Le centre d’accueil de La Verdure devait être temporaire. En juillet 2022, il accueillait 18 personnes dans d’anciens bureaux administratifs. Fin 2023, après leur évacuation de la place des Amandiers à Cayenne, des centaines de demandeurs d’asile syriens et afghans ont été transportées sur le site de La Verdure. Un transbordement effectué à l'abri des regards.
Camilllle Gaborieau/Catherine Lama •
Actuellement, environ 300 personnes vivent au camp La Verdure sans eau potable, ni électricité. Ils vivent dans de modestes habitations, faites de palettes et de bâches. Des abris totalement perméables les jours de pluie, comme en ce moment.
Camille Guédon, coordinatrice régionale de médecins du monde en Guyane souligne :
En plus des piqûres de moustiques, "On va avoir toutes les problématiques de santé qui sont liées à l'hygiène puisque l'eau est difficile d'accès, les toilettes sont fermées (bouchées). On va aussi avoir des problèmes de santé mentale puisqu'après un parcours migratoire difficile, ces personnes se retrouvent à la rue en Guyane."
L’inquiétante prolifération des rats vecteurs de la leptospirose
Le camp est une véritable déchetterie, qui attire notamment des rats. Ils prolifèrent depuis quelques semaines, jusqu'à rentrer dans les tentes. Ce qui inquiète les associations sur place. Un bébé aurait même été mordu par un rat il y a quelques semaines.
Camille Guédon, coordinatrice régionale de médecins du monde en Guyane s’inquiète de possible cas de leptospirose :
" On pense qu'il y avait déjà des rats, mais le fait qu'ils se rapprochent vraiment des personnes jusqu'à mordre les bébés cela signifie qu'ils rentrent dans les tentes et donc, possiblement, ils peuvent uriner sur les affaires, la nourriture... et donc entraîner la leptospirose chez les personnes".
Aggravation de l'état de santé des plus vulnérables
Une situation sanitaire critique, accentuée par les lenteurs administratives pour obtenir le droit à l’asile. L’absence d’hygiène aggrave le cas de personnes déjà vulnérables.
C’est le cas de Mohamad, 51 ans, arrivé il y a 3 mois à la Verdure, hospitalisé d'urgence au début du mois pour une péritonite aiguë. Une inflammation au niveau de l’abdomen qui peut s’avérer mortelle si elle n’est pas traitée.
"Quand je suis venu ici, j'ai été choqué par cet endroit. Il n'est pas adapté. L'endroit n'est pas propre, la maison n'est pas propre, l'eau n'est pas propre."
Pour ces raisons il a refusé la visite quotidienne d’une infirmière: "Les médecins m'ont dit : "vous devriez avoir un espace propre, une maison propre. » Ils voulaient m'envoyer une infirmière chaque jour pour me donner des médicaments, mais je n'ai pas cette maison. Je n'ai pas de maison propre."
Sans eau potable, ni habitat salubre, la guérison de ce réfugié sera difficile. Et comme nombre de ses compatriotes, sa situation ne sera pas débloquée avant l’enregistrement de sa demande d’asile. Un rendez-vous prévu en avril 2025. Certains courent même jusqu'à 2027.
La Cimade dénonce régulièrement le traitement inadapté de la question des réfugiés en Guyane
Lucie Curet, la représentante régionale de la Cimade reçue au JTSoir le 17 décembre et interrogée par Alexandra Silbert est revenue sur les circonstances qui ont prévalu à l’hébergement de réfugiés dans un lieu complètement inadapté :
« … C’est plutôt le réceptacle des opérations d’expulsions de camps qui se trouvaient en centre-ville et qui, depuis, se trouve sans statut avec des dispositifs d’accompagnement bricolés… Faits dans l’urgence… C’est un camp qui est dans le délabrement le plus total ». Toutefois la représentante de la Cimade note : « On revient de loin… Il n’y a pas de centre d’accueil en Outremer. Les centres d’accueil sont développés comme des hébergements d’urgence sous côtés par rapport à l’accompagnement des centres d’accueil. »
Depuis 2019, il y a eu des efforts de fait pour l’accueil des réfugiés mais cela reste très insuffisant déplore la représentante de la Cimade. La lenteur de l’administration pour la régularisation de ces situations, contribue à accentuer la fragilité de ces personnes. Tous les droits se rattachant au statut de réfugié comme le droit à un hébergement, d’aller à l’école, l’attribution d’une indemnité, sont suspendus à l’instruction des dossiers qui, au lieu de quelques jours, dure jusqu’à deux années en Guyane.