :
« Cela a repris dans les années 60 à l’initiative d’un entrepreneur aluku qui travaillait avec un fournisseur installé au Suriname. Cela a duré une décennie et cela a permis à la société aluku d’accéder, notamment, à des moteurs pour les pirogues. Cela s’est terminé avec l’arrêt des activités du fournisseur surinamais »
Difficile d’imaginer une reprise de l’activité dans le balata souligne Delphine Ménoret : « Le balata est arbre qui ne pousse pas en plantation, il faut aller le chercher très loin dans la forêt. Le balatiste exerce un métier très dur et dangereux, il doit grimper au faîte des arbres, la technique de saignée qui permet de récupérer la gomme balata est périlleuse. »
Par ailleurs, la surexploitation en Asie, d’une espèce similaire, a conduit à des mesures de protection pour que cette ressource perdure en Guyane.
La recherchiste Delphine Ménoret est aussi une cheffe opérateur dans le cinéma, spécialisée dans les documentaires. Elle a puisé ses sources aux archives de Guyane, de Saint-Laurent-du-Maroni, aux Anom (Archives nationales d'Outre Mer) à Aix en Provence, à la Chambre d’Industrie de Marseille et, de plus, a mené plusieurs entretiens sur le Haut Maroni avec Galmot Saïfa et d’autres anciens balatistes qui ont travaillé dans les années 60.