La situation est sans précédent : la demande d’asile a triplé en Guyane en 2024. Depuis le 1er janvier, plus de 20 000 personnes ont été reçues au SPADA, le Service de Premier Accueil des Demandeurs d’Asile à Cayenne, géré par la Croix Rouge. La plupart sont des ressortissants haïtiens vivant déjà sur le territoire.
20 000 demandes depuis le 1er janvier
"C’est une situation exceptionnelle au SPADA, s'exclame Jérôme Domec, directeur territorial de la Croix Rouge Guyane. En 2023, on avait 6900 personnes primo demandeurs d’asile et aujourd’hui plus de 20 000". Le SPADA est géré par la Croix Rouge pour le compte de l’OFII, l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration.
Regardez les précisions de Guyane La 1ère :
De nombreux ressortissants haïtiens
Depuis un an, le taux de réponse favorable de l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) aux demandeurs d’asile haïtiens a considérablement augmenté. Selon nos informations, il serait à plus de 70 %, en raison de la crise sécuritaire en Haïti. Cela a entraîné une augmentation très importante des demandes en Guyane.
S’organiser face à l’afflux massif
Le SPADA a dû s’organiser pour faire face à cet afflux massif de personnes, environ 300 personnes chaque jour. "Nous avons adapté notre capacité d’accueil, mis en place des formulaires à remplir et nous les convoquons ensuite", explique Jérôme Domec, directeur territorial de la Croix Rouge Guyane.
Devant la SPADA, un père de trois enfants, vit en Guyane depuis 2005. "Toute ma famille est ici, l’asile c’est l’espoir, il faut des années et de la patience", confie Desire Chevet.
Après la SPADA, la personne est convoquée au GUDA, Guichet Unique pour les Demandeurs d’Asile, géré par la préfecture et l’OFII. Le GUDA enregistre la demande et prépare le dossier qui est ensuite transmis à l’OFPRA, qui accorde ou non l’asile.
Des rendez-vous pour juillet 2026
"Le problème est que les rendez-vous au GUDA sont pour juillet 2026", déplore Henri Bahlit, président de la délégation territoriale de la Croix Rouge Guyane
L’explosion de la demande a rallongé les délais d’attente d’un rendez-vous au GUDA. C’est pourtant une étape indispensable pour que le demandeur soit reconnu administrativement et ait des droits liés à ce statut.
Aucun statut administratif pendant des mois
"Durant ce temps très long, les personnes n’ont pas de statut administratif, ce qui provoquent des difficultés dans la vie du quotidien, poursuit Henri Bahlit, président de la délégation territoriale de la Croix Rouge Guyane. Ils n’ont pas le droit au logement, pas d’allocation et pas possibilité de travailler donc pas de statut administratif".
Un manque d’anticipation, selon la Cimade
La Cimade, l’association de défense des droits des migrants, dénonce le manque d’anticipation des services de l’Etat sur la demande d’asile des ressortissants haïtiens.
"La situation n’est pas nouvelle, depuis plusieurs années, l’ONU et la CNDA, la Cour Nationale du Droit d’Asile, ont rappelé qu’il fallait octroyer la protection aux personnes haïtienne en raison de la situation dans leur pays", rappelle Mathieu Tetrel, président de la CIMADE Guyane.
On savait qu’il y avait une forte présence haïtienne en Guyane, donc on se doutait bien qu’elle reviendrait demander l’asile.
Mathieu Tetrel, président de la CIMADE Guyane
La CIMADE regrette que l’Etat n’est pas mis les moyens en amont pour gérer cette situation.
Des effectifs renforcés, répond l’Etat
De son côté, la préfecture de Guyane indique que l’accueil des demandeurs au GUDA a été renforcé, passant de cinq à dix fonctionnaires cette année.
"En 2023, on avait accueilli 7 000 demandeurs d’asile, à cette même date aujourd’hui on est déjà à plus de 7500", détaille Jérôme Millet, directeur de cabinet du préfet de Guyane.
Il y a quatre ans, on accueillait seulement 3000 demandeurs d’asile, donc on a renforcé les effectifs, on les a doublés, mais le délai d’attente reste excessivement long pour ces demandeurs.
Jérôme Millet, directeur de cabinet du préfet de Guyane
Chaque jour, 300 personnes sont reçues en moyenne à la SPADA, 70 seulement au GUDA, d’où le délai d’attente de plus d’un an et demi du côté de la préfecture.
Sollicité sur les chiffres de l’asile en Guyane depuis le 1er janvier et notamment le nombre de demandeurs reçus à l’asile, dont les ressortissants haïtiens, l’OFPRA n’a pas donné suite à notre demande à ce jour.