Un vendredi après-midi à Rémire-Montjoly. Au bout d’un chemin en latérite à Dégrad des cannes, des bruits retentissent, signes d’une activité intense. Bienvenue à la Fabrique du degrad.
Ce jour-là, dans les différents espaces de la structure, ils sont plusieurs à s’atteler à des activités créatives : travail du métal, fabrication d’objets en bois, découpe de patron en tissu. Leur point commun ? Tous sont là pour profiter d’un espace à leur disposition avec des machines adaptées à leurs besoins et des spécialistes prêts à les aider à mener leurs projets à terme.
- A voir: Un atelier collaboratif pour fabriquer ses propres meubles proposé par "La fabrique du dégrad"
Un espace collaboratif de travail
Ce tiers-lieu, terme qui désigne des environnements ouverts où les individus peuvent se rencontrer, échanger et collaborer, a vu le jour en 2019. Mais les prémices datent de 2016, à entendre Victor Gautier directeur de l’association. À l’époque, avec d’autres artisans autodidactes comme lui pour certains, il se lance dans la fabrication de mobilier à partir de matériaux de récupération et de bois local. « Au début, on travaillait dans nos jardins mais il nous a fallu assez vite un lieu de production. » Le collectif déniche l’endroit idéal : un site industriel laissé à l’abandon, à Degrad des cannes. Un arrangement est trouvé avec la propriétaire qui leur loue le lieu. En échange, ils s’engagent à le retaper et le mettre aux normes.
Redonner vie à un lieu vétuste, laissé à l’abandon
Aujourd’hui, sur un mur, des photos témoignent du chemin parcouru. Sur les plus anciennes, difficile de visualiser les façades sous la végétation. Pourtant, le groupe, de trois au départ, voit le potentiel de l’endroit. Différents mayouri permettront d’y installer leur association La Fabrique du Dégrad. «Juste pour cet étage, indique Victor Gautier, nous avons enlevé 3,5 tonnes de déchets ! »
Des ateliers pour le public
Rapidement, le collectif souhaite proposer autre chose, qui va dans le sens de leur démarche d’économie circulaire et de partage. Les premiers ateliers de la Fabrique du dégrad démarrent en 2020, avec des sessions autour du bois. D’autres s’y ajoutent. Désormais, dans ce tiers-lieu il est possible de travailler le bois, le métal, la terre, le tissu, même en étant novice, en adhérant à l’association et en fournissant un certificat d’assurance. Cédric, 43 ans, apprécie. « Je travaille dans l’informatique et je bricole pas mal, mais je ne travaillais pas trop le bois. J’ai participé à l’atelier « époxy » pour réaliser une planche à découper. J’avais déjà vu des vidéos sur le sujet, mais je n’avais pas eu l’occasion de tester. Je trouve ça pas mal de pouvoir bénéficier d’un large panel de machines et de l’expertise de professionnels. » Galvanisé par cette première expérience, Cédric a de nouvelles ambitions et envisage désormais de concevoir une table de salon.
Du matériel professionnel pour les particuliers
Tandis que Cédirc finit de poncer sa planche, Julie, 37 ans glisse des morceaux d’amarante et de bois serpent dans une dégauchisseuse. Habituée à créer des cadres à bijoux, elle est ravie de bénéficier d’un matériel professionnel. « Ma mère et ma sœur m’ont offert la participation à cet atelier. À la maison, je n’ai pas toutes ces machines. Venir ici me permet de perfectionner ma technique. »
Lieu de résidence pour les professionnels
Outre l’accueil des particuliers, la Fabrique du dégrad est également un lieu de rencontre pour les professionnels qui y sont en résidence. « Aujourd’hui, une dizaine de professionnels travaillent ici, indique Victor Gautier, dans différents domaines : le bois, le métal, le recyclage plastique, la couture, l’électricité, les arts numériques… Cela permet de créer des connexions intéressantes. »
Steffy à la tête des sociétés Îles de rose et Co&Co, partage l’espace depuis septembre dernier. Ici, non seulement elle donne des cours de couture, mais elle y réalise ses différentes créations parmi lesquelles des protections hygiéniques féminines réutilisables. « J’apprécie d’être entourée d’autres artisans et d’avoir un appui logistique en plus de la mutualisation du lieu et des machines », indique la créatrice qui ce jour-là apprend à Aurore et Carole à réaliser un short.
Label manufacture de proximité
Au départ, l’association compte six membres. En 2024, ils étaient 150. « Je pense que cette année, nous serons plus nombreux puisqu’à ce jour, en mars, nous en sommes déjà à 150 » se réjouit Victor Gautier. Désormais, la structure fonctionne avec cinq salariés. En 2022, elle a obtenu le label national de manufacture de proximité, lui ouvrant la voie à des financements variés allant de l’Etat aux collectivités locales. « Cela nous a permis d’aménager des espaces supplémentaires » reconnaît Victor Gautier. Ce jeudi, l’inauguration, sous forme de présentation pour les partenaires financiers. L’aboutissement de sept années de travail, mais également de point de départ vers de nouvelles activités : dans les espaces fraîchement réhabilités, l’association espère accueillir des événements grand public toujours dans l’esprit qui l’anime : le partage des idées et des talents.